Trouble psychologique : le cache-sexe d’autres maux de notre société

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Par Clémence Houdiakova Modifié le 24 août 2017 à 16h25
Terroristes Troubles Psychologiques Violence Armes
750Entre 2013 et 2014, Daesh a perpétré 750 attentats terroristes.

Le temps des malades mentaux est venu. Mardi 22 août, un « déséquilibré » a agressé un militaire à Lyon, le ministre de l’intérieur Gérard Collomb a, lui, déclaré qu’un tiers des personnes signalées comme radicalisées ont des « troubles psychologiques ». Le Dr Gallois, médecin psychiatre, expert auprès des tribunaux, nous éclaire sur l’explosion de ce terme qui en cache d’autres.

Clémence Houdiakova : À presque chaque nouvel attentat, la thèse du « déséquilibré » est envisagée par l’instruction. Que l’acte soit revendiqué par Daesh ou pas, la qualification de malade mental peut être retenue et exonérer le fautif de peine judiciaire, comme l’a souligné Gérard Collomb. Comment se déroule cette expertise psychiatrique ?

Dr Eric Gallois : Il existe plusieurs procédures judiciaires avec des déroulés différents : tribunal civil, spécialisé pour enfant, pénal pour des crimes ou des délits, administratif. Cependant, le but est toujours le même : savoir si oui ou non la personne présentée devant la justice doit être sanctionnée pour ses faits.

Pour une tentative de meurtre par exemple, l’expert psychiatrique doit répondre aux questions suivantes :

-L’examen du sujet révèle-t-il des anomalies mentales ou psychiques ?
-L’infraction qui est reprochée au sujet est-elle en relation avec de telles anomalies ?
-Le sujet est-il accessible à une sanction pénale ?
-Le sujet est-il curable ou réadaptable ? Une injonction de soin vous paraît-elle opportune ?
-Le sujet présente-t-il un état dangereux pour lui-même ou pour autrui ?
-Le sujet était-il atteint au moment des faits d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli ou altéré son discernement ou le contrôle de ses actes ?

La condamnation du mis en cause dépend donc en grande partie de l’analyse psychiatrique qu’en fait l’expert alors que la psychiatrie n’est pas une science exacte. Comment justifier cette subordination de la justice à la psychiatrie ?

Dr Eric GALLOIS : Le juge peut toujours ordonner une contre-expertise et la décision finale lui revient. N’oublions pas que le psychiatre ne donne qu’un avis technique sur un trouble psychiatrique et/ou un trouble de la personnalité du mise en cause, sans apporter l’expertise criminologique qui est un autre domaine.

Mais il est vrai que la justice se repose de plus en plus sur ces avis d’expert. C’est parfois une façon de s’exonérer de la fonction répressive de la justice.

L’injonction de soin-dont la personne mise en cause profite souvent trop peu pour changer d’attitude-offre une solution alternative à la prison, qui rappelons-le, est surpeuplée. L’hôpital psychiatrique prend le relais d’une justice répressive haletante.

Le "tout psychiatrique ou socio-psychologique" est d’ailleurs un phénomène de société, c’est aussi une réalité économique : les derniers chiffres de l’Assurance-maladie le rappellent : la santé mentale, avec 7 millions de personnes et des dépenses de 19,3 milliards d’euros, pèse en France plus lourd que le cancer.

Ne vivons-nous pas une déresponsabilisation de la société, à l’heure où tout peut-être justifié par des causes psychologiques ? Hier encore, c’est un « déséquilibré » qui a agressé un militaire à Lyon, l’angle psychologique efface d’autres terminologies au point qu’on évoque une « présomption de folie ».

Dr Eric GALLOIS : Tout à fait !

Certes, tout peut-être expliqué par la psychologie, j’en parle en connaissance de cause : nos interactions aux autres, nos stratégies d’adaptation au réel, notre modèle social de vie, etc. mais cela n’excuse en rien la violence et la barbarie. On peut être pauvre et honnête. Le statut « victimaire » est trop souvent valorisé dans notre société : la plainte, la revendication, le sentiment perpétuel d’injustice.

Le trouble de la perception de soi se définit par un déficit du sentiment d’efficience personnelle, d’appartenance et d’autonomie. Les terroristes sont en effet souvent des personnes vulnérables auquel il manque ce sentiment d’appartenance lié à un cadre éducatif et culturel. Un cadre qui ne peut être apporté seulement par le système scolaire, les valeurs républicaines de notre pays, mais aussi et surtout par la famille et l’environnement du malade : Or ils sont souvent été livrés à eux-mêmes et deviennent des « satans adolescents », comme l’évoque Paul Verlaine dans « Crimen Amoris » :

« Dans un palais, soie et or, dans Ecbatane,
De beaux démons, des satans adolescents,
Au son d’une musique mahométane,
Font litière aux Sept Péchés de leurs cinq sens. »

Mais il reste toujours une part de subjectivité. Même encadré par un staff médical, l’homme doit faire un travail sur lui pour évoluer.

Évoquer les troubles psychologiques des terroristes, comme l’a fait Gérard Collomb, ne permet donc pas de les dédouaner de manière automatique. La psychiatrie ne doit pas devenir l’habillage, l’alibi, le cache-sexe des maux de notre société. Ce ne sont pas des victimes, mais des êtres qui doivent s’adapter à la société à laquelle ils désirent appartenir. S’ils n’en sont pas capables, la société doit agir en amont en définissant clairement les limites admises dans notre modèle, les devoirs, et faire en sorte de pouvoir s’en protéger.

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Clémence Houdiakova est journaliste à Radio Courtoisie

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