BTP : Eiffage relève les défis du Grand Paris Express

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Par Modifié le 31 janvier 2022 à 16h39
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10 Milliards €C'est le montant des lots du Grand Paris Express qui restent à attribuer aux entreprises de BTP

Le chantier du Grand Paris Express bat son plein. Projet de tous les superlatifs, il mobilise de très nombreux acteurs du BTP, de toutes tailles, des PME aux majors, parmi lesquelles le groupe Eiffage. Guillaume Sauvé, président des filiales Génie Civil et Métal, évoque pour nous plusieurs aspects du travail d’Eiffage pour le GPE, approfondissant notamment le thème complexe des relations nouvelles entre donneur d’ordre et prestataires.

Guillaume Sauvé, où en est l’implication d’Eiffage Génie Civil et d’Eiffage Métal dans le chantier du GPE ?

Sur l’ensemble des travaux en cours en région parisienne, nous avons déjà obtenu quelques beaux succès. Sans être exhaustif, je citerais : le prolongement d’Eole, la ligne 14 Sud, l’emblématique Lot 1 de la ligne 16 et ses 19 km de tunnel, ou encore le lot T2B de la ligne 15 Sud. Succès obtenus pour la moitié d’entre eux en groupement, avec d’autres signatures d’excellence du BTP, car le GPE dans sa complexité nécessite un travail d’équipe plus qu’aucun autre chantier. Actuellement nous travaillons sur les appels d’offres majeurs des quatre segments de la ligne 15, dont l’attribution devrait intervenir en 2022 et 2023. Et ce n’est pas fini.

Avant d’entrer dans les particularités du GPE, voulez-vous nous dire comment Eiffage gère un chantier majeur d’une manière générale, et notamment dans votre dialogue avec les parties prenantes ?

Nous structurons systématiquement les projets complexes en trois piliers, articulés en fonction de l’horizon temporel : pilotage, études, travaux.

Le pilotage se concentre sur la finalité du projet et sur les relations avec le client, pour définir avec lui ce qui est souhaité comme objet final, et suivre la progression vers l’objectif, dans la durée.

Les études servent à définir l’ouvrage, puis à préciser les moyens qui vont être mis en œuvre pour le réaliser, et leur articulation. Il s’agit de décider comment, à partir de nos connaissances et de nos capacités actuelles et prévisibles, nous adaptons l’outil global Eiffage génie civil, avec les autres filiales si nécessaire, pour aller vers l’objet final, en harmonisant le souhaitable et le possible.

Les travaux, évidemment, traduisent dans le monde réel ce qui précède.

Le point commun à ces trois piliers est la recherche de solutions pragmatiques et raisonnables, à égale distance des théories « hors-sol », des solutions « à la petite semaine », et des blocages systématiques.

La logique commune qui garantit la cohérence de l’ensemble est la recherche d’efficacité, pour respecter les délais et les budgets. Sur des projets de plusieurs années (jusqu’à 10 ans pour le GPE), il est normal qu’il y ait des modifications. Le défi est de les intégrer au bon moment, pour que cela n’obère pas la réalisation des travaux. Il s’agit de protéger les équipes d’exécution, afin qu’elles ne soient pas arrêtées et que la réalisation soit fluide. Les modifications résiduelles, qui doivent demeurer des exceptions, sont gérées au bon moment avec des équipes spécifiques, dédiées à cette tâche, réduites en taille et en nombre. Tous les processus Eiffage mis en place tendent vers cet objectif.

Tout cela se fait en contact étroit avec les parties prenantes du projet, ce qui nécessite d’identifier les bons interlocuteurs pour chaque horizon temporel. À grands traits : l’utilisateur final et le maître d’ouvrage pour le pilotage, les équipes techniques de projet pour le moyen terme, et les interlocuteurs de terrain pour gérer le quotidien des travaux et ses aléas. Pour un chantier de l’ampleur du GPE, cela représente une foule d’acteurs différents.

Quel que soit le sujet traité, notre priorité est la circulation de l’information, en interne comme chez nos partenaires, pour, précisément, fluidifier et accélérer la prise de décision.

Pour en venir au thème central de cet entretien, que représentent les marchés du GPE pour Eiffage Génie Civil ?

Le GPE, évidemment, est un sujet central dans notre activité actuelle, et, nous l’espérons, pour l’activité de la décennie à venir. C’est un relais de croissance majeur pour les filiales que je préside. Il représente de l’ordre de 50% de l’activité de Génie civil de l’Ile de France. C’est un investissement stratégique pour la région, par les montants en jeu évidemment, mais surtout par le fait que le réseau que nous construisons va structurer l’activité économique et la vie sociale des Franciliens pendant des décennies.

Postuler pour le GPE, c’est aussi travailler pour un client bien structuré, proche du pouvoir, avec les impulsions que ce dernier donne dans différents domaines, qui sont autant de défis pour les contractants : bas carbone, numérique, traitement des déblais, prévention... Plus le client est exigeant, plus nous progressons.

Enfin, c’est un levier pour aller vers d’autres marchés complexes, en France comme à l’étranger. Le fait que nous ayons remporté la ligne 16, un projet de 1,9 Mds €, avec 6 tunneliers, est un vecteur de notoriété incontestable. Cela montre qu’Eiffage a franchi une nouvelle étape en matière de gestion de projet complexe. Cela constitue donc une nouvelle référence, qui fait la fierté des équipes. À l’instar de notre prestation sur la ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes qui nous a ouvert le marché de la ligne HS2 en Grande-Bretagne.

Cet effet de pallier accroit notre capacité, notre notoriété, et dope notre ambition et notre esprit d’entreprise.

L’un des traits caractéristiques du chantier du GPE, ce sont les nouvelles modalités contractuelles entre le client et les prestataires, les fameux contrats de « conception-réalisation ». Que pouvez-vous nous en dire ? Qu’est ce qui a conduit à en modifier les règles ?

Depuis les années 90, le secteur public se recentre progressivement sur la gestion globale du projet et des parties prenantes, et, dans le cas du GPE, cela prend des proportions hors norme. La Société du Grand Paris se concentre sur la maîtrise d’ouvrage, laissant de fait la maîtrise d’œuvre à d’autres acteurs.

La répartition de principe me semble devoir être : aux prestataires, les solutions techniques dans leur ensemble, dans le but de livrer ce qui est prévu au contrat ; au client et maître d’ouvrage, la finalité, les relations globales, les financements, et naturellement la vérification que ce qui est livré est conforme aux exigences contractuelles : qualité, coût, délai.

La « conception-réalisation » permet au client de se reposer sur l’entreprise pour l’optimisation du projet, selon deux logiques complémentaires. En matière de coût, l’entreprise est libre de ses solutions techniques. En matière de gestion de projet, c’est à l’entreprise mandataire d’un groupement qu’incombent la coordination et l’interface technique entre tous les lots, avec tous les contributeurs, débarrassant le client de ces tâches chronophages.

La SGP peut alors se concentrer sur le dialogue avec les parties prenantes, et la mise en cohérence globale du projet. La finalité étant de transporter à terme des dizaines de millions de passagers, chaque année et pendant des décennies, il faut que le transporteur, les usagers, les élus locaux puissent s’exprimer sur le futur service rendu, comme sur les conditions d’exécution du chantier.

C’est un modèle qui a l’air effectivement assez sensé. En quoi peut-il poser problème ?

Si le schéma de principe que je viens d’évoquer est relativement simple, les modalités pratiques le sont moins.

Nous n’en sommes qu’aux balbutiements de ce genre de solutions dans un environnement aussi complexe que celui du GPE. Ici, on ne construit pas un port, ou une autoroute, dans un périmètre circonscrit totalement maîtrisé et avec peu de parties prenantes. On est en pleine mégapole, avec des gens qui vivent, qui travaillent, qui se déplacent. On est sous terre, avec des réseaux multiples, pas forcément tous cartographiés, avec les aléas géotechniques… On est dans des zones à forte densité de population, près de la capitale du pays, avec la dimension politique que peut revêtir ce genre de projet, qui va mettre plus de 10 ans à être complétement opérationnel. L’entrepreneur est donc face à une multitude d’aléas, dont on ne sait pas, à ce jour, comment ils vont être traités, d’un point de vue aussi bien juridique que technique.

Je pense que l’idée de conception-réalisation est globalement pertinente, mais les entreprises de BTP redoutent une posture de la SGP qui consisterait à transférer de manière globale tous les risques aux entreprises.

Or, dans un chantier à vocation de service public comme le GPE, tous les acteurs ont une obligation de résultat : les personnes publiques, les entreprises, et les responsables politiques. Un simple mécanisme de transfert contractuel des risques et des pénalités associées ne saurait être à la hauteur d’un tel objectif.

Comment dans ce cas trouver le bon équilibre ?

Il faut que chacun assume les responsabilités de son ressort. Le client doit apporter la plus-value là où il est le seul à pouvoir le faire : établir le cadre global de réalisation du projet, et en garantir la stabilité dans la durée. Concrètement, cela comprend, au premier chef, la gestion des élus dans la définition du service final à rendre et de ses modalités, puisque c’est un client public et que le produit en gestation est un bien public. Cela inclut également la mise à disposition, actualisée autant de fois que nécessaire, d’un état des lieux le plus complet possible, en particulier sur l’environnement des chantiers, avec notamment les réseaux souterrains…

Ce cadre stable étant posé, notre responsabilité de concepteur-réalisateur est de deux ordres.

D’une part, côté conception, au travers du dialogue compétitif en amont des attributions, il s’agit de permettre au donneur d’ordre de confronter d’emblée ses souhaits avec la réalité d’une future construction, et donc d’aboutir, beaucoup plus vite qu’avant, à des solutions opérationnelles. Concrètement, dans cette phase qui précède la décision d’attribution aux soumissionnaires, nous mettons à la disposition du client tout notre savoir-faire en matière de conception et de méthode de réalisation, qui constitue autant d’opportunités d’optimiser le projet.

D’autre part et de manière évidente, côté réalisation, nous assumons intégralement toutes nos responsabilités techniques et managériales de pilotage du projet, de façon à fluidifier les interactions internes au groupement, au service du projet et en toute transparence avec le client.

Le fruit de cet équilibre, à bâtir dans la durée puisque nous en sommes aux prémices, c’est la confiance établie entre client et prestataires, qui débouchera sur un succès global, dix ans après. Par ailleurs, la notion d’équilibre que j’évoque doit aussi s’appliquer au-delà de chaque contrat en particulier. Compte tenu de l’investissement initial que représente pour les entreprises le dialogue compétitif, il me parait essentiel que les donneurs d’ordre publics veillent à une juste rétribution, en passant effectivement des marchés avec ces acteurs vertueux, sous peine d’hypothéquer l’avenir de ce processus prometteur et des entreprises qui s’y engagent.

Pour revenir à chaque contrat particulier en conception-réalisation, le point essentiel pour arriver à l’équilibre souhaitable est que nous ayons la certitude, lors de la signature des contrats, de pouvoir résoudre ensemble les difficultés, notamment lorsque le fameux « cadre stable » que j’évoquais, est remis en question pour une raison ou une autre. C’est-à-dire de disposer des structures, des procédures et, des deux côtés de la table, de la volonté de travailler dans ce sens.

Nous travaillons donc à la mise en place de structures et de processus souples de règlement des litiges, applicables dans des cas bien définis, et forcément contraignants. Je souhaite que nous puissions les tester autour de cas concrets « à blanc », qui permettront de définir le fonctionnement optimum.

De même, si toute la conception-réalisation est laissée aux entreprises, il faut que nous soyons sûrs que tout le monde, autour de la table, a bien été consulté, pour éviter qu’une partie prenante dise, au moment de la livraison : « je ne suis pas d’accord, je n’ai pas eu mon mot à dire », et que ça entache la qualité du projet… Ou alors, que ce cas de figure soit entièrement assumé par la SGP.

Pour conclure, je soulignerais que les responsables de la SGP, en charge de l’intérêt public, sont très conscients de leur devoir de s’impliquer, puisque leur raison d’être est de construire et de rendre opérationnelles les lignes en question. Je n’ai donc pas de doute sur le fait que nous avancions sur ce sujet dans les mois qui viennent, et que ces règles que nous allons nous donner nous permettront de gagner ensemble !

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