Le cas Edouard Philippe devient problématique

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 20 mai 2019 à 17h25
Escalier Spirale Verhaeghe Philippe

Contre toute attente, Edouard Philippe a conservé son poste de Premier Ministre, alors que le bon sens politique voulait qu’Emmanuel Macron procédât à un remaniement pour se relancer dans l’opinion. Mais... voici que le spectre de son éviction après les européennes ressurgit, et que l’intéressé pourrait très bien faire de la résistance. On lui prête des intentions à Paris qui contre-carrerait les projets de Griveaux et de Villani. Mais, au-delà de ce point, Philippe pourrait reprendre le flambeau des juppéistes et former un embarrassant noyau de contestation anti-Macron.

Edouard Philippe a-t-il décidé d’entrer en résistance contre Emmanuel Macron ? Plusieurs indices laissent à penser que l’entente entre les deux hommes n’est pas au beau fixe, et qu’il y a de la rébellion dans l’air.

L’évidente méforme solitaire de Macron

Premier point, bien visible : Emmanuel Macron terrorise toujours son entourage, et creuse le fossé de sa solitude. Il vient par exemple de perdre un conseiller diplomatique, nommé généreusement ambassadeur en Afrique du Sud. L’hémorragie continue donc dans son entourage, mal compensée par des recrutements improbables. Le très chiraquien Jérôme Peyrat vient par exemple de rejoindre l’Elysée.

Ces renforts étonnants ne semblent pas briser la solitude grandissante du Président. La séquence des otages au Bénin, que le Président est maladroitement allé accueillir à Villacoublay, l’a montré : plus personne n’est en position suffisante pour déconseiller à Macron de commettre des erreurs de communication. Dans ce cas d’espèce, beaucoup de Français ont perçu que la recherche de la popularité primait l’empathie du Président pour les soldats morts.

Ce genre de faux pas, où l’opinion publique perçoit un Président manipulateur capable de récupérer n’importe quel drame pour remonter dans les sondages, pourrait un jour coûter très cher politiquement.

Edouard Philippe et ses appétits nouveaux

Face à cet affaiblissement manifeste du pouvoir présidentiel, Edouard Philippe se montre coriace et probablement plus gourmand ou ambitieux qu’on aurait pu le penser à son arrivée à Matignon.

Cette affirmation s’est déployée avec une certaine habileté à l’occasion d’une interview donnée au Figaro. Le Premier Ministre y a fustigé la stérilité de la droite du Trocadéro, en allusion à ceux qui ont assisté au discours de François Fillon sous la pluie parisienne, place du Trocadéro, avant le premier tour de la présidentielle. Cette attaque contre le parti de Laurent Wauquiez n’est pas passée inaperçue.

A moyen terme, elle montre que le Premier Ministre a probablement décidé d’incarner la droite juppéiste laissée en déshérence après la nomination du maire de Bordeaux au Conseil Constitutionnel. Après avoir annoncé qu’il arrêterait la politique après Matignon, on peut penser qu’Edouard Philippe est prêt à prendre la tête de cette droite orléaniste qui peine à se retrouver dans la personnalité de Laurent Wauquiez.

Cette affirmation n’est en tout cas pas inutile si le gouvernement veut donner à Arnaud Robinet, maire de Reims, ou à Christian Estrosi, maire de Nice, de bons arguments pour rejoindre En Marche plutôt que les Républicains. En l’état, ces deux « grands » maires n’ont pas tenu leur promesse de soutenir la liste Loiseau aux européennes, et ont rejoint Bellamy.

Les ambitions naissantes de Philippe

Parallèlement, il se murmure de façon grandissante qu’Edouard Philippe s’intéresserait à la mairie de Paris, pourtant convoitée par une myriade de marcheurs : Griveaux, Mahjoubi, Villani, et quelques autres. Cette hypothèse d’un parachutage de Philippe à Paris n’est pas nouvelle. Ecartée un temps, elle revient avec une insistance qui annonce probablement un remaniement ministériel.

Les différentes fuites dans la presse ont permis de savoir que le Président doutait de sa victoire aux européennes, et anticipait un resserrage de boulon en juin. Il libérerait Philippe de Matignon, qui pourrait ainsi se consacrer à un combat électoral sensible.

Tout le monde a en tête le lâchage de Giscard par Chirac devenu maire de Paris. Et tout le monde se dit que l’histoire pourrait n’être qu’un éternel recommencement. De fait, en prenant la toque des juppéistes et en prenant Paris (ce qui n’est pas gagné, cela dit), Edouard Philippe deviendrait une vraie menace pour Emmanuel Macron.

Y a-t-il une panique élyséenne face aux européennes ?

Toutes ces hypothèses n’ont évidemment de sens que si et seulement si la liste En Marche parvient à faire bonne figure aux élections européennes. Selon les sondages, elle devrait arriver au moins ou au pire en seconde position, juste derrière la liste du Rassemblement National.

Ceci suppose que les sondages aient une faible marge d’erreur. Mais on ne peut ignorer la rumeur selon laquelle les scores annoncés pour la liste En Marche seraient très inférieurs à ce qui est publié dans la presse. Il se murmure qu’En Marche pourrait réaliser une véritable contre-performance fin mai.

Pour Edouard Philippe, qui ne serait que peu entaché par une seconde place d’En Marche, un tel scénario serait en revanche très mauvais. Nathalie Loiseau appartient à sa mouvance et un échec manifeste de la tête de liste, même interprété comme une conséquence de l’impopularité d’Emmanuel Macron, ne serait pas très encourageante pour la suite.

Au fond, et contre toute attente, les élections européennes pourraient être pleines de (mauvaises) surprises.

Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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