Le discours populiste de Marine décrypté

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Par Elodie Trojanowski Modifié le 26 avril 2017 à 23h29
Marine Le Pen

Pour la seconde fois de l’histoire, le Front national obtient sa place au second tour des présidentielles. Avec un total de 21,3% des suffrages, la candidate talonne son rival Emmanuel Macron (24%). Marine Le Pen tire avantage d’une conjoncture qui lui est largement favorable. Sa stratégie de « dédiabolisation » du parti et le processus de respectabilisation entamés depuis son accès à la Présidence du FN début 2011 ont démontré leur efficacité au travers de succès à répétition ces dernières années.

Avec un votant sur quatre lui accordant sa confiance lors du dernier passage aux urnes, Marine Le Pen confirme son assise et sa popularité auprès des citoyens français. La refonte du discours du parti entre en concordance avec les sujets d’actualité et Marine bénéfice d’une conjoncture actuelle en adéquation avec les thèmes qui lui sont chers : l’euroscepticisme et le Brexit, les limites de l’immigration et les attentats perpétrés ces dernières années en sont de beaux exemples. Néanmoins, le FN est passé d’une image de parti d’extrême droite à celle d’un parti répondant aux interrogations des Français pour certains, populiste pour d’autres. Cette transformation émane d’une stratégie de communication millimétrée.

Le discours populiste

Les thèmes que Marine Le Pen met en avant depuis quinze ans ne cessent de lui donner raison au détour des unes de la presse. Marine serait-elle visionnaire comme elle veut bien le faire croire ? Il est moins question de pouvoir de prédiction que du fait que la communication du parti se muscle au fur et à mesure des problématiques « à la mode ». Par exemple, Marine prend les devants en se qualifiant de « cible du système » et en parlant d’une justice instrumentalisée avant même que les affaires concernant la dynastie Le Pen soient révélées. Si les boucs émissaires ont changé passant des juifs et des « arabes » à l’Europe et à sa monnaie, le FN continue de développer son discours autour de concepts grandiloquents et de beaucoup de symbolique. Elle dresse ainsi un parallèle agile sur les réseaux sociaux entre son combat et celui de Jeanne d’Arc : « Cette jeune bergère aux origines modestes, s’est battue pour rendre à la France sa liberté. C’est un modèle » (Twitter, le 11 septembre 2016). En ce sens, la communication politique de Marine se rapproche du discours de son père. Le populisme tel que décrit par Jan-Werner Müller, spécialiste de la pensée politique contemporaine, comme courant dont « le critère principal d'identification est la revendication du monopole moral de la représentation du "peuple vrai" ». Marine tente de laisser croire qu’elle fait partie du peuple-citoyens opposé au « système », à « eux », aux « autres » en prenant soin de ne jamais clairement définir la classe qu’elle semble combattre afin de laisser planer l’impression de menace poussée à son paroxysme.

La manipulation cognitive

Les discours de Marine sont généralement très anxiogènes. La candidate use de concepts récurrents réveillant la peur chez son auditoire. Au lancement de la campagne de l’entre-deux tours, Marine Le Pen décrit son rival, Emmanuel Macron, comme le candidat d’une « mondialisation sauvage et brutale, de l’immigration massive, de la soumission et de la fracturation en communautés ». Il s’agit d’un cadrage manipulateur voire menteur à travers lequel l’orateur fait un recadrage faussé du réel pour l’imposer en connaissance de cause à l’auditoire. L’instant d’après, elle se décrit comme « candidate patriote, celle du peuple ». « Macron insulte la France. Le patriotisme c’est de l’amour. C’est un sentiment que l’on ne ressent pas chez Macron ».

L’appel au pathos

Le succès du FN aux premier tour des élections est aussi justifié par la maîtrise de Marine des procédés manipulatoires faisant appel au pathos, à la sensibilité de l’auditoire. Ainsi, lors de son interview par David Pujadas lors du coup d’envoi de la campagne du second tour, et faisant référence à un petit reportage précédent, elle dit : « Je n’ai aucune déception, que des espérances, espérances que j’aimerais partager avec les deux mamans que nous avons vues dans le reportage et qui ‘galèrent’ comme elles le disent. Nous pouvons gagner, nous allons gagner ». Cette simple annonce renferme une relation d’authentification via manipulation des affects et appel aux sentiments. En effet, lorsque Marine met en lien « les deux mamans » et le pronom « nous », elle absorbe les deux protagonistes et oblige l’auditoire à comprendre que la candidate et le peuple ne font qu’un. D’autre part, les personnages ne sont pas choisis au hasard puisqu’il s’agit de « deux mamans qui galèrent » renvoyant une image stéréotypée dans l’imaginaire collectif. Placée en début de phrase, l’interpellation fait directement appel au pathos des spectateurs et créée chez eux un sentiment d’empathie.

De l’extrême-droitisme, Marine Le Pen a tenté de passer au populisme afin de rallier un maximum de suffrages à son idéologie. Néanmoins, après une campagne présidentielle « politiquement correcte », son discours du 18 avril 2017 se droitise et donne le ton à la communication politique de la campagne de l’entre-deux tours. La candidate intensifie la ferveur de ses troupes en revenant à des propos identitaires originels et propose d’instaurer un moratoire immédiat sur l’immigration légale si elle est élue. Sa position se précisera ces prochains jours et jusqu’au 7 mai prochain.

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Elodie Trojanowski est l’auteure de « Le nouveau Front national. Etude de la nouvelle ligne du parti à travers le discours de Marine Le Pen ». Après un master en journalisme qu’elle complète d’un master en finance internationale, elle poursuit aujourd’hui sa carrière comme analyste financière et continue de collaborer ponctuellement avec la presse en particulier dans le domaine de la politique économique en Afrique.Crédit photo : www.bohallengren.com.

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