François Hollande : mort pour la com

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Par Christophe Ginisty Modifié le 2 décembre 2016 à 19h33
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51,56 %En mai 2012, François Hollande a remporté 51,56 % des suffrages.

L’annonce du renoncement de François Hollande, aussi courageux et digne soit-il, me laisse ce matin comme un goût amer en bouche.

Pour tout vous dire, j’ai été déçu d’apprendre sa décision lors de cette intervention télévisée qui fut l’une des meilleures du quinquennat, un modèle de discours, impliqué et déterminé, sincère et juste.

Je sais ce que tout le monde dit. Il était au plus bas dans les sondages et n’avait pas la moindre chance d’arriver en tête, ne serait-ce qu’à la primaire de la gauche. Mais pourquoi ?

Parce qu’il s’est planté pendant 5 ans ? Parce qu’il a ruiné la France et ne s’est pas montré à la hauteur de la tâche ? Parce qu’il a piqué dans la caisse et reçu des fonds de la part de dictateurs ? Parce que la France va plus mal qu’en 2012 ? Parce qu'il s'est compromis avec les seigneurs du CAC40? Non, rien de tout ça.

Il en est là parce qu’il n’a jamais su faire un truc essentiel : communiquer et travailler son image. Il n'a jamais intégré qu'au-delà du "savoir faire", il y avait le "faire savoir."

Débarrassons-nous ne nos instincts d’économistes de comptoirs et refusons la facilité des avis de « spécialistes » à l’emporte-pièce de nos humeurs. François Hollande a fait le boulot et demeurera dans l’histoire comme un président qui aura fait évoluer la société par des réformes en profondeur, comme celle évidemment du mariage pour tous.

Et comme il a tenu à le souligner hier en début d’intervention pour que l’on mette à son crédit quelques progrès factuels, le travail qu’il a accompli mérite tout notre respect. En tout cas le mien.

Mais il n’a jamais su communiquer. A l’instar de ces esprits hyper bosseurs "workaholics", François Hollande fait partie de ces gens ignorants de la manière avec laquelle se forme l’opinion et qui pensent que les résultats rendront justice à l’action dans le temps long.

L'anachronisme est que nous vivons dans l'époque de l'instant et de l'hypermédiatisation. Y échapper est suspect, contreproductif, auto-destructeur.

J’ai lu des tonnes de fois sur Facebook ou ailleurs que François Hollande, c’était la cata de la part de gens toujours trop prompts à foutre toutes les responsabilités sur le Président de la République, comme s’il était responsable de tout, de chaque aspect de notre vie quotidienne.

Je lisais un type hier prétendre que si le FN était à ce point populaire dans les sondages, c’était aussi à cause de lui. Sauf qu’il faut être franchement crétin pour affirmer des telles âneries sans voir que la bonne santé médiatique du parti d’extrême droite est très grandement imputable à la stratégie de dédiabolisation réussie de Marine Le Pen.

En fait, la question que nous devons tous nous poser est de savoir quels sont les critères que nous devons utiliser pour juger le bilan d’un chef d’État.

Pour ma part, j’ai une vision assez régalienne de la fonction et si je ne trouve pas du boulot ou si mes clients me payent mal et en retard, si mes filles ont du mal à trouver un appart, ou si je ne me sens pas bien dans ma peau, je ne mets pas ça sur le dos du gouvernement. Je n’attends pas d’un chef d’État qu’il s’occupe et s’immisce dans chaque compartiment de ma vie. Je préfère me débrouiller tout seul dans le cadre républicain.

J’attends d’un chef d’état qu’il s’illustre par son action diplomatique dans un environnement mondialisé où plus de 70% de nos lois viennent des institutions européennes et la plus grande partie de ce qui se trouve en magasin est produit dans des pays pauvres ou fabriqués en Chine.

J’attends également qu’un chef d’État ait la capacité à impulser des grands changements sociétaux comme ce qu’il a fait pour le mariage pour tous ou encore en économie, par la fin de certains monopoles corporatistes et une valorisation comme jamais de la FrenchTech.

Et sur la question fondamentale de l’avenir de la planète – et vous me concéderez qu’il n’y a pas plus fondamental – j'attends que mon chef d'État soit moteur comme il le fut sur le chantier réussi de la Cop21 avec l’accord historique de Paris qui, même s’il n’est pas non plus parfait, mériterait à lui seul que je revote pour lui.

Bref, je vis l’annonce de l’abandon de François Hollande comme une véritable injustice car je prends conscience que rien ne peut malheureusement se faire si l’on ne prend pas la peine de devenir populaire et s’afficher sur papier glacé.

Parce qu’il n’a jamais su communiquer et parce qu’il s’est pris les pieds dans tous les pièges de la communication moderne, comme celui de l’épouvantable gestion de sa vie privée, lui qui pense qu’on peut très bien diriger l’une des plus grandes puissances mondiales sans Voici ou Closer, comme celui aussi du livre sur ses confidences, il se retrouve aujourd’hui contraint de prendre la porte pour éviter l’humiliation, ne pas risquer de diviser la gauche et contribuer à l’élection de Marine Le Pen.

Oui, c'est injuste.

Mais je suis sûr que son pari réussi et que son passage laissera des traces et sera un jour salué comme il le mérite.

A suivre…

PS : Et bien sûr, je ne peux pas passer sous silence que je me suis complètement planté sur mes pronostics quand je prévoyais qu'il serait réélu. Mea maxima culpa.

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Christophe Ginisty est professionnel de la communication, patron du numérique pour le Benelux au sein de l'agence Ketchum, blogueur sur www.ginisty.com. Son Twitter : @cginisty.

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