François Hollande sur le divan du Docteur Freud

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Par Jean-Paul Betbèze Modifié le 2 juin 2015 à 10h04
Sigmund Freud Psychanalyse Francois Hollande

Vienne, deux heures du matin. Quelqu’un frappe à la porte.

François Hollande Merci de me recevoir, Docteur, à cette heure où personne ne me suit plus. Je n’en puis plus !

Docteur Freud Ne me suit plus/je n’en puis plus : je vois. Je vous en prie Président, allongez-vous ! Parlez-moi.

François Hollande Je risque d’être réélu, en dépit de tous mes efforts pour échouer ! Déjà, lors de ma première compagne – pardon, campagne, oh le lapsus… -, en parlant de « cette finance sans visage qui était ma seule ennemie », je m’étais dit que les Français comprendraient que je m’attaquais seulement à des spectres. Ils prendraient peur et voteraient pour « l’autre » ! Patatras : ils n’ont pas compris mon trouble !

Docteur Freud De fait, moi aussi j’ai été surpris du choix de vos compatriotes. Se donner comme seul ennemi un être sans visage, c’est dire qu’on ne se situe pas dans le domaine du réel mais seulement dans celui du refoulé.

François Hollande Vous avez compris, Docteur : je ne voulais pas être élu, comme tout ce que je fais d’ailleurs. Je me mets toujours dans des positions pour ne pas avoir à choisir : Ayrault pour ne rien faire, et le voilà qui part et arrive Valls qui choisit ! J’oppose alors Valls à Montebourg et le voilà qui part aussi, pour que vienne Macron. Un Macron qui choisit !

Docteur Freud Choisir, pour vous, c’est perdre un peu de liberté, mais d’une liberté en fait fantasmée, pour accéder au çà. Je suis d’ailleurs étonné du poids de votre surmoi. D’après la presse, je pensais que le çà surtout vous tenaillait.

François Hollande Mais que non ! Je suis toujours inquiet et le çà en est la preuve, puisque j’y hésite aussi beaucoup. Ce qui me trouble, en fait, ce ne sont pas Angela (Merkel), Janet (Yellen) Christine (Lagarde) ou Hillary (Clinton), ces femmes du pouvoir. C’est leur flegme pour traiter des questions que je ne comprends pas bien, elles non plus je crois, mais moi ceci me trouble plus.

Docteur Freud Me trouble plus/ne trouble plus : est-ce donc la mort qui au fond vous attire, le néant de l’opposition ?

François Hollande Oui, ou peut-être non. J’aime la douceur du monde secoué qui est le mien mais où les rendez-vous sont pris, les voitures là, les avions attendent, les discours écrits, les décisions prémâchées.

Docteur Freud Mais alors comment comprendre ce trouble profond où je vous vois : si les décisions qui vous peinent sont déjà prises, comment faire pour s’en plaindre ?

François Hollande C’est précisément ce qui me trouble : ne plus avoir à ne plus savoir que choisir. M’extraire de ce balancement qui me blesse et que j’aime tant.

Docteur Freud Pardonnez-moi, Président, mais n’est-ce pas du sadomasochisme ?

François Hollande Possible. J’aime souffrir à hésiter, au sein de ce Parti socialiste qui se subdivise, dans ces batailles de couloirs et sous-motions de Congrès. Je suis moins à l’aise dans ce monde anglais de Bruxelles où les Allemands pèsent tant.

Docteur Freud Je comprends, mais vous n’avez plus le choix. Vous voilà père, non d’enfants reconnus ou non, mais du pays. En république, le Président, c’est le Père élu. Vous ne pouvez refuser cette position. Le meurtre du père existe, pas celui du père par le père lui-même.

François Hollande Qu’ai-je fait pour mériter cet écartèlement, entre névrose et nécrose ?

Docteur Freud Ne me posez/ne vous posez pas de question métaphysique. Vous vivez les effets de votre choix secret. Ne pas choisir est choisir. Les Français n’ont pas compris ou, plutôt, vous ont bien reconnu comme un des leurs. Et ceci va continuer par rapport à Marine (Le Pen) qui les inquiète et Nicolas (Sarkozy) qui leur fait plus peur encore qu’il ne les exaspère.

François Hollande Mais, Docteur, si je continue à me laisser porter en ne choisissant plus vraiment, est-ce à dire que je serai réélu ?

Docteur Freud Je le pense/crains. Et c’est ainsi que va se poursuivre votre thérapie, maintenant que vous connaissez la source de votre problème. Le philosophe scolastique Buridan avait mis en avant cette maladie, en prenant l’exemple d’un âne qui ne pouvait choisir entre avoine et eau et qui mourut, à la fois, de soif et de faim. Vous connaissez désormais votre trouble, et pardon pour la référence à l’âne !

François Hollande Mais mieux connaître son trouble ne le guérit pas, puisque vous venez de me dire qu’il s’agit d’un trouble du choix !

Docteur Freud Vous avez raison. Mais regardez, les choix ont été faits ! Vous avez Valls et Macron. Vous devez les garder pour être réélu, autrement je crains une profonde rechute pour vous dans l’opposition, quand vous ne fréquenterez plus les grands de ce monde mais ceux du canton. Vivez avec votre maladie et réduisez-là. Puisque vous ne savez choisir, déléguez.

François Hollande Mais c’est tout à fait la Quatrième République !

Docteur Freud Tout à fait !

Articule publié initialement sur le blog de Jean-Paul Betbèze

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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