Grexit et Brexit : vers deux exclus en Europe

Cropped Favicon.png
Par Daniel Moinier Modifié le 22 juin 2015 à 12h44
Grexit Zone Euro Grece Drachme

La Grèce se trouve dans une situation très très délicate. Le Royaume uni passera-t-il le cap du référendum ? Que deviendrait l’Europe sans eux ?

Le Gouvernement grec vient de trouver une astuce pour retarder son remboursement

Une Clause du règlement du FMI, qui permet de regrouper les échéances en une seule fois. Celle-ci n’a encore été utilisée qu’une seule fois en 30 ans, depuis la création du FMI. La durée de report n’est toutefois pas exceptionnelle puisque ce sera cette fois, pour fin juin 2015. La Grèce a informé le Fond Monétaire International le jeudi 4 juin dernier, qu’elle allait regrouper les quatre échéances de juin en une seule à fin juin. Elle devrait donc rembourser 1,6 milliard au total qui se composait de trois échéances : 300 millions d'euros le 6 juin avant un deuxième versement le 12 de 340 millions d'euros et les deux derniers, les 16 et 19 juin, de 567 et 340 millions respectivement.

Ce report devrait donner une nouvelle marge de manœuvre au Premier Ministre, Alexis Stipras et lui permettre de continuer les négociations. Pour l'heure, Athènes et ses créanciers ont présenté deux plans de réformes différents et n'ont pas trouvé de terrain d'entente. Sans ce report le pays aurait été déclaré en retard de paiement, au risque de déclencher une imprévisible réaction en chaîne jusqu'au défaut de paiement. Christine Lagarde, Présidente du FMI qui a fait preuve d’une certaine flexibilité a déclaré que la balle est maintenant dans le camp de la Grèce, tout en précisant que cette acceptation puisse permettre à la Grèce ne pas se dissocier de la zone euro.

Rappelons les faits

Le 25 janvier 2015, à la suite de nouvelles élections législatives anticipées, Alexis Tsipras président du parti anti-austérité Syriza, de la gauche radicale grecque, est élu Premier Ministre. Dès sa prise de pouvoir, le nouveau Ministre a lancé : « Nous sommes un gouvernement de Salut National et n’avons aucune intention de reculer sur nos promesses de campagne. Annonce confirmée deux semaines après par le Porte parole du gouvernement, Gabriel Sakellaridis à l'hebdomadaire grec RealNews, « Arrêt des principales privatisations, fin de la politique d’austérité et relance de l’économie sur la base de la justice sociale ». Ce qui a fait plonger immédiatement la bourse d'Athènes et la valeur des banques.

Les réactions au niveau de l’Europe ne se sont pas fait attendre. En premier le Président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a déclaré « «Faire partie de la zone euro signifie qu'il faut respecter l'ensemble des accords déjà passés. Sur cette base, nous sommes prêts à travailler avec eux». Puis ce fut au tour de la Chancelière Engela Merkel qui dit attendre du futur gouvernement grec, qu'il respecte les engagements pris jusqu'à présent par le pays en matière de réformes économiques et de rigueur budgétaire.

Ensuite c’est Martin Schulz, le Président du Parlement Européen qui réagit en annonçant que Le vainqueur des élections législatives grecques, Alexis Tsipras, va devoir faire des compromis avec ses partenaires européens. «C'est un pragmatique. Il va devoir trouver des solutions avec ses partenaires européens, et je crois qu'il le sait». Puis cent jours sont passés, le gouvernement d'Alexis Tsipras après avoir dû s’expliquer auprès de son parlement, est maintenant critiqué pour sa difficulté à endosser les responsabilités. Début juin, les créanciers ont présenté à Alexis Tsipras un plan de réformes dont certains objectifs ont été rejetés par Athènes et ont précisé que le maintien de certaines propositions extrêmes ne serait pas accepté.

Le Premier ministre grec, qui s'était entretenu mercredi 3 juin à Bruxelles avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, a toutefois, assuré que les négociations continueraient ces prochains jours. De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel a également affirmé qu'il fallait des efforts notables de la part d'Athènes et que l'objectif des négociations est que la Grèce «reste» dans la zone euro. L'Allemagne, elle, "ne veut pas payer plus" Autre « son de cloche » de la part de Christine Lagarde, la Directrice du Fond Monétaire International qui confie qu’une sortie de l’euro (Grexit) même si c’est une possibilité ne signifiait pas la fin de l’euro. Elle a précisé aussi que "tout pays qui n'honore pas ses engagements envers le Fonds, est déclaré en situation d'arriérés de paiement et n'a pas accès aux financements du FMI".

Depuis des mois, le bras de fer entre Athènes d'un côté, l'Europe et le FMI de l'autre paraît donc sans fin, tandis que les Grecs commencent à vider leurs comptes dans la crainte d'une sortie de la zone euro. On a l’impression actuellement que se joue plus un débat politique entre Athènes et les dirigeants européens qu'un problème de finances publiques. La difficulté pour le gouvernement Grec est que certaines réformes promises comme celles de la baisse des retraites, la diminution du salaire minimum, la réforme du travail sont totalement en contradiction avec les promesses faites aux électeurs avec le programme Syriza.

Pour enfoncer encore un peu plus le clou, Dimitris Stratoulis de la branche radicale du parti Syriza, ministre délégué à la sécurité sociale, vient d’annoncer que le gouvernement pourrait, si les créanciers ne modèrent pas leurs exigences, être contraint d’organiser des élections anticipées. Après trois mois de négociation, un accord entre Athènes et ses créanciers se précise, à Bruxelles. Angela Merkel et François Hollande se sont entretenus avec Alexis Tsipras. "Tous les trois sont d'accord. Il faut une solution immédiate".

Juste avant le G7en Bavière au Château d’Elmau les 7 et 8 juin, l’Eurogroupe a entériné le fait de réunir les échéances en un seul paiement à fin juin. Mais il souhaitait aussi avoir la certitude que les 47 pages comprenant de nombreuses concessions faites sur le plan fiscal et budgétaire seront effectuées dans les conditions requises. Mais sans accord global, le versement de 7,2 milliards de prêt, bloqué depuis l’été ne pourra se réaliser. Le gouvernement grec pourra-t-il tenir ses engagements à fin juin, rien n’est moins sûr. Si ce n’est pas le cas assistera-t-on à un Grexit! Une sortie de la Grèce de l’Union Européenne !

Mais que se passerait-il si la Grèce ne tient pas ses engagements ?

Malgré des caisses annoncées vides, aux dernières nouvelles, la Grèce disposerait encore de 306 millions d’euro même si personne ne sait ce qu’il lui reste réellement dans les caisses. A fin juin, avec ce fond de caisses, il manquerait toujours 894 millions d’euros. S’ils n’étaient pas versés, cela toutefois ne déclencherait pas pour autant, la mise en défaut immédiate. Selon la procédure existante, le pays en question dispose d’un mois avant que ne soit notifié le défaut au conseil d’administration.

Au bout d’un mois sans remboursement au FMI, s’appliqueraient des mesures correctives, par exemple, une limitation de prêts, qui n’interviendrait toutefois que trois mois après la date du premier impayé. De toute façon, au-delà de juin, des divergences fortes apparaîtront avec de nombreux pays émergents membres de l’institution qui jugent, déjà que la Grèce a déjà bénéficié d’une mansuétude à laquelle nombre d’entre eux, n’ont pas eu droit. Mais aussi avec le FESF (Fond Européen de Stabilité Financière) qui a prêté 141,8 milliards d’euros depuis 2010. Sans remboursement dans les temps, il pourrait être contraint d’exiger le paiement des prêts partiellement ou totalement accordés et même stoppés ceux déjà programmés. Scénario toutefois peu probable.

Cette situation placerait la BCE dans une position très délicate. Depuis quatre mois, elle révise le ELA (plafond des liquidités d’urgence) accordé aux banques grecques. Si la Grèce se trouve en défaut de paiement, la BCE pourrait estimer que les garanties apportées par les banques sont de mauvaises qualités. Elle pourrait à l’extrême, mais toutefois peu probable, suspendre ces ELA, ce qui serait catastrophique pour les banques. Autre répercussion très envisageable: Les Grecs, comme cela avait été le cas pour les Chypriotes, se bousculeraient aux portes des banques, sur les distributeurs pour retirer un maximum de liquide. Ce qui contraindrait le gouvernement de mettre en place un contrôle des capitaux en plafonnant par exemple les retraits et virements (Surtout vers l’étranger).

Il est presque certain que la Grèce ne pourra jamais rembourser les fonds accordés. Le montant total des prêts se monte 226,7 milliards d’euros. Le premier programme était de 73 milliards d'euros, dont 52,9 milliards provenaient de prêts bilatéraux accordés par les membres de la zone euro et les 20,1 milliards restants étaient fournis par le FMI. En 2012, un deuxième programme de 153,7 milliards a été mis en route. Le FESF a déboursé 141,8 milliards, suivi d’une tranche restante de 1,8 milliards. Quant à lui, le FMI a fourni11,8 milliards avec une participation qui s’étendra jusqu’en février 2016. Le total des prêts de la zone euro à la Grèce, s’élève à 194,8 milliards (107% du PIB) et ceux du FMI à 31,9 milliards (soit 18% du PIB) Comment pourrait-elle rembourser ce montant phénoménal pour elle, alors que le total de sa dette se monte à 175% du PIB, soit 320 milliards d’euros. Elle a d’ailleurs eu un allégement de 100 milliards en 2012 quand des créanciers privés ont accepté une décote de 50 % à 75 %.

D’autre part, sans ressource, le gouvernement ne pourrait plus payer ses fonctionnaires. Comme l’Argentine en 2002, il serait certainement tenté d’imprimer des bons qui pourraient être autorisés dans les commerces, pouvant devenir ainsi une monnaie parallèle. Ce qui commencerait à fortement ressembler au début d’un Grexit. Autre répercussion pas forcément inattendue, celle des marchés financiers. Cette décision de report à fin juin, a fait monter l’adrénaline des marchés en Europe. C’est la bourse d’Athènes qui a été la plus chahutée en enregistrant une chute de moins 4,5 à moins 4,9% suivant les marchés. C’est les banques qui ont le plus accusé le coup avec un recul à plus de 8%.

Au Royaume-Uni

C’était une autre première (la deuxième étant le référendum à venir) situation délicate qui s’était installée à l’approche de l’élection britannique du 7 mai 2015. David Cameron était menacé par une « coalition » UKIP de Nigel Farage et Verts qui semblait pouvoir le déstabiliser avec l’appui indirect du parti indépendantiste écossais, le SNP. Comme en France, le jeu électoral du Royaume-Uni est bousculé depuis quelque temps, par un parti populiste d’extrême-droite, arrivé en tête aux dernières élections européennes de mai 2014. Mais contrairement à la situation française, de plus en plus bloquée dans un tripartisme ravageur, s’y ajoute la nouvelle donne obtenue à l’issue du référendum (raté) sur l’indépendance de l’Ecosse, avec la consolidation du parti indépendantiste écossais, qui aurait pu détenir les clefs du scrutin britannique. Le Royaume-Uni se trouve ainsi confronté dans une situation de tripartisme tel qu’on l’a connu en France depuis les élections présidentielles de 2002. Celles qui avaient vu s’affronter en finale Jacques Chirac, le candidat de la droite et Jean-Marie Le Pen candidat du Front National. Depuis, cette situation ne s’est plus cantonnée uniquement aux grandes élections mais à toutes les autres, mairies, députés, etc…Et elle n’est plus le « privilège de la France. La « contagion » s’est étendue à plusieurs pays d’Europe : tel le M5S de Beppe Grillo en Italie, le Vlaams Belang de Filip Bewinter en Belgique, Podemos en Espagne…

Tous sont emprunt d’un certain populisme qu’il soit de gauche ou de droite, manifesté par des discours anti-libéraux, anti-Europe sur l’immigration, la nation, le retour à l’état fort, des frontières et des programmes portés par une forte démagogie. Chacun cherche à agrandir son cercle en vue d’attirer des voix de l’extrême opposé. En septembre 2014, l’indépendance de l’Ecosse avait été rejetée par référendum, mais le parti qui mène « la danse », le SNP continue de bénéficier d’une grande notoriété en Ecosse. Le front formé par le Labour, les Tories et les Lib Dem a pris un certain ascendant sur les travaillistes et récupèré une bonne partie de leurs voix.

Comme en France et d’autre pays dénoncé comme anti-démocratique, le mode de scrutin majoritaire en vigueur et la répartition des votes sur le territoire, sont de plus en plus contestés par les petits partis. Ils militent en faveur de l’introduction d’une dose de proportionnelle. Même si elle peut avoir des avantages, elle a aussi des inconvénients. Elle peut permettre la prolifération des petits partis et nuire à l’obtention d’une majorité stable pour gouverner. Ce qui semble shocking, c’est que le système actuel privilégie le bipartisme. Il est très difficile d’exister en Grande Bretagne, comme cela l’était en France avant l’arrivée du FN comme troisième force d’opposition, en dehors des deux partis dominants que sont les travaillistes et les conservateurs. Le scrutin majoritaire à un tour surnommé « first the post » installe une très forte disproportionnalité entre le nombre de voix et le nombre de députés élus. Ce qui irrite très fortement Ukip et les verts qui ont totalisé à eux deux 5 millions de voix, avec seulement un député chacun au Parlement. Ils réclament donc avec force, une réforme radicale du système politique.

Le seul petit parti qui ne se plaint pas, c’est le SNP qui est même ravi. Malgré un faible nombre de voix, 1,4 millions soit 4,7% des suffrages, il récolte 56 sièges. Il profite de la concentration de ses électeurs dans les circonscriptions écossaises. En comparaison, avec un million de voix, les Libdems ne remportent que 8 sièges, en déroute totale ! Il existe un autre parti encore plus à l’extrême droite, le BNP, British National Party qui lui, n’a bénéficié d’aucun siège de part son faible électorat. Devant toutes ces critiques sur la démocratie, David Cameron et ses Tories ne sont pas prêts de lâcher ce système réfutant en coulisse que le first past the post n’est pas l’idéal, mais que c’est le moins mauvais de tous les systèmes. Même observation pour la France où aucun gouvernement, qu’il soit de droite et surtout de gauche, n’a jamais osé modifier la constitution depuis des décennies.

Que faire pour éviter le pire ?

En vue du référendum, le 28 mai David Cameron sous pression, a déjà entamé sa grande tournée européenne par les Pays-Bas, suivi de la France, la Pologne et l’Allemagne pour défendre son plan de réforme de l’UE. Il a au préalable, déposé au Parlement, un projet de loi en vue d’organiser un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni au club des 28. Il espère que la consultation pourra être avancée à 2016, au lieu de la fin 2017 maximum prévu. Ces premiers voyages lui ont déjà donné un avant goût des 24 autres qu’il lui restera à effectuer avant le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement les 25-26 juin à Bruxelles. Cette offensive diplomatique a pour enjeu la sortie possible du Royaume-Uni de l’Europe (Brexit) depuis qu’il s’est engagé à organiser un référendum. Celui-ci proposera au peuple de rester ou non au sein de l’Europe.

La tâche va être ardue pour le Premier Ministre. Il lui faudra établir que l’Union Européenne n’est pas juste un ensemble centré sur sa monnaie unique. Le dialogue devra se tourner vers une Europe plus fédérale, peu appréciée par bon nombre de sujets britanniques. Il va avoir une énorme difficulté à faire bouger l’aile droite du parti conservateur qui a un grand retard au regard de sa vision. Il lui faut aussi admettre que certains pays de l’union sont encore des satellites basés sur le commerce au sein du marché unique. Un autre point important de divergence : l’Espace Schengen, car ces disparités apparaissent encore plus avec l’arrivée des nouveaux gouvernements et leur orientation politique. Il faudra beaucoup réformer au sein de l’Union Européenne pour trouver un accord. L’enjeu est de taille. S’il se trompe, s’il n’est pas convaincant, il existe un risque que le Royaume-Uni sorte de l’Europe, ce qui serait un énorme coup donnée à l’Union. Heureusement, une majorité de britanniques souhaitent rester au sein de l’Union selon les derniers sondages. Sinon c’est le(a) Brexit assuré(e) !

Cropped Favicon.png

Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C.Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

Suivez-nous sur Google News PolitiqueMatin - Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Aucun commentaire à «Grexit et Brexit : vers deux exclus en Europe»

Laisser un commentaire

* Champs requis