Guinée : seul au monde, Alpha Condé s’en remet à la Chine pour rester au pouvoir jusqu’à ses 87 ans

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Par Partenaire Modifié le 8 octobre 2020 à 12h33
Guinee Alpha Conde

Après avoir modifié sa constitution, réprimé brutalement son opposition, avivé les tensions ethniques et fermé les frontières pour assurer sa réélection, le président de la Guinée Alpha Condé se retrouve désormais complètement isolé sur la scène internationale et ne peut plus compter que sur le soutien diplomatique de la Chine. Un rapprochement qui suscite la controverse, tant la tentation de Pékin de vassaliser ce petit pays d’Afrique de l’Ouest paraît grande, sans considération pour son développement et sa stabilité.

Sans surprise, le président de la République de Guinée Alpha Condé, 82 ans, a officialisé sa candidature à la prochaine élection présidentielle qui se tiendra le 18 octobre prochain. Au pouvoir depuis 10 ans, l’ancien opposant qui promettait autrefois de renverser la table est devenu le troisième plus vieux président africain, derrière ses homologues camerounais Paul Biya et ougandais Yoweri Museveni. Un score de longévité qui fait tâche, alors que 77% de la population du continent a moins de 35 ans selon la Banque mondiale.

Pour s’ouvrir la route vers un 3e mandat, Alpha Condé a d’abord dû modifier la constitution guinéenne, qui lui interdisait jusqu’ici formellement de dépasser les 10 ans à la tête du pays. Malgré les protestations des chancelleries et des ONG humanitaires, le vieux chef d’État n’a pas hésité à envoyer l’armée et les forces de sécurité du régime réprimer brutalement les manifestations de l’opposition contre un « coup d’État constitutionnel ». Bilan : plusieurs dizaines de morts et d’arrestations arbitraires, et une totale mise à l’écart sur la scène internationale. Dernier épisode en date : Alpha Condé alimente désormais les divisions ethniques dans le pays pour s’assurer du soutien de certaines régions. Au risque d’attiser les violences post-électorales et de guerre civile à l’issue du scrutin.

L’ambassadeur Huang Wei omniprésent dans les allées du pouvoir guinéen

Si Conakry est désormais traité en pestiféré dans le concert des nations, malgré les efforts des communicants qui hantent les couloirs du palais Sekhoutouréya, Alpha Condé peut toutefois compter sur l’amitié sans condition de Pékin, qui voit en lui le meilleur garant de ses intérêts dans le pays. La Guinée, qui dispose de précieuses réserves de minerais, est en effet un pays stratégique pour la Chine, qui cherche à sécuriser ses approvisionnements en matières premières à travers la stratégie de la « Nouvelle route de la soie » (en anglais : One Belt, One Road).

Mais cette présence croissante, qui se traduit notamment par l’omniprésence de l’ambassadeur de Chine à Conakry, Huang Wei, dans les allées du pouvoir guinéen, ne fait pas que des heureux. La construction de mines à ciel ouvert et de ports industriels ravage l’environnement de ce petit pays particulièrement exposé au changement climatique. La mise en place du barrage géant de Souapiti sur le fleuve Konkouré, grâce à des prêts colossaux consentis par Pékin, a entraîné le déplacement de 16 000 Guinéens dans des camps de réfugiés. Elle fait en outre peser de sérieux doutes sur l’autonomie réelle de Conakry vis-à-vis de son nouveau bailleur de fonds. D’autres soupçons visent le rôle que pourrait effectivement jouer le futur barrage pour pallier le problème d’accès à l’électricité dans le pays, l’un des principaux facteurs qui entravent son développement. La future centrale hydroélectrique paraît en effet davantage destinée à faire tourner les infrastructures minières et industrielles construites par les compagnies chinoises dans le pays.

La présence croissante de celles-ci dans le pays n’a pas été suivie d’effets positifs pour la population locale, qui manifeste sporadiquement dans l’arrière-pays contre la prédation des ressources minières sans contreparties.

Cette défiance à l’égard de la Chine dans le pays s’est encore accentuée du fait de la crise de la Covid-19. L’envoi de médecins auprès d’Alpha Condé et la mise en scène d’envoi de cartons de masques durant la pandémie n’ont pas su faire oublier les traitements vexatoires infligés en Chine à des étudiants guinéens, accusés d’être malades du Coronavirus parce que Noirs. Des discriminations qui avaient suscité la polémique à Conakry, et forcé l’ambassadeur chinois Huang Wei à s’excuser.

Pas de quoi remettre en question l’alliance entre Pékin et Condé, tant les enjeux sont grands des deux côtés de la table. Fort du soutien de la Chine, le vieux chef d’État se sent pousser des ailes. Le virage autoritaire que prend la vie politique guinéenne, avec la bénédiction de l’Empire du Milieu, pourra-t-il être autre chose qu’une fuite en avant ?

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