Loi Renseignement adoptée : bienvenus chez Orwell en 1984

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Par Paolo Garoscio Modifié le 16 avril 2015 à 9h50
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Malheureusement c'est fait : dans ce qui a été une mauvaise parodie de la démocratie l'Assemblée Nationale a adopté dans la nuit du mercredi 15 au jeudi 16 avril 2015 le "Patrioct act" à la française, la très critiquée "Loi Renseignement"... et surtout son article 2 qui prévoit l'installation de boîtes noires chez les hébergeurs de données et les FAI. Au programme : surveillance massive, intrusion dans la vie privée... mais c'est "pour notre bien" voyons !

Un seul nombre dont il faut se souvenir : 30

30, qu'est-ce que c'est ? 30 c'est le nombre de députés qui étaient présents lors du vote de cet article 2 de la Loi Renseignement. Forcément : le vote a été effectué vers minuit et la grande majorité des élus est donc rentrée chez elle avant. 30 députés sur les 577 que compte l'Assemblée, ça fait 5%.

5% des élus ont donc décidé de l'avenir de la vie privée des 66 millions de Français. Mais peu importe : 25 personnes ont voté pour, 5 contre, et l'article 2 de la Loi Renseignement est passé de la théorie à la réalité.

Pourquoi la Loi Renseignement inquiète ?

Si un bon nombre de citoyens s'inquiètent de la Loi Renseignement c'est qu'elle est très intrusive dans la vie privée puisqu'elle permet au gouvernement de... contrôler les données échangées sur Internet. Et ce de manière complètement arbitraire.

Car les boîtes noires que veut installer le gouvernement sont "un dispositif destiné à détecter une menace terroriste sur la base de traitements automatisés." Et par automatisés il faut également comprendre à grande échelle puisqu'il s'agit d'un algorithme et que celui-ci va traiter les données de tout le monde. Jean-Yves Le Drian l'explique même clairement : "Ce mécanisme fonctionne effectivement avec une nouvelle logique, qui ne porte pas sur des cibles nominativement identifiées". Mais non... ce n'est pas de la surveillance massive.

Surtout que plus vous vous protégez, peut-être en ayant un système de chiffrement ou en utilisant le réseau TOR pour masquer votre IP ce qui est parfaitement votre droit, plus vous êtes "suspect" pour la Loi Renseignement. "Il n'est pas question d'une surveillance de masse, mais bien d'un ciblage, sur des modes de communications et des services caractéristiques des personnes impliquées dans des activités terroristes" a déclaré Bernard Cazeneuve à l'Assemblée.

Mais qui s'inquiète ?

Tout le monde. Tout le monde s'inquiète de cette loi à commencer par les hébergeurs qui ont menacé de quitter la France si la loi était adoptée.

Le célèbre New York Times a consacré un éditorial à ce projet de loi le mardi 1er avril 2015 intitulé "l'Etat Français de Surveillance", c'est dire. Reporters Sans Frontière s'inquiète d'un danger pour la liberté de la presse.

Même le W3C, soit le Consortium du Web, se dit inquiet de cette loi à laquelle il est "fortement opposé"

We strongly oppose pervasive surveillance, and are very concerned by France's intelligence bill. https://t.co/7XCe3tTWB8 #NiPigeonsNiEspions

— W3C (@w3c) 15 Avril 2015

Et maintenant, que peut-on faire ?

Probablement plus grand-chose : la loi a été adoptée, le gouvernement va sans doute aller jusqu'au bout de la chose. Mais il est toujours possible d'exprimer son mécontentement, par exemple en signant la pétition qui demande le retrait de la Loi Renseignment disponible sur Change.org.

Pour la suite, il y aura sans doute des plaintes portées aux hautes instances françaises et européennes. Notamment la Cour Européenne des Droits de l'Homme et le Conseil Constitutionnel pourraient être saisis puisque, selon le JO Sénat du 14/01/2010 :

Plusieurs engagements internationaux auxquels la France est partie proclament le droit au respect de la vie privée. C'est le cas de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 17.1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 et de l'article 7 de la charte européenne des droits fondamentaux du 7 décembre 2000. En vertu de ces textes, nul ne peut faire l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée. De surcroît, depuis 1995, le droit au respect de la vie privée est un principe à valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a, en effet, consacré ce droit en considérant que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen implique le respect de la vie privée. En outre, le Conseil constitutionnel donne à ce principe une acception très large, y rattachant notamment la protection des données à caractère personnel. Ainsi, il a jugé que la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés contient des dispositions protectrices de la liberté individuelle et que y déroger pourrait être de nature à porter atteinte à la « liberté individuelle », qui est constitutionnellement protégée. Dès lors, comme l'a effectivement indiqué le comité de réflexion sur le préambule de la Constitution, présidé par Mme Simone Veil, la réaffirmation expresse, dans la Constitution, du droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles serait dépourvue de portée pratique, au regard des impératifs auxquels est d'ores et déjà soumis le législateur par le double effet de la jurisprudence constitutionnelle et des traités internationaux. En revanche, il appartient au législateur d'adapter le dispositif juridique de protection des données à caractère personnel à l'évolution des technologies modernes. Le Gouvernement entend, naturellement, prendre toute sa part dans cette démarche.

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Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013. Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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