Macron – Le Pen : le débat de l’explicite contre l’implicite

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 4 mai 2017 à 10h16
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Le débat télévisé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, marqué par de fortes tensions, ne modifiera probablement pas fondamentalement le rapport de force entre les deux candidats. Sans surprise d’ailleurs, Emmanuel Macron a semblé mieux préparé sur le terrain économique que Marine Le Pen et plus rigoureux dans son argumentation. Il ne s’est toutefois pas affranchi de réactions dont l’élitisme risque d’avoir agacé les Français, à l’image de sa première phrase tout en allusion à Blaise Pascal, par laquelle il a reproché à sa rivale de manquer « d’esprit de finesse ». Pas sûr que tous les Français aient d’emblée saisi la nuance…

Macron, candidat de l’explicite

Un trait aura sans doute marqué les esprits: Emmanuel Macron a essentiellement procédé par argumentation explicite. Ce réflexe s’est particulièrement senti dans le domaine économique, et tout spécialement monétaire. Le candidat d’En Marche a cherché à ouvrir un débat technique et rationnel sur le sujet. Il s’est donc engagé dans un jeu de ping-pong sur le fonctionnement de feu l’Ecu, l’ancêtre de l’euro qui partageait avec la monnaie unique à peu près autant de ressemblances que l’homme de Neanderthal avec le Sapiens Sapiens.

De ce point de vue, Emmanuel Macron n’a pas échappé à son profil: énarque, lettré, avec une mécanique intellectuelle bien huilée qui s’adresse à l’intelligence de son interlocuteur.

En ce sens, Macron peut se prévaloir d’une forme de présidentialisation qui devrait lui profiter. Ses partisans pourront toutefois regretter qu’il ait gâché ce gain net par des réactions parfois décevantes ou trop passionnelles aux polémiques faciles lancées par sa contradictrice. Sur ce point, il s’expose au risque d’une déception forte sur son manque de retenue dans des échanges délibérément agressifs de la part de son adversaire.

Le Pen, candidate de l’implicite

Au contraire, Marine Le Pen a essentiellement fonctionné par implicite, par allusions, par mots-clés qui touchent son électorat.

Ceux-là sont de deux ordres.

Un premier implicite consiste à répondre aux questions compliquées ou techniques par l’énumération des problèmes quotidiens des Français: les déserts médicaux, le prix de la baguette, le montant des petites retraites, la lutte contre la fraude… Emmanuel Macron lui a plusieurs fois reproché de n’avoir pas de programme. Probablement n’a-t-il pas compris que le premier trait du programme de Marine Le Pen est d’afficher une forme d’empathie pour les problèmes de la France d’en-bas. Et c’est en ce sens que son argumentation est à la fois implicite et redoutable: elle repose sur un registre émotionnel en réaction aux réponses techniques que le système propose dans l’incompréhension fréquente des Français.

Un second implicite consiste à procéder par allusion: sur les relations d’Emmanuel Macron avec l’UOIF, sur la colonisation, sur ses supposés conflits d’intérêt. Depuis plusieurs mois, l’entourage du Front National multiplie les marqueurs symboliques destinés à discréditer l’adversaire. La concurrente de l’ancien ministre de l’Economie n’en a oublié aucun, portant ainsi le fer sur le terrain d’une crédibilité que les élites parisiennes ne perçoivent pas forcément.

Des faiblesses économiques qui se sont vues…

Reste que Marine Le Pen n’a pas pu dissimuler ses faiblesses sur le terrain économique. D’emblée, interrogée sur son programme en matière de relations sociales, elle a semblé multiplier les anathèmes, peinant à expliquer clairement sa vision. Peu de spectateurs auront été dupes de cette tactique.

Si elle a semblé plus à l’aise sur le terrain sociétal (et bien entendu sur le sujet du communautarisme), beaucoup de Français auront sans doute ressenti quelques sueurs froides en percevant son manque d’envergure sur des sujets critiques comme la politique industrielle ou budgétaire.

Si Emmanuel Macron n’est pas forcément apparu comme revêtu de l’autorité nécessaire pour assumer sa fonction, il pourra au moins se prévaloir d’une capacité technique plus rassurante.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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