Pourquoi et comment Emmanuel Macron prépare une révolution jeune-turc

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 10 mai 2017 à 9h30
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Emmanuel Macron n’est pas encore élu et déjà se dessinent les contours spécifiques de la politique qu’il entend mener. Ceux-ci ne résident pas tant dans l’originalité de son programme (qui est discutable) que dans la méthode qu’il compte mettre en oeuvre. Celle-ci devrait, in fine, insuffler une logique jeune-turc dans la conduite du pays, au sens où une jeune élite d’officiers avait décidé, à la fin du XIXè siècle, de moderniser rapidement l’État ottoman. De fait, la Turquie de l’époque était perçue, à l’instar de la France, comme l’homme malade de l’Europe.

Révolution Macron, révolution générationnelle

Beaucoup attendaient une révolution des idées. En réalité, Macron portera la révolution sur la génération et sur l’âge des protagonistes qui animeront le pouvoir demain. Le premier effet du nouveau Président consiste à accélérer l’arrivée au pouvoir d’une classe d’âge qui devait attendre que deux générations précédentes s’effacent avant d’accéder elle-même aux responsabilités.

D’une certaine façon, Macron propose à un lot de jeunes gens d’enjamber les sexagénaires et les quinquagénaires, de les remplacer pour faire mieux qu’eux. De ce point de vue, Macron peut se targuer d’avoir trouver les « codes » pour réussir ce que beaucoup ont échoué avant lui (on repense ici au mouvement des « rénovateurs » avortés, au RPR, dans les années 90).

Il traduit bien la difficulté d’un renouvellement normal du personnel politique en France.

Une révolution managériale

Cette nouvelle génération ne renouvelle pas à proprement parler le corpus idéologique de référence. Macron s’inscrit dans la longue lignée européenne et dans une sorte de social-démocratie soucieuse d’assainir les finances publiques. Mais ces idées ne sont pas nouvelles et, à de nombreux égards, elles sont sans surprise.

Ainsi, quand Emmanuel Macron propose de transformer le CICE en baisse de cotisations, il témoigne finalement de son profond réalisme: actons le réel et stabilisons-le plutôt que de le changer.

Ce qui change ici, ce ne sont pas les idées, mais l’intention et l’ambition de les conduire. Macron se positionne en manager du changement: il veut « reprendre le manche », instiller du dynamisme, de la volonté, de l’autorité, là où une comitologie complexe s’est si souvent substituée à la décision et à la responsabilité individuelle. On a beaucoup parlé de logique horizontale dans la démarche d’Emmanuel Macron, on ne tardera pas à comprendre qu’elle repose en réalité sur l’inverse: la vision « jupitérienne » du pouvoir s’inscrit dans la prise de responsabilité qui caractérise le manager…

Une révolution étatiste et non libérale

Une erreur fréquemment répétée à gauche consiste à qualifier le programme macronien de « libéral ». C’est évidemment une incompréhension profonde vis-à-vis du mouvement qui s’initie: Macron n’est pas un libéral mais, au contraire, il est un étatiste.

Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner la première réforme qu’il veut mettre en oeuvre, celle du marché du travail. Là où la loi Larcher prévoit une saisine préalable des partenaires sociaux pour une négociation interprofessionnelle, Emmanuel Macron préfère une intervention directe de l’Etat et du gouvernement. Il ne peut y avoir d’exemple plus fort du non-libéralisme du nouveau président que cette reprise en main directe d’un domaine traditionnellement délégué aux partenaires sociaux, c’est-à-dire aux corps intermédiaires.

Cet exemple saisissant de « ré-étatisation » et de recentralisation des politiques publiques peut être déclinée à l’infini. Toujours pour le marché du travail, Macron propose une nationalisation de l’assurance chômage jusqu’ici entièrement gérée par les partenaires sociaux. Pour la forme, il conservera ceux-ci dans le conseil d’administration du nouveau système, mais le pouvoir sera exercé par l’État.

Peut-on trouver meilleure preuve de la distance qui sépare Emmanuel Macron et le libéralisme?

Une révolution jacobine plutôt que girondine

Un autre mythe que certains ont répandu autour d’Emmanuel Macron, dans la ligne de son « horizontalité », est celui de son appétence pour une vision « girondine » de la société, c’est-à-dire une vision décentralisée. Là encore, on ne tardera pas à comprendre que c’est exactement l’inverse qui se joue.

Une autre de ses réformes emblématiques, la suppression de la taxe d’habitation, en constitue la parfaite illustration. Au-delà de l’effet que cette mesure peut avoir sur le pouvoir d’achat, elle aura d’abord un impact majeur sur l’indépendance des collectivités locales vis-à-vis de l’Etat. Là où les collectivités avaient la faculté de choisir librement leur taux d’imposition, elles dépendront désormais des dotations que l’Etat leur concèdera. Il est assez fascinant de voir qu’en dehors d’Anne Hidalgo à Paris, aucun élu local n’ait mené une fronde contre cette lame de fond qui se prépare.

Dans tous les cas, c’est bien un mouvement de reflux qui se prépare dans la stratégie de décentralisation menée de façon constante depuis 1981…

La geste jupitérienne et son pouvoir de séduction sur les Français

Face à ces révolutions en profondeur, Macron compte sur un atout dont nous avions oublié le contenu: la séduction d’un peuple qui vit en démocratie pour la geste autoritaire, verticale, monarchique. Les Français reprochaient au fond tant à Sarkozy qu’à Hollande de ne vouloir pas être Roi. Ils aiment, chez le nouveau président, qu’il assume ce désir.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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