Pourquoi les libéraux ne doivent surtout pas voter Bellamy aux européennes

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 5 mai 2019 à 18h46
Europe Contradiction Defis Union Europeenne

Pour séduire les libéraux, ni Laurent Wauquiez ni François-Xavier Bellamy n’ont ménagé leur temps et leur peine pour parler notamment baisse des dépenses publiques et autres promesses de campagne qui n’engagent qu’eux. Mais, quand on commence à gratter le sujet, on s’aperçoit que les Républicains continuent en sous-main à nourrir leur éternelle méfiance contre le marché et contre les entreprises, et à chérir partout où c’est possible le monopole et les arrangements entre amis dignes du plus vieux des capitalismes de connivence. Le sénateur Bizet vient d’en donner un nouvel exemple avec des amendements enjambant allègrement les principes du marché unique. Libéral à l’extérieur, mais monopolistique à l’intérieur, Bellamy et sa clique de politicards à l’ancienne méritent une bonne leçon de dégagisme.

Au début les bras nous en tombent et on a peine à y croire. On tombe sur deux amendements déposés par le docteur vétérinaire Bizet, accessoirement sénateur LR de la Manche, dans le cadre d’une proposition de loi déposée par En Marche pour introduire plus de concurrence dans le domaine de la complémentaire santé, où les assureurs sont accusés de se goinfrer en commissions et frais de gestion en tous genres. En principe, c’est le genre de texte qui devrait ravir les Républicains version Wauquiez, qui se répand partout pour dire du bien de la libre concurrence et de la baisse des dépenses publiques. Et paf! Bizet propose lui de revenir à une situation juridique qui a disparu depuis 6 ans! celle du monopole d’un assureur choisi de façon opaque pour toute une branche professionnelle par des négociateurs syndicaux désignés on ne sait trop comment.

Et les libéraux voient LR rappeler les vieilles lunes des arrangements entre amis syndicalistes

Et soudain, c’est la bascule dans une autre dimension. Depuis 2013, ce système de désignation monopolistique est interdit en France. Plusieurs instances se sont clairement prononcées sur le sujet: le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’État, la Cour de Cassation, le Cour de Justice de l’Union Européenne, ont toutes invalidé par exemple la désignation d’AG2R comme assureur unique des boulangers en santé.

C’est quand même pas compliqué, quand on adhère aux Républicains, de prendre acte de décisions maintes fois réitérées depuis 2013, de supprimer un système qui, sous couvert de protéger les salariés, visaient en réalité à financer les organisations syndicales en cachette, par un scandaleux mécanisme de rétro-commissions. On peut trouver regrettable, éventuellement, que ce système ait disparu. Mais utiliser son étiquette LR pour promouvoir un retour vers le futur, c’est déjà le terrible aveu que derrière la façade bien repeinte de Bellamy et Wauquiez, le même enduit glauque et putride continue à imprégner des murs couverts de lézardes.

Les Républicains font semblant de changer, mais demeurent les mêmes vieux gaullistes combinards

D’un coup, on comprend donc que la révolution culturelle que François Fillon avait promise (et que son entourage de hauts fonctionnaires freinait déjà des quatre fers pendant la campagne), qu’il a naufragée dans les conditions qu’on connaît, n’a malheureusement été ni menée ni poursuivie par Laurent Wauquiez. D’un coup on comprend que le blabla bellamien sur la baisse des dépenses publiques est un argument d’emprunt, de circonstance, et disons même de composition. En réalité, la bonne vieille machine héritée de De Gaulle où un mauvais arrangement avec la CGT ou avec le parti communiste était toujours préféré à une modernisation franche du pays, n’a pas changé.

Chez LR, sous la surface lisse de la modernité alto-ligérienne de Wauquiez, la même croûte filandreuse, celle des combinazioni sordides où l’argent suinte par les crevasses d’un système vérolé pour tenir le pays dans un filet d’obsolescence, continue à bouillonner et ne demande qu’une secousse sismique pour surgir telle le prurit d’une plaie mal soignée.

Voilà pourquoi il ne faut pas croire un mot des belles promesses formulées par les leaders d’un parti qui, tel un vieux chien fatigué, fait le beau en espérant retrouver la place qu’on lui a volée près de la cheminée. Pour que tout redevienne comme avant.

Les libéraux doivent pratiquer le tout sauf Bellamy

Bien essayé Wauquiez! bien essayé Bellamy! on aurait presque voulu croire que vous aviez réalisé l’aggiornamento dont la droite française a tant besoin. Mais derrière les apparences, derrière les postures de communication, votre réalité est aussi lépreuse que celle des autres partis. Vous êtes démasqués.

Les libéraux de ce pays, qui savent combien la France a besoin d’un choc systémique, combien elle a besoin d’oxygène pour se relever, fuiront soigneusement vos entourages, vos vieux élus, vos vieux barons qui sentent la naphtaline et les pratiques cradoques.

Au passage, on serait intéressé de savoir par quel étrange lobbying ce vétérinaire Bizet a pu ressortir des thèmes qui ne sont plus défendus aujourd’hui que par Force Ouvrière.

Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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