Pourquoi un homme de loi doit-il voter Emmanuel Macron le 7 mai prochain ?

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Par Luc Grynbaum Modifié le 5 mai 2017 à 13h40
Emmanuel Macron Election 2

L'objet d'étude et la vie de l'homme de loi, c'est la Loi. Il ne s'agit pas du corps de règles figé à l'instant où il l'observe et voué à se modifier dans les quelques heures qui suivent. Le souci de l'homme de loi quand il prend le temps de réfléchir au sens de sa vie professionnelle, c'est l'État de droit. Cet objet est plus vaste que son quotidien professionnel, il s'inscrit dans la durée, il est plus ambitieux aussi.

Élire un parti qui nie l'État de droit, un choix dangereux

L'homme de loi contribue à l'État de droit, quelle que soit sa place : législateur, magistrat, universitaire, professionnel du droit libéral ou en entreprise. Celui qui, régulièrement, dans une association, un syndicat, un groupement, une institution, par sa fonction met le droit en mouvement ne peut qu'apprécier, lui aussi, d'évoluer dans un État de droit. Une loi débattue et votée par un législateur élu démocratiquement; un accès au juge impartial et des principes supérieurs tous issus des Droits de l'Homme : notre société française, bien que décrite en crise, bénéficie d'un tel État de droit.

Or rien n'est plus fragile que l'État de droit. Il suffit de porter au pouvoir un parti ou un groupe qui ne vise que la possession de l'État afin d'imposer une idéologie et/ou une oligarchie intéressée aux prébendes et l'État de droit s'évanouit en quelques lois. Le passé français montre hélas que l'éventualité peut advenir; nous ne disposons toujours pas des contre-pouvoirs efficaces que l'on voit en oeuvre aux États-Unis. Porter au pouvoir un parti qui niera l'État de droit sera périlleux, durablement.

Le programme de Marine Le Pen est national-socialiste

Il est inutile de décrire ici le fond idéologique du Front National, il est amplement connu et répertorié : il puise tout son discours dans le populisme fasciste des années 30 en y ajoutant, pour faire bonne mesure, l'anti-européanisme. Un zeste de prétendue préoccupation sociale a été inséré et nous sommes bien en présence d'un programme national-socialiste. La nouvelle figure de ce parti qui souhaite l'emmener véritablement à la victoire ne change absolument rien à ce qui en constitue l'ADN ; le danger de le porter au pouvoir n'a pas diminué : une défaite de la raison et de la morale.

On peut comprendre la déception de l'homme de Loi qui a soutenu le programme des Républicains et voté pour eux dès lors qu'il était convaincu que là se trouvait la solution pour la France. On peut comprendre l'amertume de l'homme de Loi qui a voté pour la France insoumise, si proche d'imposer une révolution; on peut comprendre encore l'effondrement de l'homme de Loi qui a voté pour le candidat socialiste au regard du peu d'écho de ses idées chez les électeurs.

Après avoir pris un peu de recul sur ses désillusions nées du premier tour du scrutin, que peut faire l'homme de Loi ? S'inquiéter de l'État de droit pour la France.

L'abstention n'est pas un choix possible

L'État de droit ne se remettra pas d'une victoire du Front National : toutes les mesures promises seront discriminantes, catégorielles. Exclusions, refus, recul sont au programme, toutes les institutions (justice, presse) seront mises au pas. Dans un même mouvement la haine raciale sera distillée au quotidien. La difficulté avec les partis extrémistes n'est pas de les porter au pouvoir, mais de les en déloger. En outre, si l'on est en mesure de décrire les débuts d'une telle aventure, nul ne peut en prédire la fin et les conséquences. Historiquement, on sait qu'au bout du chemin il y a la souffrance de l'homme exclu, séparé des siens, la mort parfois; du moins une idéologie mortifère qui imprègne toute la société.

Les prises de positions de certains membres du personnel politique sont à cet égard déshonorantes. Il n'est pas possible à l'aune de notre histoire de déclarer que s'abstenir est un choix possible. Une telle affirmation ferait pleurer tous les démocrates à travers le monde qui sont emprisonnés ou harcelés parce qu'ils prétendent simplement à des élections libres. S'abstenir et prôner l'abstention engage la responsabilité face à l'Histoire de ceux qui la pratiqueront et y invitent, si le Front National était porté au pouvoir.

Il n'est pas possible non plus de renvoyer dos à dos les deux candidats, sauf à adhérer aux thèses du Front National, on devient alors compagnon de route de ce parti en lui donnant les moyens de l'emporter.

Enfin on sait bien que la victoire du Front National provoquerait la sortie de l'Euro et la désintégration de l'Union européenne. La confusion joyeuse et béate de sa candidate lors du débat de l’entre deux tours (elle ne se souvenait même plus des ses cours de problèmes économiques contemporains sur l’ECU lorsqu’elle était étudiante en droit) l’a encore montré lors du débat. Il en résulterait la résurgence de la guerre en Europe et la faillite économique la plus totale. L'Homme de loi sans emploi pour lui et les siens pourrait alors méditer longuement sur son instant d'aberration.

Si l'homme de Loi se concentre de nouveau sur un unique objet : l'État de droit; il est alors sommé par un impératif catégorique. Il faut interdire l'accès au pouvoir au Front National qui signerait l'arrêt de mort de notre État de droit. Il faut au contraire donner à notre État de droit une chance de s'améliorer encore en votant le 7 mai pour Emmanuel Macron.

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Luc Grynbaum, agrégé des facultés de droit, est professeur de droit privé à l’Université Paris Descartes. Il y enseigne le droit des obligations, le droit des assurances et le droit des activités numériques. Il dirige le Précis Dalloz Droit des activités numériques et l’ouvrage Argus « Assurances ». Il est membre de l’Institut Droit et Santé (INSERM UMR S 1145).

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