Les coureurs commencent à entrer dans l’arène. Dans cette course de fond des élections présidentielles, deux profils se présentent les premiers sur la ligne de départ. D’un côté, un petit gros avec une chaussure noire, arrivé au sommet parce que tous les autres ont trébuché. De l’autre, un sportif qui a fait une sortie de route et qui reprend l’entrainement. Mais attention, des athlètes pourraient participer sans invitation.
François Hollande pèse moins d'un Français sur dix
François Hollande culmine à 18% dans les sondages. Il pèse donc à peine un Français sur dix, si on regarde les derniers taux d’abstention, surtout chez les jeunes. Néanmoins, pas à pas, il fait susurrer par ses conseillers qu’il veut se présenter. Comme il fallait vaincre le chômage, l’augmentation est moins pire, nous tombons moins vite, nous sommes donc moins bas dans notre malheur, et donc, il a réussi… à prédire le temps qu’il faisait la semaine dernière. Syndicats et Medef sont réduits à leur marginalité de 8% qui ne vaut guère mieux. Tout ce microcosme politique parisien fait penser à la ferme de Marie Antoinette. Beaucoup prêtent à François Hollande ce côté mou et falot de Louis XVI. Ils partagent ce goût des petites blagues douteuses.
Comme Hollande est président, il est difficile d’envisager une primaire. Aucun rival interne ne peut de se mesurer à lui. Il faut occuper le terrain par d’autres moyens. La campagne s’annonce très violente. Les invectives sont déjà cruelles, les venins se veulent mortels. Des enquêtes judiciaires fleurissent par dizaines. Les gardes à vue se multiplient dans tous les milieux. La guerre se veut sans quartier. Les programmes électoraux sont informes, inconsistants : seule la communication compte.
Il est si commode de montrer Marine Le Pen comme épouvantail et de jouer sur la peur du bulletin du second tour. La tactique est risquée, et peut donner le même résultat que Jospin. Après tout, Chirac était dans le même état en 1995 avec 15% dans les sondages alors que Balladur culminait à près de 60 %, et pourtant il a gagné. L’analyse de François Hollande n’est pas si risquée. Dans ces conditions, on peut même dire que François Hollande a de fortes chances d’être réélu, malgré sa personnalité médiocre, malgré ses résultats détestables.
"Le sourd craquement du monde"
Pourtant, tout ce petit monde ne voit pas venir à l’horizon un nuage qui avance au galop et qui pourrait venir perturber cette petite élection entre amis, y compris pour le Front National. Depuis les années 80, un visionnaire oublié, René Lenoir, a compris l’explosion des « Exclus » puis les immigrations massives des pays instables, et maintenant « le sourd craquement du monde ». Les catégories qui souffrent sont de plus en plus étendues et nombreuses. Ce n’était pas encore le cas en 1995. L’immigration a quadruplé. Les nouveaux contestataires peuvent surgir à tout moment et bouleverser le jeu politique de fond en comble en quelques mois.
En Europe, les partis champignons qui ont bousculé le jeu de quille ouvrent la voie : en Espagne avec Podemos, en Grèce avec Syriza, au Danemark, aux Pays Bas. Le Front de Gauche ou le Front National veulent occuper ces créneaux. Ce n’est pas parce que leurs leaders ont échoué que cette voie n’existe pas. Bien au contraire, la voie est libre. Même le Front National, qui pèse 30%, peut se faire bousculer du jour au lendemain par un mouvement plus jeune, plus contemporain, qui profiterait de son travail de fond, mais sans les pesanteurs du passé. Quant aux Verts, leurs embrouilles ont réussi à les marginaliser à moins de 2 %, et à dégouter 40 % des Français de l’écologie. Les émeutes de Sivens ou de Notre Dame des Landes pourraient déboucher sur des phénomènes de grande ampleur, par le relais des thèmes nationaux et à tout moment. Si notre classe politique continue à se prélasser sur son hamac, des invités surprise pourraient vite couper leurs délices et interrompre leur sieste.