Présidentielle : que va-t-on dire à nos enfants ?

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Par Sophie de Menthon Publié le 28 mars 2017 à 5h00
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Nous sommes tous en train de nous demander pour qui voter et, comme dans The Voice, la télé va faire la différence : c'est probablement la noblesse de la démocratie ?

Façon de parler, car Dupont-Aignan, qui lui est exclu du débat démocratique revu par TF1, a du mal à accepter que ce soit une chaîne de télévision qui décide des candidats à présenter au public, sachant bien sûr que l'on sélectionne les produits qui font vendre (audience).

Que répondre ? Que c'est vrai "puisque toute le monde le fait" ?

Mais la vraie difficulté est toute autre : qu'allons-nous dire à nos enfants ? A eux qui se passionnent pour nos conversations en boucle sur le prix des costumes et les salaires supposés fictifs de la maman. Le remboursement du mariage de la petite est devenu en soi un enjeu familial à l'échelon national : "Dis maman, tu ne vas pas me faire rembourser mon mariage quand même ?!". "Mais non Marie ! (le père grommelle, il trouve l'idée pas si bête) mais tu sais il y a des gens qui n'ont pas les moyens des réceptions qu'ils donnent ! Et d'ailleurs je t'ai dit qu'il n'était pas question de faire des folies, franchement, ce n'est pas cela qui compte... "

Plus sérieusement, c'est sur le fond que cela se complique. Diane a triché à son dernier contrôle. Vous trouvez cela inadmissible, elle va être sévèrement punie. "Mais maman ! Tout le monde le fait !" Elle se permet de glousser en plus : "On ne peut pas me mettre en examen, j'y étais déjà, hihi ! ". Que répondre ? Que c'est vrai "puisque toute le monde le fait" ? Que c'est donc normal et acceptable ? Le contraire de tout ce que vous vous échinez à leur inculquer. Sans compter les 18-20 ans qui vont voter pour la première fois et que cela passionne ou dégoûte, c'est selon. Ils sont effarés par cette entrée tonitruante et nauséabonde dans la vie républicaine et démocratique. Ils le disent haut et fort et beaucoup ne veulent pas aller voter. C'est là que Macron a du bon, car dans le casting il y a quand même un jeune présentable, qui a la virginité politique pour lui et l'ambiance start-up pour atténuer le côté ringard des vieux du renouveau qui se bousculent au portillon. Ouf ! Quel que soit leur choix, il est satisfaisant pour les parents d'avoir un contre-exemple (momentané?) au "tous pourris".

Sans argument vous sautez à pieds joints sur les médias

Et puis, il y a Gaspard qui vient de passer le concours d'entrée à Sciences Po et qui trouve le programme Fillon top. Mais il vous regarde droit dans les yeux au déjeuner et vous dit : "...mais je ne peux quand même pas voter pour quelqu'un qui a truandé autant ? C’est magouilles et cie !? En plus, il a trahi sa parole ... ". Et là, bon courage pour argumenter ; je vous laisse disserter sur la morale à deux vitesses, sur le manque d'argent de la classe politique, le droit au salaire fictif (pas vraiment fictif parce que, en fait, c'est une somme à laquelle on a droit et donc on ne vole personne), le sentiment d'injustice, la justice tout court, etc. L'enfant bien élevé par vous ricane... Finalement, vous en êtes plutôt fier(e). Pour l'ABS (abus de bien social) ouf ! La prépa Sciences Po n'en est pas encore là... Votre fils continue de donner une leçon de morale à votre génération toute entière et vous commencez à en avoir marre. Vous partez alors dans des divagations sur la nécessaire alternance et le bien du pays qui fait qu'on passe sur certaines choses...

Les yeux bleus de l'ado vous transpercent, il ne pensait pas ça de vous, vous le décevez dit-il. Sans argument vous sautez à pieds joints sur les médias, dont c'est la faute... Et la justice qui n'est pas indépendante ! Votre rejeton est de plus en plus dégoûté. Terrible dilemme : lui dire qu'il vit dans un pays merveilleux et qu'il faut savoir fermer les yeux ? Ou alors vous indigner avec lui contre d'inadmissibles turpitudes, ce qui serait plutôt le genre de la maison ? Votre moral est au plus bas : bien la peine de vous être donné un mal de chien pendant 18 ans pour lui donner des valeurs et voir en un jour flétrir tant de lauriers... Il vous reste donc la solution d'abonder en son sens, la morale sera sauve ! Libre à vous ensuite, planqué(e) dans l'isoloir, de faire le contraire de ce que vous lui avez dit... ou pas !

Article publié initialement sur Magistro

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Sophie de Menthon est la présidente du mouvement patronal Ethic. Elle est également membre du conseil économique et social (CESE), et auteur de nombreux ouvrages pédagogiques ou de vulgarisation pour la jeunesse.    https://www.sophiedementhon.fr/

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