Représentation et représentativité: les deux pôles de la démocratie représentative

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Par Jean-Marie Cotteret Modifié le 25 juin 2021 à 10h59
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La notion de représentation induit un choix des représentants au dessus de tout soupçons pour défendre l’intérêt général des citoyens. La notion de représentativité est la qualité reconnue à une personne de représenter un groupe de personnes le plus souvent en défendant les intérêts particuliers. Aujourd’hui la représentativité a gagné sur la représentation.

Identité et proximité

Écartelé entre la représentation et la représentativité, entre l’identité et la différence, on voit évoluer un nouvel homme politique. On retrouve ici l’ambiguïté fondamentale du régime représentatif.

Le principe d’identité ou de similitude de l’homme politique et du citoyen est le dilemme fondamental démultiplié par la télévision et les nouveaux médias. Le suffrage universel a mis en relief l’écart structurel entre représentants et représentés et a mis fin à la relation qui unissait jusqu’alors élus et électeurs. En effet, tant que les propriétaires terriens étaient électeurs et représentés par des propriétaires terriens qui partageaient leurs problèmes, la représentation et la représentativité ne faisaient qu’un. Plus le corps électoral devient diversifié, hétérogène, « pluriculturel », plus le principe d’identité entre représentants et représentés devient impossible. La télévision et les nouveaux médias ont eu un rôle dévastateur dans la mise en scène du principe d’identité. Et ils y ont été aidés par la projection de plus en plus fréquente de la vie privée des hommes politiques. Si l’homme politique doit vivre comme le citoyen moyen, être jugé comme le citoyen moyen, être rémunéré comme le citoyen moyen, alors il n’y a plus d’homme politique, il n’y a plus d’autorité politique.

Le thème de l’identité s’est développé via les médias et a pris le sens de proximité, participant au mouvement d’« horizontalisation » dans les rapports gouvernants/gouvernés, au détriment de la verticalité traditionnelle. Le mot d’ordre : l’homme politique doit être proche des gens. Certes la confiance, chère à la représentation, repose sur la recherche d’un individu proche de « soi-même ». Les médias ont donc valorisé le pôle proximité. Mais comme dans les médias et sur Internet où il y a souvent des excès, ce pôle s’est perverti. À chaque fois que le comportement du représentant n’est pas identique à celui souhaité par le représenté, la représentation est altérée. Par exemple, tel homme politique au bord du divorce est écarté en période électorale afin de ne pas choquer l’électeur conservateur.

À défaut d’identité, a prévalu la proximité. Et les politiques ont confondu proximité et banalité. En voulant se rapprocher des gens, ils se sont transformés en « homme banal » jusqu’à, pour certains, se « déprésidentialiser », comme d’autres se « décrédibilisent ».

Et que peut-on trouver à un homme sans qualités ?

Cette banalité a conduit aux comportements que l’on constate aujourd’hui : gifle, farine, coup de poing sur les maires.

La réforme en cours renforce l’atteinte à l’image de l’homme politique.

La première mesure consiste à modifier le statut de parlementaires. Certes, ils bénéficiaient de certains avantages exceptionnels comme le voyage gratuit en train pendant toute la durée de leur retraite. Mais leur traitement doit rester décent compte tenu du travail auquel ils sont astreints pour éviter la médiocrité des nouveaux élus. Or, des mesures vexatoires se multiplient comme l’abolition de la réserve parlementaire et de certains avantages financiers. La seconde mesure consiste à limiter le nombre de mandats à trois. On octroie ainsi aux nouveaux parlementaires un contrat à durée limitée de 18 ans. Un jeune parlementaire qui commence sa carrière à 30 ans se retrouve à 48 ans à la retraite. Ce système de durée imposée est totalement contraire au système représentatif décrit par Rousseau. Si le représenté n’a pas la liberté de choisir son représentant la notion de représentation est en cause.

La troisième mesure consiste à réduire le nombre de députés qui fait également partie de l’antiparlementarisme populiste. En 1958, pour 27 millions d’électeurs il avait été créé 577 députés comme significatifs d’une représentation équilibrée, soit un député pour 48 000 électeurs. Dans le projet de réforme on passe en 2019 à 404 députés alors que le corps électoral est de 47 millions d’électeurs. Soit un député pour 118000 électeurs. Quels liens peut-il rester entre représentants et représentés ?

En réalité la réforme doit être plus profonde et faire coexister dans le parlement une chambre de la représentation et une chambre de la représentativité qui pourront ainsi collaborer à l’élaboration des lois.

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Professeur émérite à la Sorbonne (Paris I), Jean-Marie Cotteret est docteur en droit et en science politique. Il a été directeur du Centre de recherche sur l’information et la communication de la Sorbonne, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Commission Nationale de l’lnformatique et des Libertés (CNIL). Il est l’auteur, entre autres, de « La Selfie-Démocratie » chez VA EDITIONS.

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