Urbanisme : la technologie peut-elle améliorer la sécurité urbaine ?

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Par Hervé Duval Modifié le 12 décembre 2018 à 16h47
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50%Un français sur deux ressent de l'insécurité au quotidien

La sécurité est l’un des premiers sujets de préoccupation des Français. Par leur taille et leur complexité, les espaces urbains sont les plus enclins à rencontrer des problèmes impactant les habitants. En accompagnant ou en palliant certaines limites à l’intervention humaine, quelques entreprises technologiques proposent des solutions sur ces problématiques.

Un sondage BVA du 16 février 2018 souligne que près d’un Français sur deux ressent de l’insécurité souvent ou de temps en temps. Ce sont essentiellement les personnes de plus de cinquante ans qui habitent dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Les parkings et les transports en commun principalement, suivis des lieux publics, de la rue ou des gares et aéroports sont les principaux lieux où prédomine ce sentiment d’insécurité, majoritairement chez les femmes. Ce sentiment serait dû en premier lieu aux incivilités, aux agressions verbales puis aux nuisances de voisinage. (1) Depuis 1987 s’est par ailleurs développé le Forum européen pour la sécurité urbaine, qui regroupe 250 collectivités locales européennes et tente de répondre à ces questions. (2) Ces exemples illustrent quelques problématiques urbaines, mais le sondage présente une approche incomplète de la sécurité, que l’on peut étendre aux situations à facteur de stress. Une technologie de sécurité pertinente se devra alors d’anticiper au mieux les risques pour minimiser la probabilité de survenue d’une situation dangereuse. Pour ce faire, le domaine de la sécurité se déploie selon trois approches complémentaires : dissuader, empêcher, intervenir (ou, schématiquement : avant, pendant, après), à chaque fois au moyen de réponses adaptées.

Rassurer grâce à l’éclairage urbain et à la vidéo-protection

La lumière a un effet rassurant et préventif indéniable. Citelum, détenue à 100% par EDF, s’est par exemple spécialisée sur cette approche. Entreprise pionnière sur l’éclairage urbain intelligent, elle gère dans plusieurs pays (États-Unis, Mexique, Danemark, Inde, Chine…) près de 3 millions de points lumineux. En parallèle des économies d’énergie, le « smart lighting », permet d’éclairer des coins sombres en se servant de détecteurs de présence et prévient ainsi les risques d’agression. En 1997 déjà, la revue de recherche en tourisme Téoros traitait de l’insécurité urbaine « qui paralyse les femmes », qui demandaient à voir les éléments de l’environnement, à être vues par une présence humaine, et à être entendues et avoir de l’aide rapidement. (3) Citelum se positionne également dans la vidéo-protection, ayant entre autres installé le réseau de communication sécurisé pour la Préfecture de police et plus de 1100 caméras à Paris. La vidéo-protection étudie les points sensibles à surveiller pour prévenir et lutter contre la délinquance, optimiser la gestion des secours, et améliorer le management de la circulation en intervenant par exemple rapidement en cas d’accident, notamment grâce à des données fournies en temps réel par son outil de télégestion MUSE. La question de la mobilité est sa troisième activité – l’entreprise gère l’exploitation de 700 carrefours à feux de la métropole de Nice et 1400 à Rome. (4)

Néanmoins, cette technologie de dissuasion correspond à un contexte des comportements et des espaces urbains donnés. La « peur du gendarme » peut se révéler insuffisante lorsqu’un individu décide de franchir le pallier suivant et de passer à la commission d’une infraction ou à sa tentative, qu’il faut alors empêcher.

Empêcher une infraction au moyen d’une technologie de contrôle résiliente

La sécurité urbaine ne se joue pas qu’en extérieur mais également au sein des bâtiments, et notamment les logements. Cela nécessite une technologie qui garantisse la sécurité de l’intérieur en cas de problème, de même qu’une protection face aux risques extérieurs en cas de défaillance interne. Depuis plusieurs années se développe ainsi le concept de bâtiment intelligent, ou « smart building ». Cette infrastructure implique « une mutualisation des fonctions » tout en limitant le nombre d’objets connectés grâce à des capteurs multifonctions. Il s’agit alors de coupler plusieurs technologies (géolocalisation, caméras IP, biométrie) pour garantir à la fois le confort mais aussi la sécurité des résidents. La vidéoprotection permet par exemple d’opérer comme levée de doute d’un départ de feu. Les données pertinentes sont transmises en temps réel et sécurisent « l’ensemble de la chaine de contrôle-commande ». (5) C’est ce que défend ici le directeur business développement de Slat. Spécialisée dans la sécurité des bâtiments, Slat a mis au point la technologie (brevetée) Safe DC, qui assure la continuité des équipements en cas de coupure – ce qui garantit, entre autres, la sécurité des personnes âgées isolées – et filtre les perturbations électromagnétiques qui peuvent impacter les résidents. Les applications les plus sensibles restent sécurisées : le contrôle d’accès, élément central, est assuré et préserve des intrusions malveillantes, de même que la vidéosurveillance. (6) En-dehors des bâtiments privés, la sécurité est aussi un enjeu pour les bâtiments publics, tels les bâtiments de santé. Comme le souligne Slat, « la continuité électrique est un élément critique dans l’environnement hospitalier », à l’image des blocs opératoires. A ce titre, l’entreprise a développé un système d’alimentation sécurisé pour résister aux courts-circuits grâce à une fonction secours intégrée. (7)

Certains cas enfin, nécessitent une intervention des forces de sécurité ou de l’ordre. La technologie peut alors venir appuyer l’action humaine pour l’optimiser et minimiser les risques de perte de contrôle d’une situation sensible.

Intervenir de manière plus sûre via des caméras d’enregistrement

Le décret n°2016-1861 du 23 décembre 2016 autorise les municipalités, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, à équiper leurs agents de police municipale en caméras pour enregistrer leurs interventions. (8) 300 villes expérimentent le dispositif. La raison est double. En premier lieu, ces caméras visent à protéger les agents en dissuadant les comportements agressifs et outrageants. On retrouve la « peur du gendarme ». Mais celle-ci ne suffit parfois pas. En second lieu en effet, les conflits potentiels entre policiers et citoyens peuvent être prévenus grâce aux enregistrements, conservés plusieurs mois. Ces conflits peuvent se caractériser par une situation pouvant dégénérer, ou par des contentieux nés d’interventions pour réprimer des infractions. Au niveau national, le ministère de l’Intérieur a confié l’équipement de 10 400 caméras aux gendarmes et policiers nationaux à la PME angevine Allwan Security, constructeur et distributeur de solutions vidéo tactiques spécialisée « dans les environnements extrêmes, la captation, la transmission des images, la sonorisation, l’équipement de véhicules discrets et la géolocalisation ». (9) Allwan présente ses caméras comme capables de stocker de manière cryptée et sécurisée des vidéos haute définition et des bandes audio. Elles sont équipées d’un progiciel de déchargement et d’exploitation des données. Ces éléments peuvent ensuite « devenir […] un élément de preuve indispensable lors de litiges ou altercations urbaines ». (10) Allwan intervient aussi dans la vidéosurveillance urbaine comme dans le cas de manifestations, de déchetteries sauvages ou de vols de matériaux.

La technologie ne peut certes pas remplacer un savoir-faire humain. Mais dans le cadre du développement des villes intelligentes et des interactions croissantes homme-machine, elle peut représenter certains apports dans la sécurisation du quotidien des habitants, comme peuvent l’illustrer ces quelques exemples.

(1) https://www.bva-group.com/sondages/les-francais-et-la-securite/
(2) https://efus.eu/fr/
(3) https://journals.openedition.org/teoros/576#tocto3n4
(4) https://www.citelum.fr/nos-services/services-transverses/muse
(5) https://www.technicbaie.fr/numerique/smart-building-repondre-aux-problematiques-de-securite-occupants/
(6) https://www.slat.com/a-propos/metiers/batiment-intelligent/
(7) https://www.slat.com/a-propos/metiers/systemes-medicaux-secours/
(8) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033692864&dateTexte=&categorieLien=id
(9) https://www.securite-mag.com/2018/05/04/la-pme-francaise-allwan-security-equipera-les-forces-de-lordre-de-10-400-cameras-pietons/ & https://www.agence-api.fr/societe/allwan-security
(10) https://www.allwan.eu/fr/50-cameras-pietons

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Hervé Duval, conseil juridique, Droit des affaires / Droit du travail - Conseil et contentieux - France et International. Recherches et veille juridiques, rédaction de notes sur des sujets touchant au droit pénal des affaires et notamment aux pouvoirs d’investigation des autorités judiciaires et des autorités administratives indépendantes.

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