Les audiences ont duré des semaines. Les débats ont décortiqué une décennie de soupçons. Et cette fois, la politique n’a pas suffi à protéger. Le 27 mars 2025, le parquet a parlé. Face à Nicolas Sarkozy, les juges réclament sept ans.
Sarkozy risque sept ans de prison pour l’affaire du financement libyen

Une réquisition historique pour un ancien président de la République
Jamais, dans l’histoire contemporaine française, un ancien chef de l’État n’avait entendu une telle sentence demandée par le ministère public. Le Parquet national financier (PNF) estime que Nicolas Sarkozy a non seulement bénéficié de fonds libyens pour financer sa campagne de 2007, mais qu’il a également été le moteur d’un système corrompu, construit sur des arrangements illégaux avec le régime de Mouammar Kadhafi.
L’accusation, formulée avec une précision chirurgicale, ne s’embarrasse d’aucune nuance : corruption passive, recel de détournement de fonds publics étrangers, association de malfaiteurs et financement illégal de campagne. Le tout assorti d’une peine de sept années d’incarcération, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité.
« Un pacte indécent » : la vision du parquet sur une alliance politique
La ligne du PNF, déroulée par les procureurs Philippe Jaeglé et Quentin Dandoy, est limpide : en échange d’un financement massif, Nicolas Sarkozy aurait mis la diplomatie française au service du régime libyen. Un pacte décrit comme « faustien », scellé dans le dos des institutions.
Les procureurs n’ont pas cherché à dissimuler leur sévérité. Pour eux, il ne s’agit pas d’un simple dépassement de comptes de campagne, mais d’une trahison de l’intérêt général au profit d’un intérêt électoral personnel. Une trahison d’autant plus grave que l’argent proviendrait d’un dictateur accusé de terrorisme international, notamment dans l’attentat du DC-10 d’UTA en 1989.
Nicolas Sarkozy riposte fermement
En face, Nicolas Sarkozy ne cède rien. Depuis le début des audiences, il conteste l'intégralité des accusations. Sur les réseaux sociaux, dans la presse, et devant la cour, il martèle son innocence, dénonçant une justice à charge, qu’il estime manipulée ou instrumentalisée. Son message est clair : il ne s’agit pas d’un procès judiciaire, mais d’un procès politique.
Lors de son interview publiée dans Le Parisien, l’ancien président affirme : « Je démontrerai mon innocence, ça prendra le temps qu’il faudra, mais on y arrivera ». Il assure vivre ce procès comme une épreuve personnelle et institutionnelle, tout en maintenant une posture combative.
Ses avocats, eux, s’attaquent au « vide du dossier », dénoncent des « constructions intellectuelles » et affirment que les réquisitions ne reposent sur aucun élément matériel solide, en particulier l’absence de traçabilité directe de fonds.
La droite en retrait, les oppositions prudentes
Sur les bancs de la droite parlementaire, l’heure est à la discrétion. Aucun ténor des Républicains ne monte franchement au créneau, et la macronie observe un silence pesant. Dans les couloirs de l’Assemblée, certains glissent que le dossier est trop sensible pour risquer une récupération.
À gauche, les critiques s’affichent plus discrètes qu’on aurait pu le croire. La nature des accusations — grave, mais complexe — semble freiner les réactions publiques. Officiellement, chacun attend le verdict.
Entre diplomatie et détournement : le poison libyen
Le dossier révèle plus qu’un excès individuel : il met au jour une époque où les logiques diplomatiques et les besoins de campagne se sont dangereusement entremêlés. Les voyages en Libye, les rencontres avec des personnalités comme Abdallah Senoussi, les transferts d’argent par des circuits obscurs... Tous ces éléments, mis bout à bout, dessinent la silhouette d’une compromission systémique.
Le procès devient alors une lecture judiciaire d’un quinquennat, celui où la realpolitik aurait été poussée jusqu’à l’absurde.
Ce que ce procès dit de notre démocratie
Le jugement n’est pas encore tombé, mais il interroge déjà le fonctionnement des institutions. Peut-on diriger un État, tout en négociant dans l’ombre avec un régime autoritaire pour assurer sa propre élection ? Et si tel est le cas, comment l’État de droit peut-il y répondre ?
La sévérité des réquisitions montre qu’au moins une partie de l’appareil judiciaire refuse cette hypothèse. Reste à savoir quelle sera la conclusion finale de ce feuilleton