Inéligibilité de Marine Le Pen : la loi “ad hoc” d’Eric Ciotti boudée par tous les partis

Marine Le Pen et son inéligibilité, sont au centre d’un tumulte politique, judiciaire et symbolique qui agite les rangs de l’Assemblée nationale comme les rues de Paris.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 8 avril 2025 16h29
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Le 31 mars 2025, la justice a condamné Marine Le Pen à une peine de prison, une amende conséquente et cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate. Alors que certains députés espéraient un sursis législatif, l’Assemblée nationale a fermé la porte à toute modification de la loi. Un revers politique majeur pour la cheffe du RN, qui devra désormais miser uniquement sur les tribunaux pour tenter de revenir en lice d’ici 2027.

La condamnation de Marine Le Pen, un tournant judiciaire qui déchire le champ politique

Le 31 mars 2025, Marine Le Pen a été condamnée à quatre ans de prison dont deux sous bracelet électronique, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, avec une exécution provisoire immédiate. Cette peine découle de sa culpabilité dans une affaire de détournement de fonds publics, orchestrée via un système d’emplois fictifs d’assistants parlementaires européens. Une décision qui, juridiquement, prive la députée RN de la présidentielle de 2027, sauf à obtenir gain de cause en appel, dont l’audience est prévue à l’été 2026.

Loin de l’agitation médiatique, les députés, eux, ont tranché. Aucune loi ne sera votée pour sauver Marine Le Pen de l’inéligibilité. Malgré la tentative d’Éric Ciotti (LR) de proposer une modification ciblée du droit, l’ensemble de la représentation nationale a fermé la porte. Du centre à l’extrême gauche, le consensus est clair : pas de passe-droit.

Le refus parlementaire : un cinglant désaveu pour le RN

Si certains stratèges du RN espéraient un sursaut républicain pour repousser la peine d’inéligibilité, le rejet fut massif et sans appel. Même les Républicains, pourtant alliés objectifs sur de nombreux dossiers, ont refusé de soutenir la manœuvre d'Éric Ciotti, qui lui-même l’a reconnu : « Il n’y a quasiment aucune chance pour que cette proposition aboutisse ».

Gabriel Attal, Premier ministre, a répliqué sans détour lors d’un meeting à Saint-Denis : « Le RN, c’est le parti qui demande de la fermeté pour tous, sauf pour lui. [...] Tu voles, tu paies ». Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses (LR), a dénoncé une tentative de loi sur mesure : « On se réunit entre nous et on change la loi ? Ce n’est pas ma conception de la République ».

Face à ce mur de refus, les élus RN se retrouvent isolés, dénonçant une prétendue attaque politique. Marine Le Pen, elle-même, a martelé : « Ce n’est pas une décision de justice, c’est une décision politique ». Jordan Bardella y voit « une date sombre » pour la démocratie française.

Le droit face au populisme : la justice, seul recours pour Marine Le Pen

L’unique option qui reste à la députée d’Hénin-Beaumont est judiciaire. Son équipe a interjeté appel, mais celui-ci n’est pas suspensif, ce qui signifie que la peine d’inéligibilité reste en vigueur jusqu’à nouvel ordre. Un pourvoi en cassation pourrait suivre, mais sa portée sur l’exécution de la peine est incertaine.

Selon France Info, l’immunité parlementaire ne protège pas Marine Le Pen : les actes reprochés sont « détachables de son mandat », donc punissables comme pour tout justiciable. La jurisprudence et la Constitution sont claires : l’immunité protège les actes liés à l’exercice du mandat, pas les délits de droit commun.

Au fond, c’est bien une fraude systémique aux fonds publics européens qui a été sanctionnée. Et ce jugement « réaffirme l’égalité de traitement devant la loi », y compris pour les élus.

L’arène de la rue : le RN joue la carte de la victimisation

Pendant que les juristes dissèquent les arrêts de cour, le RN joue la bataille de l’opinion. Le 6 avril, place Vauban, Marine Le Pen a comparé sa cause à celle de Martin Luther King, appelant à la résistance pacifique contre une « persécution politique » : « Nous ne sommes pas des sous-citoyens », a-t-elle clamé. Son discours s’est terminé par : « Cette décision a bafoué l’État de droit et de démocratie ».

Face à elle, place de la République, des milliers de manifestants de gauche ont dénoncé les « attaques du RN contre la justice ». Les Femen ont même infiltré la manifestation du RN en scandant « Inéligibilité à perpétuité », avant d’être évacuées.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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