Les tensions entre Pékin et Washington franchissent un nouveau cap. Le 3 décembre 2024, la Chine a annoncé l’interdiction immédiate de l’exportation de plusieurs métaux critiques, dont le gallium, le germanium et l’antimoine, vers les États-Unis. Cette décision, à forte portée politique, s’inscrit dans une dynamique de confrontation exacerbée entre les deux premières puissances mondiales.
Guerre commerciale : Pékin suspend ses exportations stratégiques aux USA
Derrière ce geste se cache une volonté affirmée de Pékin : affirmer sa souveraineté économique tout en répondant aux restrictions imposées par Washington sur l’industrie chinoise des semi-conducteurs.
Une décision stratégique au cœur des rivalités technologiques
L’annonce du ministère chinois du Commerce ne laisse place à aucun doute : les exportations de gallium, germanium et autres ressources stratégiques à destination des États-Unis sont désormais interdites, tandis que celles destinées à un usage civil seront soumises à des contrôles stricts. Ces métaux, essentiels à la fabrication de semi-conducteurs, de technologies infrarouges et de batteries pour véhicules électriques, sont au cœur des industries stratégiques des deux pays.
Avec cette interdiction, Pékin entend répondre aux sanctions américaines visant à limiter l’accès de la Chine aux technologies avancées. Washington a, en effet, durci ses restrictions sur les exportations de puces électroniques, touchant près de 140 entreprises chinoises. Cette guerre commerciale, devenue politique, oppose deux visions du monde : celle d’une Amérique cherchant à préserver son leadership technologique et militaire, et celle d’une Chine refusant de rester en position de dépendance.
La souveraineté économique de Pékin en action
Cette mesure s’inscrit dans une logique assumée de renforcement de la souveraineté économique. Pékin utilise son contrôle quasi-exclusif sur ces ressources naturelles comme un levier stratégique. À titre d’exemple, la Chine produit 94 % du gallium mondial et 83 % du germanium, des ressources indispensables à de nombreux secteurs. Par ailleurs, ces restrictions ne se limitent pas à un simple acte de représailles : elles traduisent également une volonté de Pékin de redéfinir les règles du jeu dans les échanges commerciaux mondiaux.
Le gallium, utilisé dans les semi-conducteurs et les panneaux solaires, ainsi que le germanium, crucial pour les fibres optiques et les capteurs infrarouges, sont des piliers de l’économie numérique et militaire. En restreignant leur exportation, la Chine fragilise les chaînes d’approvisionnement américaines et contraint Washington à chercher des alternatives. Une tâche ardue, tant le monopole chinois sur ces ressources est écrasant.
Une Europe entre dépendance et opportunité
Si la mesure cible principalement les États-Unis, elle invite l’Europe à s’interroger sur sa propre dépendance vis-à-vis de la Chine. Les pays européens importent massivement ces métaux pour leurs industries technologiques, tout en manquant de solutions de repli immédiates. La crise actuelle relance ainsi le débat sur la souveraineté industrielle européenne.
L’Union européenne, qui avait déjà identifié le gallium et le germanium comme des matériaux critiques, multiplie les appels à développer des capacités locales d’extraction et de recyclage. Mais ces projets, encore embryonnaires, nécessiteront des années pour voir le jour. En attendant, l’Europe pourrait profiter de cette guerre commerciale pour renforcer ses partenariats avec les États-Unis ou diversifier ses fournisseurs, notamment vers l’Australie ou le Canada. Toutefois, cela se fera au prix d’une augmentation des coûts de production, inévitablement répercutée sur les consommateurs.