Une circulaire ministérielle, rendue publique le 25 mai 2025, impose une série d’inspections sanitaires renforcées dans toutes les usines françaises d’eau minérale, notamment celle de Vergèze. Une décision qui marque un tournant politique dans la gestion d’un dossier devenu emblématique des tensions entre intérêts économiques, exigences sanitaires et transparence publique.
Scandale des eaux en bouteille : le site de Vergèze pourrait fermer

Le ministère de la Santé a transmis aux agences régionales de santé (ARS) une circulaire instaurant un programme d’inspections sur l’ensemble des sites de conditionnement d’eau minérale naturelle et d’eau de source. Ce dispositif couvre la période 2022-2026, mais intervient dans un contexte précis : les révélations récentes d’irrégularités au sein des usines du groupe Nestlé, notamment celles de la marque Perrier. Le site de Vergèze, dans le département du Gard, se retrouve ainsi au cœur d’une séquence politique complexe, mêlant enjeux de santé publique, responsabilités administratives et pressions locales.
Une réponse tardive à une alerte ancienne
L’origine de cette action gouvernementale remonte à plusieurs années. Dès 2021, des signalements internes avaient été transmis par Nestlé aux autorités, alertant sur des anomalies de traitement dans plusieurs sites du groupe. Pourtant, la première inspection officielle à Vergèze n’a eu lieu qu’en novembre 2022. Ce décalage entre l’alerte initiale et la réponse réglementaire a suscité des interrogations au sein du Sénat, où une commission d’enquête a récemment rendu un rapport dénonçant un manque de réactivité des pouvoirs publics.
Ce rapport parlementaire, publié le 19 mai 2025, détaille des pratiques contraires au code de la santé publique : utilisation de dispositifs de microfiltration interdits, non-déclaration de contaminations bactériennes, destruction de lots sans information publique claire. Ce document a constitué la base du cadrage de la circulaire signée par le ministère de la Santé quelques jours plus tard.
Un cadrage réglementaire renforcé, aux implications concrètes
La circulaire en question ne mentionne aucune marque commerciale, mais précise que toute eau qui ne respecterait pas les critères légaux de l’eau minérale naturelle perdra cette qualification et fera l’objet de procédures administratives. Cela inclut la possibilité de suspendre la production sur les sites concernés ou de les fermer temporairement, voire définitivement, selon la gravité des manquements.
Ce durcissement réglementaire s’accompagne d’une clarification : tout traitement visant à corriger une pollution est interdit. Il est également rappelé que certains procédés de désinfection, comme la microfiltration à 0,2 micron, restent prohibés, car ils altèrent la nature de l’eau. Nestlé aurait pourtant continué à employer de tels dispositifs, contrevenant ainsi à la réglementation en vigueur.
Le cas de Vergèze : une usine sous pression
Dans ce contexte, l’usine Perrier de Vergèze attire l’attention des autorités. Plusieurs analyses ont mis en évidence la présence de bactéries d’origine fécale ou intestinale dans les forages utilisés sur ce site. Ces contaminations ont mené, entre autres, à la destruction de plusieurs centaines de milliers de bouteilles. Le site étant un acteur industriel majeur dans le département, l’hypothèse d’une suspension d’activité y est politiquement sensible.
Le dossier Vergèze concentre par ailleurs des tensions sociales. Le syndicat FO a indiqué ne pas avoir été informé en amont par la direction de Nestlé des risques encourus. Il dénonce un défaut de transparence dans la gestion de cette affaire. À cela s’ajoute une demande de clarification formulée par les élus locaux, notamment le sénateur du Gard Laurent Burgoa, rapporteur de la commission d’enquête parlementaire. Celui-ci appelle l’État et le groupe Nestlé à dialoguer directement avec les salariés et les collectivités.
Des enjeux nationaux, un test pour la gouvernance sanitaire
La décision du ministère intervient dans un climat général de défiance vis-à-vis des grandes entreprises de l’agroalimentaire et de leurs relations avec les administrations de contrôle. Le scandale des eaux minérales fait écho à d’autres affaires sanitaires où les lenteurs de l’État et les mécanismes de dérogation ont été dénoncés.
Le gouvernement semble vouloir réaffirmer l’autorité des services publics de santé environnementale. Cependant, certains syndicats, comme l’UNSA Santé, considèrent que cette réponse arrive trop tard. Ils ont notamment réclamé la démission de Didier Jaffre, directeur de l’ARS Occitanie, estimant qu’il n’a pas assuré les contrôles nécessaires à temps. Ce point pourrait nourrir un débat plus large sur la chaîne de responsabilité entre les agences de santé, les préfets et les ministères.
Entre impératif sanitaire et maintien de l’activité
La gestion de ce dossier illustre un équilibre complexe : préserver la santé publique tout en prenant en compte les implications économiques d’un arrêt de site. Vergèze ne se limite pas à sa valeur industrielle ; il s’agit aussi d’un symbole régional. L’image de marque de Perrier, sa place dans les exportations agroalimentaires et son rôle dans l’économie locale rendent toute décision de fermeture particulièrement délicate.
L’État semble déterminé à restaurer une crédibilité réglementaire. Reste à savoir si cette stratégie sera soutenue dans la durée, notamment en cas de résistance juridique de la part du groupe Nestlé ou de pressions territoriales.