La réponse, c’est oui, en plus violent et pour les dossiers les plus importants, à savoir les accords internationaux, dont la force juridique est supérieure à toutes les règles juridiques existante (Constitutions, lois, règlements et décrets européens ou nationaux).
De quoi s’agit-il ? De l’article 218 alinéa 5 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.
L'équivalent d'un article 49-3 en Europe
Celui-ci dispose que : « 5 – Le Conseil, sur proposition du négociateur, adopte une décision autorisant la signature de l’accord et, le cas échéant, son application provisoire avant l’entrée en vigueur ». La manière d’appliquer cet article se trouve ici. On y lit que la procédure d’approbation d’un accord international (accord transatlantique de libre échange, par exemple) se déroule en trois temps.
L’un de ces temps se déroule de la façon suivante : "Le Conseil adopte une décision (parfois un règlement) portant signature de l’accord. En outre, l’application provisoire, destinée à faire en sorte que l’accord puisse s’appliquer rapidement, peut résulter: soit d’une disposition de la décision portant signature; soit d’un accord intérimaire signé en parallèle."
Faciliter l'accord de libre échange
Ainsi, le conseil des ministres peut décider de l’application provisoire des accords, avant même que le Parlement européen ait pu se prononcer, pas plus que les parlements nationaux en cas d’accord mixte. Voilà ce qui va se passer avec les accords de libre échange Canada / UE , Singapour / UE et bien sûr Etats Unis / UE. On va autoriser leur application provisoire, on va laisser les choses traîner un peu, et lorsque le Parlement européen pourra enfin se prononcer, l’application de ces accords sera irréversible. Il sera quasiment impossible de voter contre.
Les chantages aux délocalisations, aux licenciements, aux pertes de bénéfices, les pressions (voire les tentatives de corruptions) seront folles. Face à cette manipulation, le Parlement européen et les Parlements nationaux n’auront aucun outil pour résister. Ils devront s’incliner en théorisant leur rôle de godillot dans lequel ils auront été placés par la Commission et le Conseil. Voici ce que m’a écrit un attaché parlementaire européen : "Je vous confirme la possibilité de la saisine de cet article. Cependant, permettez-moi de vous rassurer sur plusieurs points. Le sujet est si important, que les députés ne sont pas prêts de se laisser contourner et ce sont eux d'ailleurs qui ont permis, par leur pression, d'ajouter de la transparence dans les négociations."
La violation des principes démocratiques ?
Soit, mais comme en France avec le 49/3, ils devront s’incliner si le Conseil le décide. Le Président de la République française va-t-il s’y opposer ? Certainement pas. Voici ce qu’il déclarait en février 2014 : "Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu'il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations", a estimé le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse commune avec Barack Obama." (Huffington post)
Quant on sait que les accords internationaux, sont supérieurs aux Constitutions nationales et au droit européen, et qu’ils sont le plus souvent négociés en catimini, au mépris des règles les plus élémentaires de la démocratie, on s’aperçoit que l’équivalent européen du 49/3 est très violent pour les principes démocratiques. On peut d’ailleurs penser que cet article 218 alinéa 5 est le fruit d’une subtile mais efficace action de lobbying, tant et si bien que personne n’a saisi sa portée véritable.