Les agriculteurs retournent sur les routes pour une nouvelle grève

C’est reparti comme en 14. Moins d’un an après la grève qui avait retourné les panneaux d’entrée des communes, les agriculteurs reviennent sur les routes. En cause, un dédain flagrant de la part du gouvernement et un oubli de leurs besoins.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 13 novembre 2024 à 9h43
agriculteurs

Les agriculteurs à nouveau en grève ?

A partir du lundi 18 novembre, les agriculteurs pourraient être à nouveau en grève, rejoignant ainsi d'autres corps de métiers, comme les cheminots. Toutefois, chez eux, ce n'est pas l'approche des vacances de Noël qui motive la grève, mais plutôt certains accords internationaux potentiellement mortifères pour l'agriculture française.

Ainsi, alors que le G20 se réunit au Brésil, les grévistes craignent un nouvel accord de libre-échange qui lierait l'Union européenne et le Mercosur. Il s'agit du marché commun d'Amérique du Sud, ou Mercado Comun del Sur. Il rassemble le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, le Paraguay et la Bolivie. De plus, de nouvelles surtaxes aux frontières de la part de la Chine ou des Etats-Unis pourraient freiner leurs exportations.

Le Mercosur est particulièrement mal perçu par les agriculteurs français car il répond une fois de plus à l'adage « viande contre voitures ». Il permettrait à l'Amérique du Sud de vendre à l'Europe de la viande, du sucre, du riz, du miel, du soja, etc. L'Europe, quand à elle, vendrait des voitures, des machines, des produits pharmaceutiques. Le traité du Mercosur construirait un libre-échange entre certains pays d'Amérique latine et l'Union européenne, c'est-à-dire un commerce quasiment sans droits de douane. Les produits sud-américains en seraient moins chers grâce à des coûts de production bien inférieurs, et les Français délaisseraient un peu plus les produits de leurs agriculteurs.

Syndiqués ou non, les agriculteurs soutiennent la grève

Pour le moment, cette grève est appelée par la FNSEA, la Coordination rurale et la Confédération paysanne, deux des plus importants syndicats d'agriculteurs du pays. La FNSEA 56, à travers sa présidente Marie-Andrée Luherne, regrette ainsi que les annonces du gouvernement « ne répondent qu'à des problématiques du moment". Selon elle, même si ces annonces « vont dans le bon sens », « on a besoin de réformes en profondeur ». Ces réformes doivent notamment « donner de la lisibilité sur le long terme » et « faciliter l'installation de jeunes exploitants ».

De leur côté, les agriculteurs non syndiqués soutiennent leurs collègues mais ne se joindront pas à eux. Il faut dire que, contrairement aux cheminots qui peuvent laisser leurs trains et les retrouver intacts, ils doivent prendre soin de leurs récoltes. Or, ces dernières ne sont pas terminées et les semailles demandent encore de l'attention. Sans compter que les agriculteurs peinent à joindre les deux bouts, et ne peuvent donc se permettre une grève. « Depuis que je suis installé, je n’ai jamais autant entendu parler de trésorerie. Nombre d'entre eux sont obligés de solliciter leur banque pour contracter des prêts », explique Daniel Barrach, producteur de céréales et de légumes.

Moins de réglementations, moins de libre-échange

Malgré des dépenses publiques galopantes et une fiscalité à l'avenant, l'Etat reste incapable d'accomplir ses fonctions. Au contraire, les entrepreneurs sont toujours plus à la peine, et ils sont de plus en plus nombreux à mettre la clé sous la porte.

C'était le sens de cette photo largement diffusée en Occitanie fin octobre. Six agriculteurs torse nu posaient au milieu des bottes de foin avec une banderole : « l'Etat est à bout de souffle et nous à bout de nerfs ». Cyril Bousquet, éleveur dans la vallée du Tarn et président départemental de la section bovins-lait de la FNSEA, avait expliqué cette image. Il s'agissait de « dire qu'avec les problématiques qu'on a, on n'arrivera plus à vivre et on va finir à poil sur la paille ».

Alors que les réglementations européennes sont déjà contraignantes, la France renchérit, ce qui amoindrit considérablement la compétitivité des agriculteurs. La bureaucratie leur prend du temps, des moyens humains, donc financiers, de l'énergie... Cela pour répondre aux revendications de politiques écologistes qui se préoccupent plus de la biodiversité que des producteurs français. « L’écologie s’est trop politisée, parfois jusqu’à l’absurde, car ceux qui émettent les directives n’ont pas les pieds dans la boue ! » dénoncent les agriculteurs de Dordogne.

L'écologie dénoncée par les agriculteurs

Ainsi, au nom de la biodiversité, il n'est pas possible d'entretenir les berges de certaines rivières. Les arbres se couchent et certaines parcelles deviennent inaccessibles. Les agriculteurs ne peuvent donc rien y produire, mais doivent tout de même payer des impôts sur ces terres qui leur appartiennent. De plus, ces parcelles deviennent des friches, et les friches sont porteuses de plusieurs dangers. Risques d'incendie, ensauvagement, mais aussi dévalorisation touristique, une parcelle qui n'est pas entretenue est nuisible.

C'est également au nom de la biodiversité que la chasse est honnie par les élus et militants écologistes. Pourtant, elle permet aux agriculteurs de combattre des espèces nuisibles qui se reproduisent à toute vitesse, comme les sangliers, les blaireaux ou les corneilles.

Le bio lui-même est battu en brèche par les agriculteurs. Les normes pour obtenir ce label sont différentes en France et à l'international, ce qui ne laisse aucune chance à leurs produits. La désignation "France" elle-même est trompeuse. Alors qu'elle doit permettre aux consommateurs français de s'informer et de soutenir leurs agriculteurs, elle peut être attribuée à une viande provenant de l'étranger mais transformée en France. De quoi réjouir les industries agro-alimentaires et désespérer les éleveurs.

Autrement dit, entre les réglementations et les accords de libre-échange, les agriculteurs ne peuvent plus suivre. Les unes augmentent leurs coûts de production. Les autres les mettent en concurrence avec des produits bien moins chers, notamment parce qu'ils ne répondent pas aux mêmes réglementations. Résultat, alors que la France est depuis toujours une terre d'agriculture, elle importe toujours plus de produits alimentaires, et les agriculteurs meurent.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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