Bétharram : François Bayrou dénonce une “utilisation politique” de l’affaire

L’audition de François Bayrou par la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire de Bétharram a soulevé des interrogations aussi bien sur la gestion publique des établissements scolaires que sur la mémoire politique d’un haut responsable confronté à son passé local.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 16 mai 2025 17h47
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betharram-francois-bayrou-denonce-politique - © PolitiqueMatin

Le mercredi 14 mai 2025, le Premier ministre François Bayrou a été entendu par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée d’examiner les violences survenues dans des établissements scolaires. Cette audition s’inscrivait dans le cadre de l’affaire Notre-Dame-de-Bétharram, une école catholique privée située dans les Pyrénées-Atlantiques, visée par plusieurs accusations d’agressions physiques et sexuelles sur mineurs, remontant principalement aux années 1990.

François Bayrou, qui fut à cette époque président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, puis ministre de l’Éducation nationale, a répondu pendant plus de cinq heures aux questions des députés. Ces échanges ont notamment porté sur ses liens avec l’établissement, sur les décisions administratives prises durant son mandat, et sur les éléments dont il aurait pu avoir connaissance à l’époque.

Responsabilités passées et cadre institutionnel : un positionnement défensif

Au centre des débats figurait la question des subventions publiques allouées à l’établissement Notre-Dame-de-Bétharram. La commission a interrogé François Bayrou sur plusieurs décisions de financement prises dans les années 1990, lorsqu’il était à la tête du conseil général. L’élu a contesté tout favoritisme et a nié avoir accordé des aides exceptionnelles à l’école. Il a réfuté certains montants avancés dans la presse et s’est montré très critique à l’égard des accusations relayées par des enquêtes journalistiques.

Par ailleurs, l’audition a abordé le traitement administratif de plusieurs signalements ou incidents survenus dans l’établissement. François Bayrou a confirmé avoir eu connaissance d’un fait de violence en 1996, qualifié à l’époque de gifle, et avoir commandé une inspection académique. Selon ses dires, les conclusions de cette enquête n’avaient pas révélé de dysfonctionnements graves. Il a reconnu ne pas avoir lu ce rapport dans son intégralité, ce qui a suscité des remarques de plusieurs commissaires sur le degré d’attention accordé par les autorités de l’époque à des faits potentiellement sensibles.

Mémoire et contradiction : l'épreuve du témoignage sous serment

L'audition a aussi été marquée par des contradictions dans les propos du Premier ministre. François Bayrou a déclaré ne jamais avoir été informé d’agressions sexuelles, ni directement, ni par des voies institutionnelles. Pourtant, plusieurs témoins précédemment entendus par la commission ont affirmé l’avoir alerté, ce que le chef du gouvernement conteste formellement.

Une ancienne enseignante de Bétharram, auditionnée sous serment, a notamment assuré avoir informé François Bayrou de faits graves dès le milieu des années 1990. L’intéressé a rejeté ces déclarations, les qualifiant d’inexactes. Interrogé sur une rencontre avec un magistrat chargé d’un dossier lié à l’établissement, il a d’abord nié avant de la reconnaître comme une rencontre fortuite, soulignant que les informations échangées n’auraient pas enfreint le secret de l’instruction.

Ces revirements ont suscité des interrogations parmi les députés, certains pointant un manque de cohérence dans les réponses. La tonalité des échanges s’est durcie à plusieurs reprises, en particulier lors des interventions des membres de La France insoumise et de la majorité présidentielle, qui ont exprimé des réserves sur la sincérité des déclarations du Premier ministre.

Une audition à forte charge politique et personnelle

Au-delà des faits institutionnels, cette audition a également mis en lumière les liens personnels de François Bayrou avec l’établissement visé. Plusieurs de ses enfants y ont été scolarisés, et son épouse y a enseigné. Cette proximité, bien que connue, a été évoquée à plusieurs reprises durant les travaux de la commission, notamment en lien avec la question de la neutralité dans les décisions administratives.

Une nouvelle dimension est apparue lorsque la fille de François Bayrou a témoigné publiquement avoir été victime de violences physiques dans l’établissement dans sa jeunesse. Le Premier ministre a indiqué avoir appris cette information très récemment, et a réaffirmé son soutien aux victimes. Ce témoignage, inédit jusque-là, a ajouté une charge émotionnelle à une audition déjà tendue sur le plan politique.

Malgré cette intensité, François Bayrou a maintenu une ligne de défense constante : celle d’un responsable qui n’aurait jamais été destinataire d’éléments justifiant une action spécifique au-delà de ce qui avait été fait à l’époque. Il a également dénoncé une utilisation politique de l’affaire, laissant entendre qu’une partie des critiques formulées à son encontre visait à fragiliser sa position au sein du gouvernement.

Vers un prolongement judiciaire ou institutionnel ?

L’audition de François Bayrou ne met pas un terme aux travaux de la commission. Celle-ci poursuivra ses investigations dans les semaines à venir, avec la possibilité d’émettre un rapport parlementaire qui pourrait comporter des préconisations ou des mises en cause plus directes. Sur le plan judiciaire, l’enquête ouverte en parallèle pourrait également s’appuyer sur les éléments recueillis dans ce cadre institutionnel.

En l’état, l’affaire Bétharram soulève des enjeux de transparence, de responsabilité politique et de protection des mineurs dans les structures scolaires. Elle illustre également la complexité à établir les responsabilités dans des affaires anciennes, à la frontière du politique et du judiciaire.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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