Couvre-feu à Nice : mesure de sécurité ou politique de façade ?

Depuis le 1er mai 2024, la ville de Nice a mis en œuvre un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans, mesure annoncée par le maire Christian Estrosi. Cette décision, qui s’applique de 23 heures à 6 heures jusqu’au 31 août, vise à lutter contre la délinquance juvénile et les troubles à l’ordre public.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Modifié le 2 mai 2024 à 15h52
couvre-feu

Pourquoi un couvre-feu ?

Le couvre-feu instauré à Nice cible spécifiquement les mineurs de moins de 13 ans. Ils sont désormais interdits de sortie entre 23 heures et 6 heures du matin dans toute la ville durant la période estivale. Cette restriction est encore plus stricte dans des zones spécifiques, comme le quartier des Moulins, où elle s'applique aux moins de 16 ans en raison d'un trafic de stupéfiants notoire.

Cette mesure est justifiée par une volonté de réduire les attroupements nocturnes qui, selon la municipalité, favorisent la délinquance et exposent les mineurs à divers dangers tels que les agressions et les trafics. Christian Estrosi, maire de Nice, citant l'absence de responsabilité suffisante de certains parents et un manque de courage législatif, voit dans le couvre-feu un moyen de prendre ses responsabilités pour la sécurité des jeunes Niçois.

Des réactions mitigées au couvre-feu

Alors que des villes comme Béziers et Pointe-à-Pitre ont adopté des mesures similaires, la réintroduction du couvre-feu à Nice n'est pas sans controverses. En effet, Nice avait instauré ce type de mesure en 2009, avant de le supprimer en 2020 à cause de la crise sanitaire. Des figures politiques locales, notamment l'élue d'opposition écologiste Juliette Chesnel-Le Roux, critiquent cette politique comme étant une mesure de façade qui néglige des problématiques plus profondes telles que l'éducation et le logement.

Les partisans du couvre-feu font toutefois remarquer que de telles mesures ont historiquement contribué à la baisse de la délinquance. Toutefois, les critiques soulignent le risque d'une politique qui pourrait stigmatiser davantage les jeunes, en particulier dans les quartiers défavorisés, et détourner l'attention des véritables solutions à long terme nécessaires pour ces communautés.

La sécurité, à quel prix ?

Les mineurs sont notamment la proie des dealers de drogue qui les embauchent pour de menus travaux, comme le guet. Le trafic de drogue fait ainsi, dans certains quartiers, vivre des familles entières, et les parents évitent de demander à leur enfant d'où vient l'argent qu'il ramène. Le combat contre le trafic de drogue s'en trouve compliqué. Le couvre-feu pour les mineurs permettrait de combattre le problème lorsque les parents ne veillent plus à ce que leur enfant soit à leur domicile la nuit.

La mise en place d'un couvre-feu ciblant tous les jeunes de moins de 13 ans à Nice soulève une question éthique et pratique significative : est-il juste de contraindre toute une tranche d'âge à rester chez elle après une certaine heure, en réponse aux manquements de certains parents ? Cette approche généralisée semble punir l'ensemble des jeunes pour les fautes de quelques-uns, privant la majorité des mineurs, qui ne causent aucun trouble, de leur liberté de mouvement.

Des solutions difficiles à trouver

Malheureusement, les problèmes liés à la violence et à la délinquance des mineurs sont devenus tels que l'instauration d'un couvre-feu apparaît comme la dernière et seule solution. Les moyens humains et financiers investis dans les zones les plus défavorisées ne semblent jamais suffire, que ce soit parce que les équipements sont détruits ou que les assistants sociaux, professeurs et autres professionnels s'en vont. Le terrain est laissé libre aux délinquants de tous acabits et le cercle vicieux se referme.

Quant à pénaliser les parents pour les mauvais comportements de leurs enfants, notamment en leur retirant les droits aux allocations ou aux logements sociaux, la mesure ne récolte pas plus l'approbation de la gauche que le couvre-feu. La situation est insoluble, ce qui engendre des solutions au demeurant peu satisfaisantes.

À l'approche de la période estivale, où les mineurs ont une plus grande tendance à rester dans les rues, et alors que le tourisme amènera sur la Côte-d'Azur des touristes peu méfiants, le couvre-feu va devoir faire ses preuves. Observera-t-on des résultats ou une vexation inutile des jeunes ?

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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