Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) vient de publier une analyse sévère de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE3), la feuille de route censée guider la transition énergétique française jusqu’en 2035. Flou stratégique, manque de prévoyance, absence de marges de manœuvre en cas d’imprévu : les critiques pleuvent.
Les doutes du Haut Conseil du Climat sur le plan énergie

Le 31 janvier 2025, le Haut Conseil pour le Climat a publié un rapport sur la PPE3, mettant en lumière de graves lacunes dans la planification énergétique française. Alors que la transition énergétique devient une priorité affichée, les moyens déployés semblent insuffisants pour garantir une indépendance énergétique stable et durable.
Une PPE3 qui manque cruellement d’anticipation pour le climat
La PPE3 affiche des ambitions fortes : sortir des énergies fossiles à l’horizon 2050, accélérer l’électrification des usages, et développer les énergies renouvelables à grande échelle. Mais derrière ces objectifs, le HCC pointe une multitude d’incohérences.
L’un des problèmes majeurs réside dans les prévisions de consommation énergétique. Le gouvernement estime que la PPE3 nécessitera 150 TWh de plus que les objectifs européens définis par le programme Fit for 55. Cette divergence est justifiée par une réindustrialisation du pays, mais aucun détail précis n’est donné sur la manière dont cette consommation supplémentaire sera compensée. Aucun scénario alternatif n’est prévu en cas d’aléas climatiques, industriels ou économiques.
Le Haut Conseil pour le Climat : une alerte nécessaire mais un impact limité ?
Le HCC, instance indépendante chargée d’évaluer la politique climatique de la France, n’en est pas à sa première critique du manque de cohérence de l’action gouvernementale. Mais au-delà de ses constats alarmistes, quel est son véritable impact sur la prise de décision ?
Dans son rapport, le HCC s’indigne notamment de l’absence d’un retour d’expérience de la PPE2, qui aurait dû servir de base pour identifier les erreurs passées et les corriger. Cette carence dans l’évaluation des politiques publiques n’est pas nouvelle. Le HCC soulève aussi la quasi-absence de transparence sur certaines hypothèses énergétiques.
Si le HCC alerte une fois de plus sur ces failles structurelles, reste à savoir si cette alerte sera réellement suivie d’effets. Jusqu’ici, de nombreux rapports d’experts ont mis en évidence des incohérences dans la stratégie énergétique nationale, mais les décisions politiques continuent de suivre un cycle de promesses et d’annonces, sans garantie d’exécution rigoureuse.
Une transition sans filet de sécurité et un financement incertain
Derrière ces questions techniques se cache le problème du financement. Une transition énergétique d’une telle ampleur exige des investissements massifs, notamment pour moderniser les infrastructures, renforcer les réseaux électriques et assurer la stabilité du système. La PPE3 reste très vague sur ces aspects essentiels.
Aucune stratégie claire n’est détaillée pour financer les projets d’énergies renouvelables et de stockage. Les mécanismes de soutien aux ménages, aux entreprises et aux collectivités locales sont flous, voire inexistants. Or, sans plan de financement solide, comment s’assurer que la transition énergétique ne sera pas synonyme d’inégalités croissantes entre territoires et catégories sociales ?
La consultation publique menée autour de la PPE3 est elle aussi critiquée. Plusieurs acteurs économiques et associatifs dénoncent une concertation insuffisante, où les décisions semblent déjà arrêtées avant même la conclusion des débats.
L’illusion d’un modèle maîtrisé : une transition déséquilibrée
Un des paris du gouvernement repose sur une électrification massive des usages, en misant sur un renforcement du nucléaire et des énergies renouvelables. Cette approche ne prend pas en compte la sobriété énergétique.
Le HCC souligne que sans une réduction réelle de la demande, la PPE3 ne pourra pas atteindre ses objectifs. La feuille de route actuelle ne fixe aucun cadre précis pour limiter la consommation d’énergie, ni d’incitations suffisantes pour orienter les comportements vers une plus grande efficacité énergétique.
Sans un équilibre entre production et sobriété, le risque est de dépendre toujours plus d’importations énergétiques coûteuses, et de fragiliser la compétitivité économique du pays.
Quant au Haut Conseil pour le Climat, s’il met en lumière des failles essentielles, il est difficile de mesurer son influence réelle sur les décisions politiques. Ses déclarations demeurent une alerte de plus dans un paysage où les avertissements s’accumulent sans garantir de correction de trajectoire.