Il était temps : la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA) fait enfin peau neuve ! Très accidentogène, l’ancienne RN79 a fait l’objet de travaux de rénovation en un temps record, sous la direction d’Eiffage, désormais concessionnaire de la nouvelle A79. Retour sur une métamorphose.
Cela fait depuis le début des années 1990 que les usagers attendaient ces travaux : la RN79 a enfin été rénovée. Réputé hier être la route la plus meurtrière de France, l’axe, désormais A79, répond maintenant aux plus hauts standards de sécurité routière.
C’est le groupe Eiffage qui a mené à bien ce projet de modernisation très attendu, dans le cadre d’une nouvelle concession autoroutière, contrat le plus adapté aux contraintes techniques, financières et d’exploitation d’un tel chantier, bouclé en moins de deux ans.
Un projet complexe, mais nécessaire pour la « route de la mort »
Construite dans les années 1970, la RCEA a rapidement pâti d’une triste réputation. Avec son taux d’accidents graves le plus élevé de France (pas moins de 124 accidents mortels entre 2008 et 2017), cette route qui traverse la France d’est en ouest souffrait en effet de deux défauts de conception majeurs : deux voies seulement sur une grande portion et une absence de terre-plein central. Son projet de rénovation, évoqué dès le début des années 1990, s'était heurté à de nombreuses difficultés, notamment l'absence de financement public.
En 2017, l'Etat décide finalement de rénover la portion de la RCEA passant dans l'Allier afin de la mettre aux derniers standards de sécurité routière. « C'est le chantier du siècle pour le département », affirmait à l'époque Claude Riboulet, président du conseil départemental de l'Allier. La transformation de cette route nationale en autoroute est confiée à un opérateur privé par le biais d’une concession autoroutière. L’expérience d’Eiffage en tant que SCA (société concessionnaire d’autoroute), ou encore sa prestation dans l’ambitieux partenariat public-privé de la LGV Bretagne – Pays de la Loire, contribuent à ce que le groupe soit finalement retenu, pour un montant de plus de 600 millions d'euros — coût que l’entreprise assume seule.
Le chantier, achevé par la mise en service de l’ensemble des tronçons le 4 novembre, aura finalement été compliqué et inédit : passage à 2 x 2 voies tout en maintenant la circulation, protection de la biodiversité, mise aux normes de sécurité… Un défi grandeur nature pour tous les intervenants.
L’innovation technique au service de l’environnement
L’une des premières difficultés sur laquelle ont planché les équipes d’Eiffage en amont des travaux, est la préservation de l’environnement local. « Le projet, sur 88 kilomètres, traverse de nombreux espaces dans une nature plutôt préservée dont des milieux bocagers, et un massif forestier, la forêt de Montbeugny », détaille Thibaut Meskel, responsable environnement chez Eiffage. « Il s’agit des premiers travaux autoroutiers de cette ampleur dans une réserve naturelle nationale. La dimension environnementale est donc l’un des enjeux phares du chantier ». L’entreprise française a mobilisé plusieurs dizaines d’experts pour préparer le chantier (hydrauliciens, écologues naturalistes…) et a fait appel à plusieurs associations spécialisées, dont la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Un suivi environnemental sera à l’avenir réalisé tous les ans en concertation avec les acteurs locaux.
La préservation de l’environnement bourbonnais a également été l’occasion de mettre en place une innovation sur les autoroutes françaises : le péage sans barrière, qui permet de réduire l’empreinte carbone du projet grâce à la suppression des portiques. « Lors de chaque arrêt à une barrière de péage, un poids lourd dépense un litre de gazole ordinaire, soit 3,1 kg de CO2 émis », explique Isabelle Lacharme, directrice opérationnelle chez Aliaé, l'entreprise concessionnaire de la nouvelle autoroute.
Eiffage a également misé sur des technologies dernier cri de digitalisation et de guidage 3D pour relever et analyser les données topographiques de la région. De nouveaux outils qui ont permis d’optimiser le projet. « On vise entre 10 à 15 % de productivité en plus sur ce chantier », affirme Alejandro Medina, chef de projet chez Eiffage Génie Civil et responsable topographique de l’A79.
En plus de ces défis environnementaux et technologiques, le groupe a également dû surmonter d'importants challenges techniques pendant les travaux.
Un défi interdisciplinaire
Les travaux de réaménagement et de transformation de la RN79 étaient loin d’être anecdotiques : élargissement des voies avec installation d’un terre-plein central pour renforcer la sécurité, construction de nombreux bâtiments et ouvrages d’art (viaducs, ponts, aires de repos) et de nouveaux échangeurs… Des dispositifs particuliers ont aussi été mis en place pour préserver la biodiversité locale, à l’image du « passage grande faune » dans la forêt de Montbeugny.
Pour la construction des 88 km de section, des 12 échangeurs et des 149 ouvrages d’art, plus de 1300 personnes, 400 machines et un million de tonnes d’enrobés auront ainsi été mobilisés au total en un laps de temps record — un peu moins de deux ans. Les chantiers ont également impliqué une grande quantité de métiers et de disciplines, comme pour la construction du tout nouveau viaduc de l’Allier, où le groupe a conjugué les compétences des filiales Eiffage Génie Civil, Eiffage Infrastructures, et Eiffage Métal pour la conception et la production des charpentes.
Enfin, toujours dans l’optique de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et pour limiter au maximum les nuisances, l’entreprise a également eu recours aux bandes transporteuses pour l'acheminement des déchets. « Nous avons transporté 2,2 millions de tonnes de matériau par bandes transporteuses », détaille Guillaume Sauvé, président d’Eiffage Génie Civil. « Cela économise 160 000 trajets de semi-remorques ! ». Une économie qui, argument supplémentaire, permet de réduire l’impact sur le trafic routier. Une nécessité pour ce chantier, sachant que la RN79 est une route très fréquentée — 10 000 à 15 000 véhicules l'empruntent chaque jour, dont 40 % de poids-lourds. « Nous avons mis en œuvre un phasage des travaux pour permettre le maintien de la circulation sur l’intégralité du tronçon aménagé », commente Frédéric Cuffel, directeur de projet chez Eiffage Infrastructures. « Cela nous a parfois obligés à attendre qu’une zone soit terminée avant de démarrer la suivante, ce qui exige une plus grande agilité de notre part ». Une agilité dont Eiffage aura globalement fait preuve pour réaliser ce chantier dans les temps.
Une aubaine pour la puissance publique
Le projet a été mené à bien en moins de deux ans, un délai serré mais rendu essentiel par la nécessité de rénover cette route après plusieurs décennies d’immobilisme. « Deux ans pour la conception et les travaux, je pensais initialement que ce n’était pas possible. Pour y parvenir, nous avons dû repenser certains procédés et les industrialiser à l’extrême », explique Frédéric Cuffel.
Si les travaux ont pu être réalisés en aussi peu de temps, c’est en partie parce que l’entreprise s’est occupée de tout en interne : conception, ingénierie, études, travaux… Une approche pluridisciplinaire qui est au cœur de la logique de concession retenue par la puissance publique, et qui concerne dorénavant la maintenance et l’exploitation de l’autoroute, pour plusieurs décennies.
Le recours à cette solution aura donc constitué une prise de risque bien faible pour l’État, maître d’ouvrage du projet, puisqu’Eiffage a intégralement financé le chantier. L'entreprise se rémunérera avec les recettes de péage, la concession de l'autoroute lui ayant été octroyée pour une durée de 48 ans. Une belle carte de visite pour le groupe français, qui lui permettra sans doute de faire bonne figure pour les prochains appels d'offres pour lesquels l'entreprise entend se positionner, comme dans l’immédiat ceux du Grand Paris Express.