Le ton monte entre les occidentaux et la Russie. En fin de semaine, il était question que les USA livrent des armes à l'Ukraine. En fait, des forces belliqueuses sont en marche depuis un certain temps. On s'apercevra, que le camp occidental, n'est pas exempt de responsabilités.
Les deux parties se disputent une large bande de territoire allant de nord au Sud, située à l'est de l'Ukraine. Bien que faisant partie intégrante de ce pays, la population est à majorité russophone. Ce qui crée un attachement particulier de la Russie à cette zone et à cette population, ce que l'on peut comprendre aisément.
Le rappel des faits
Il faut revenir sur les événements qui ont renversé le gouvernement légitime et légal d'Ukraine. Les tensions populaires, inspirées du mouvement Euromaïda, commencent en novembre 2013 lorsque le président Viktor Ianoukovytch décide de suspendre un accord d'association avec l'Union Européenne. Ces manifestations sont fortement présentes dans la capitale, Kiev, et dans l'ouest du pays. Le conflit s'enflamme le 18 février 2014 et dégénère en révolution, malgré la démission du 1er ministre Mykola Azarov quelque temps auparavant. Il atteint une intensité sans précédent, ce qui amène le parlement à voter la destitution du président à l'unanimité, le 22 février 2014. Des élections sont annoncées pour mai.
Le 1er ministre de l'époque, Mykola Azarov déclarait " ce qui se passe présente tous les signes d'un coup d'Etat. C'est une chose très sérieuse. Nous faisons preuve de patience, mais nous voulons que nos partenaires ne pensent pas que tout leur est permis" et d'ajouter lors d'une rencontre avec des ambassadeurs européens à Kiev, " les hommes politiques qui se sont joints à ces actions ont radicalisé la situation(...) qui est devenue incontrôlable". "Ces actions ont été préparées de l'extérieur. Nous voyons comment des groupes bien organisés sont impliqués." Propos rapportés par L'obs/monde du 02/12/2013.
Le lendemain, des manifestations pro-russes éclatent dans la plupart des grandes villes de l'Est. Le 1er mars 2014, des hommes armés prennent possession du parlement régional et des aéroports de Crimée. La Douma, le parlement Russe, autorise l'envoi de forces armées en Ukraine " jusqu'à normalisation de la situation dans le pays". Le 16 mars 2014, les électeurs de Crimée se prononcent à 96,77% en faveur d'un rattachement à la fédération de Russie. Référendum non reconnu par la communauté internationale. Des sanctions économiques pro-occidentales sont prononcées à l'encontre de la Russie.
Des manifestations "antimaïdans" se déroulent dans la région du Donbass, menant à la proclamation de la république populaire de Donetsk, le 7 avril. La république populaire de Lougansk est créée le 11 mai 2014 et les deux fusionnent le 23 mai dernier. A Odessa, le 2 mai, une manifestation fait une quarantaine de morts du côté séparatistes pro-russes. Depuis la, rébellion pro-russe ne cesse de progresser.
Les sources du conflit
Cet accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne porte sur les domaines économique et politique. Ce dernier volet a été signé le 21 mars 2014 et l'économique le 27 juin 2014. Il a été ratifié par le parlement européen et la Rada (parlement Ukrainien) le 12 septembre 2014. Celui-ci permet aux deux entités de se rapprocher fortement, sans toutefois inclure la perspective d'une adhésion à l'UE.
Le 23 décembre, la Rada adopte une Loi qui renonce à son statut de non-aligné pour se rapprocher de l'Otan. L'initiative "mènera à l'intégration dans l'espace européen et euroatlantique" a assuré le ministre des affaires étrangères Ukrainien, Pavlo Klimkine.
Un article écrit par Hans-Ulrich Jörges dans courrier international du 20 mars 2014, intitulé: Crimée, Les Russes bernés par l'Otan, rappelle que lors de la réunification de l'Allemagne, James Baker, secrétaire d'Etat américain, avait assuré à Mikhaïl Gorbatchev que l'Otan n'étendrait pas d'un pouce son influence vers l'Est si Moscou acceptait que l'Allemagne réunifiée entre dans l'Otan. Cette promesse a été plusieurs fois réitérée.
Mais, force est de constater que la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie ont intégré l'Otan en 1999. Et que la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, et les trois Etats Baltes en 2004 l'ont également rejoint.
Déjà, en 2008, lors du sommet de l'Otan à Bucarest, Vladimir Poutine mettait en garde l'organisation en ces termes: "L'apparition d'un puissant bloc militaire à nos frontières sera considérée en Russie comme une menace pour notre sécurité."
En conclusion
On peut comprendre que toute avancée de l'Union Européenne et de l'Otan en direction de l'Est, chasse gardée de l'ancien empire soviétique, irrite Moscou. On peut comprendre, également, que l'UE cherche naturellement à accroître son influence sur son continent, en direction de pays qui lui sont favorables.
En plus de ces influences extérieures évidentes, on retrouve ce même écartèlement à l'intérieur de l'Ukraine, ce qui rend l'unité de ce pays extrêmement vulnérable.
Comme sur d'autres fronts, notamment en Syrie, on retrouve le scénario d'une guerre civile fratricide: des influences extérieures déstabilisent l''unité nationale, symbolisée par le pouvoir en place, et attisent les rivalités entre communautés intérieures. Les populations civiles sont, alors, prises dans une spirale destructrice.
En conséquence, il semble grand temps de sortir de cette impasse par le haut. Pour cela, il faut que l'UE retrouve sa liberté d'action vis à vis des Etats Unis, en se rapprochant de la Russie, par des accords d'association tels que ceux qui ont été conclus avec l'Ukraine.
Pour apaiser les tensions et montrer une volonté de construction commune avec la Russie, il faut que l'EU gèle son rapprochement avec l'Ukraine. Elle y reviendra avec la Russie. Car ces deux parties ont des atouts complémentaires.
Il faut que l'UE cesse de voir la Russie comme une rivale, mais plutôt comme une amie égarée qu'il faut ré-apprivoiser. L'UE doit construire avec les pays du continent européen une zone d'amitié, car ils partagent ensemble une histoire commune, plus que séculaire, et une vision semblable de l'homme.
Enfin, pour répondre à notre question : non, les USA ne doivent absolument pas livrer d'armes à l'Ukraine. En revanche, oui, l'UE doit reprendre en main son destin pour assurer la paix et la prospérité sur son continent. C'est son rôle, elle est attendue avec impatience dans cette direction.
Qu'elle saisisse cette magnifique occasion de montrer son d'audace, sa confiance en elle et l'affirmation de sa singularité, avec détermination, mais sans arrogance!