Le 6 mai 2025, le débat sur les stablecoins a basculé au Sénat américain. Jusque-là, les démocrates semblaient s’aligner sur le GENIUS Act, une proposition réglementaire relativement consensuelle. Mais face à l’escalade d’un scandale mêlant cryptos, intérêts privés et pouvoir exécutif, ils ont changé de cap. Une nouvelle proposition de loi, dirigée contre Donald Trump et son empire numérique, s’impose désormais au sein de la classe politique américaine.
Le Sénat veut interdire aux présidents d’utiliser les cryptomonnaies à des fins personnelles

Quand les stablecoins deviennent une arme d’influence politique
Tout a commencé avec ce qui aurait pu être une étape fondatrice pour la régulation des stablecoins aux États-Unis : l’adoption du GENIUS Act par la commission bancaire du Sénat, en mars 2025. Fort d’un soutien bipartite, le texte paraissait destiné à encadrer l’émission de cryptomonnaies stables en garantissant la transparence et la sécurité des consommateurs. Mais en coulisses, une autre réalité se dessinait.
Le 1er mai 2025, plusieurs médias, dont Reuters, Bloomberg et ABC News, ont rapporté qu’un fonds d’investissement soutenu par les Émirats arabes unis, MGX, prévoyait d’utiliser un stablecoin émis par une société liée à la famille Trump (World Liberty Financial) pour financer une prise de participation de deux milliards de dollars dans la plateforme Binance. Moins d’une semaine plus tard, la réaction ne s’est pas fait attendre : les démocrates ont retiré leur appui au GENIUS Act pour présenter une riposte législative ciblée. Le End Crypto Corruption Act est né, conçu pour interdire aux présidents, hauts responsables fédéraux et membres de leur famille de détenir, émettre ou promouvoir des actifs numériques.
Cryptomonnaies et conflits d’intérêts : la présidence mise à prix ?
Les raisons invoquées sont limpides. « Actuellement, les personnes qui souhaitent cultiver une influence auprès du président peuvent l’enrichir personnellement en achetant des cryptomonnaies qu’il possède ou contrôle. C’est un système profondément corrompu. Il met en danger notre sécurité nationale et érode la confiance du public dans le gouvernement. Mettons fin à cette corruption immédiatement. », a déclaré le sénateur Jeff Merkley dans un communiqué publié sur son site officiel le 6 mai 2025. Le sénateur Schumer a été encore plus frontal : « Les tentatives de Donald Trump de fraude et de corruption sont bien connues et bien documentées. Et en ce moment, des individus peuvent gagner les faveurs de cette Maison-Blanche et faire de l’argent pour Trump en achetant ses actifs numériques. Notre démocratie ne doit pas être à vendre. »
Ces déclarations ne sont pas anodines. Elles visent directement les pratiques du président, accusé de monnayer son influence via les cryptos. En avril, Donald Trump a lancé un concours selon lequel les détenteurs de son meme coin $TRUMP pouvaient gagner un dîner privé avec lui et une visite guidée de la Maison-Blanche. Selon Chainalysis, ces opérations auraient généré 320 millions de dollars en frais de transaction. L’histoire ne dit pas combien d’invitations restent disponibles.
Un projet de loi sur les cryptomonnaies qui divise jusque dans les rangs républicains
Du côté républicain, la gêne est palpable. Aucun texte actuel n’interdit de telles pratiques. Le vide juridique permet aux proches du pouvoir d’en tirer des profits directs, sans contrepartie éthique. Certaines voix républicaines commencent néanmoins à bouger.
La sénatrice du Wyoming Cynthia Lummis, pourtant proche de Donald Trump, a reconnu l’impasse : « Même ce qui peut sembler embarrassant concernant les meme coins est légal, et ce que nous devons faire, c’est créer un cadre réglementaire clair, pour éviter ce scénario de Far West », a-t-elle confié à NBC News. Mais l’unanimité est loin. Le Parti républicain reste divisé entre ceux qui dénoncent les dérives et ceux qui s’alignent sur un président qui a fait des cryptos un levier politique… et personnel.
Une législation pour prévenir l’effet Trump ou le répliquer ?
Soutenu par des figures comme Elizabeth Warren, Bernie Sanders ou Cory Booker, le End Crypto Corruption Act a été présenté comme un rempart contre l’instauration d’un nouveau modèle de corruption numérique. Il prévoit également que tout actif numérique émis ou promu par un haut responsable soit soumis à une vérification par une autorité de régulation indépendante. Le texte ne concerne pas uniquement Donald Trump. Il vise à instaurer une barrière durable entre la puissance publique et les intérêts cryptographiques.
Ses pratiques ont révélé à quel point le manque de législation ouvrait la voie à un mélange toxique de pouvoir, de marketing et de monnaies numériques. Les conséquences ? Un brouillage des repères, où les citoyens peuvent confondre influence politique et spéculation. Et une Maison-Blanche qui, pour certains, commence à ressembler à une plateforme de launchpad crypto.