Le chiffre donne le tournis. 37 milliards d’euros. Ce n’est pas un lapsus présidentiel, mais bien le total des investissements étrangers annoncés ce 19 mai 2025 au sommet Choose France, à Versailles. Parmi eux, 17 milliards dédiés à l’intelligence artificielle. Le tout avec une promesse concrète : 13 000 emplois, directs ou indirects, à la clé.
Choose France 2025 : Macron joue la carte IA pour séduire le capital étranger

Château, costumes, champagne. Ce 19 mai, Versailles devient le théâtre d’un ballet bien rodé : celui des patrons et des milliards. Mais derrière les poignées de main, un message limpide : la France ne veut pas rater le train de l’IA. Et pour une fois, elle semble bien partie pour monter dans la locomotive.
Choose France : une opération séduction calibrée au millimètre
L’événement n’a plus besoin de se faire un nom. Depuis huit ans, le sommet Choose France joue les entremetteurs entre multinationales et territoires français. Et cette édition 2025 bat tous les records. D’après l’Élysée, 20 milliards d’euros de projets nouveaux ont été révélés, battant les 15 milliards de 2024. En parallèle, 17 milliards officialisent des engagements annoncés lors du sommet IA de février 2025, principalement dans le secteur de l’intelligence artificielle.
Et pour la sixième année consécutive, la France reste le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers, selon le baromètre EY, malgré une baisse de 14 % du nombre de projets enregistrés en 2024 (1 025 au total).
Plus de 200 dirigeants internationaux ont répondu à l’invitation présidentielle, parmi lesquels les représentants de Mars, Netflix, Amazon, GSK ou encore Revolut. La France veut devenir une terre d’IA, et elle s’en donne les moyens.
S’il y a un mot qui va beaucoup revenir dans les couloirs du château de Versailles, c’est "data center". Et pour cause : la majorité des investissements IA concernent des infrastructures géantes capables de gérer les flux de données colossaux exigés par les algorithmes modernes. Selon l’entourage du président, la France est perçue comme un “paradis énergétique” grâce à son mix nucléaire, un atout décisif face aux besoins énergétiques exponentiels des intelligences artificielles.
Le canadien Brookfield va injecter 10 milliards d’euros pour ériger un site à Cambrai, capable d’atteindre une puissance d’un gigawatt. Le géant américain Digital Realty annonce 2,3 milliards pour deux centres à Marseille et Dugny. Prologis, de son côté, prévoit 6,4 milliards d’euros dans quatre data centers et plusieurs entrepôts franciliens. Rien que ces projets cumulent potentiellement plus de 4 750 emplois.
Macron mise gros : IA, emploi et souveraineté numérique
L’intelligence artificielle n’est pas qu’un gadget technologique pour Emmanuel Macron. Elle devient une arme de souveraineté. Face aux offensives économiques américaines et à l’agenda protectionniste de Donald Trump, le chef de l’État veut relocaliser les cerveaux et les serveurs. « Certains acteurs font le choix d’investir en France pour se rapprocher des certifications locales », confie à Les Échos une source proche de l’Élysée.
Symbole de performance tricolore, le judoka Teddy Riner, invité d’honneur de la séance plénière, a profité de l’occasion pour glisser sur BFMTV le 19 mai 2025 qu’il n’excluait pas un avenir en politique.
Et pour enfoncer le clou, le sommet ne s’arrête pas à l’IA. Des fonds sont aussi fléchés vers l’économie circulaire (450 millions par l’américain Circ pour une usine de recyclage textile en Moselle), la mobilité décarbonée ou encore le cinéma (250 millions d’euros pour Netflix).
Ces 37 milliards impressionnent. Mais la vraie interrogation ne se pose pas sur les montants. Elle se niche dans les délais, les concrétisations, et la capacité à convertir ces annonces en dynamique réelle. Le millefeuille administratif français reste un caillou dans la chaussure. Le gouvernement a identifié une cinquantaine de sites pour accélérer les procédures d’implantation, mais l’enjeu du foncier et du raccordement électrique reste critique.
Dans le fond, ce huitième sommet Choose France ressemble à une vitrine. Magnifique, flamboyante, mais encore fragile. Et pour que cette vitrine ne devienne pas un trompe-l’œil, il faudra plus que des promesses. Il faudra du suivi, des simplifications concrètes, et une vigilance constante face aux désillusions potentielles.