CAC40, impôt, emploi… : le grand oral de Bernard Arnault devant les sénateurs

« Il est très mauvais pour l’État de se mêler de la gestion des entreprises privées. » Derrière la formule choc de Bernard Arnault, un rejet net de toute intervention politique dans la conduite des affaires. Le ton est donné.

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By Grégoire Hernandez Published on 22 mai 2025 10h11
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CAC40, impôt, emploi… : le grand oral de Bernard Arnault devant les sénateurs - © PolitiqueMatin

Il s’est présenté, seul, face aux sénateurs, avec un discours offensif. À l’heure où les aides publiques aux grandes entreprises sont passées au crible, Bernard Arnault a défendu sa stratégie et celle de son empire, LVMH, avec aplomb. Derrière cette audition, une autre bataille : celle de l’image.

Bernard Arnault : une audition attendue, une stratégie assumée

Bernard Arnault a été auditionné, le 21 mai 2025, devant la commission d’enquête du Sénat sur les attributions aux structures. Rarement un dirigeant du CAC40 s’était livré aussi frontalement. Pourtant, c’est bien à cette tribune que le patron de LVMH a décidé de s’expliquer. Ou plutôt, de contre-attaquer.
Il commence par réfuter les critiques publiées en une de L’Humanité, qualifiant de "faux" les propos selon lesquels le secteur du luxe sabrerait l’emploi. À ses détracteurs, il oppose les résultats : 40 000 employés en France, 3,5 milliards d’euros investis dans l’Hexagone en 2023, 1,5 milliard supplémentaires en 2024. Et surtout : « LVMH est toujours en tête des entreprises qui recrutent. »

C’est le point le plus sensible de cette audition : l’optimisation fiscale. Attaqué sur la présence de filiales dans des territoires comme le Panama ou le Luxembourg, Bernard Arnault dégaine la défense du pragmatisme économique. « Faut-il, pour ne pas faire de l’optimisation fiscale, fermer notre filiale au Panama ? » demande-t-il, visiblement agacé.
Mais il va plus loin : « Nous sommes d’ailleurs [le groupe] qui paye de loin le plus d’impôts en France. »
Cécile Cabanis, vice-directrice comptable, précise : près de 4 milliards d’euros de contribution fiscale en 2023, dont 2,5 milliards d’impôt sur les sociétés. Face aux 64,5 millions de crédits d’impôts, LVMH brandit une charge nette massive.

Médias, impôts, licenciements : le PDG règle ses comptes

Le message est clair : l’État devrait s’occuper de ses fonctions régaliennes, pas de la gestion des sociétés. « Il est très mauvais pour l’État de se mêler de la gestion des entreprises privées. En général, ça mène à la catastrophe. » Une attaque à peine voilée contre Emmanuel Macron, qui avait appelé à suspendre les investissements aux États-Unis après l’annonce de droits de douane par Donald Trump. Refus catégorique de Bernard Arnault : « Je ne pense pas qu’il soit très opportun de tenir compte des conseils de ce genre. »
En filigrane, une mise en garde : LVMH n’hésitera pas à intensifier ses initiatives transatlantiques si l’Europe ne négocie pas. « Le premier marché du monde pour nous, ce sont les États-Unis », affirme-t-il, avant de fustiger l’échec de l’accord commercial avec Washington.

Bernard Arnault ne s’est pas arrêté là. Il a aussi taclé les publications. À propos du journal Le Monde, il ironise : « Ce qu’il y a de mieux dans Le Monde, c’est les mots croisés. Je les fais d’ailleurs tous les soirs. » Sur les Paradise Papers et OpenLux, il dénonce des allégations biaisées et des insinuations « LFI » masquées.
Même les suppressions de fonctions n’ont pas échappé à son analyse. Il admet la difficulté du contexte, mais refuse toute injonction publique : « On a moralement la responsabilité de ne pas faire de licenciements, mais on ne peut pas être obligé de garder le même nombre d’emplois quand la conjoncture est difficile. » L’opposition entre monde entrepreneurial et logiques administratives, selon lui, ne fait plus débat.

En affirmant que LVMH est "probablement le groupe le plus patriote du CAC 40", il tente de redéfinir le cadre du débat public sur les relations entre grandes structures, fiscalité et aides de l’État.
Mais derrière la rhétorique, les faits demeurent. LVMH a perçu 275 millions d’euros de subventions en 2023. Et malgré un impôt conséquent, la stratégie du groupe s’inscrit dans une logique d’expansion mondiale, pas dans un repli hexagonal.

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