Après des mois d’attente et une publication plusieurs fois différée, le gouvernement français a enfin dévoilé, ce 22 mai, la nouvelle liste des métiers en tension. Cette mise à jour, attendue de pied ferme tant par les entreprises que par les associations de soutien aux travailleurs sans papiers, s’inscrit dans le sillage de la loi immigration promulguée le 26 janvier 2024. Derrière ce document administratif, une promesse, faciliter la régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière dans les secteurs où la main-d’œuvre fait défaut. Mais la réalité, comme souvent, s’avère plus nuancée.
Nouvelle liste des métiers en tension : une régularisation soumise à l’appréciation des préfets

Une réforme calibrée pour répondre aux besoins du marché de l’emploi
La révision de la liste des métiers dits « en tension » se veut une réponse aux pénuries criantes qui gangrènent certains secteurs de l’économie. L’hôtellerie-restauration, l’aide à domicile, la soudure ou encore les métiers du bâtiment figurent parmi les domaines recensés comme prioritaires. Désormais, une entreprise n’a plus l’obligation de publier une offre d’emploi pour embaucher un travailleur étranger dans l’un de ces métiers.
Ce changement découle directement d’un arrêté pris en application de la loi immigration du 26 janvier 2024. L’objectif : favoriser une immigration de travail « régulée, sélective et conforme à nos intérêts nationaux », selon les mots de la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, citée dans Les Echos du 22 mai 2025. Elle évoque une « approche équilibrée » qui articule les « exigences du marché du travail » avec « les réalités humaines » et les « priorités économiques du pays ».
Un levier de régularisation... entre espoir et incertitude
La mesure phare de cette réforme réside dans la possibilité, pour les travailleurs sans papiers exerçant dans ces secteurs, de demander une régularisation à titre personnel. Fini l’obligation d’obtenir l’accord de l’employeur : le salarié peut lui-même solliciter un titre de séjour, à condition de justifier de trois années de résidence en France et d’avoir exercé le métier concerné durant au moins douze mois sur les vingt-quatre derniers.
Mais la décision finale reste du ressort du préfet. Et sur ce point, les associations alertent : les marges de manœuvre préfectorales demeurent vastes, et rien ne garantit une application uniforme. D’autant que certains départements peinent à mettre en ligne des consignes claires. Le Monde, dans un article publié le 3 juin 2024, relevait déjà que la mise en œuvre de la loi était « laborieuse », laissant de nombreux travailleurs dans l’expectative.
Une liste contestée dans son périmètre
Si la publication de cette liste a été saluée comme une avancée par une partie du patronat, elle ne fait pas l’unanimité. Franck Trouet, délégué général du Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR), déclarait dans Les Echos : « Enfin ! Cela faisait des mois et même des années qu’on l’attendait. Je pense à tous ces employeurs et ces salariés sous alias qui attendaient cette liste pour déposer leur dossier de demande de régularisation. C’est un soulagement pour eux ». Même ton satisfait du côté de Brice Alzon, président de la Fédération des entreprises de services à la personne (FESP) : « Les aides à domicile et aides ménagères enfin reconnues comme métiers en tension. C’est une avancée majeure pour notre secteur. »
Mais cette euphorie n’est pas partagée par tous. L’Union des entreprises de proximité (U2P), qui représente artisans, commerçants et professions libérales, a fustigé une consultation « partielle » et un calendrier « tardif » qui a engendré « des situations humaines difficiles pour de nombreux salariés en fin de titre de séjour et plongé leurs employeurs dans l’insécurité juridique ». Certains métiers pourtant en pénurie criante ont été oubliés ou ne figurent que dans certaines régions : couvreurs, boulangers-pâtissiers, conducteurs routiers... Un patchwork qui interroge sur les critères retenus.