Les ZFE sauvées par un leasing social en trompe-l’œil

Une pincée d’électrique, un soupçon de social, et beaucoup de communication : en misant sur le leasing social, une mesure déjà éreintée par les faits, pour sauver les ZFE, le gouvernement rejoue une partie qu’il présente comme une victoire éclatante. Sauf que personne n’est dupe. Et surtout pas les Français concernés.

Adelaide Motte
By Adélaïde Motte Published on 23 mai 2025 14h54
leasing social, ZFE, maintient, gouvernement, amendement, automobile, France, UE, subventions européennes
Les ZFE sauvées par un leasing social en trompe-l’œil - © PolitiqueMatin

Le 21 mai 2025, un projet d’arrêté a été présenté au Conseil supérieur de l’énergie par le ministère de la Transition écologique. Ce texte propose d’intégrer le dispositif de leasing social au mécanisme des certificats d’économies d’énergie (CEE), tout en réservant une part des véhicules aux personnes travaillant dans une zone à faibles émissions (ZFE). Officiellement, la mesure vise à rendre ces zones plus acceptables. Mais en réalité, ce retour du leasing social pose des questions fondamentales sur la cohérence et la portée de la politique publique engagée.

Une relance budgétairement maîtrisée, socialement restreinte

Le projet prévoit l’attribution de 50 000 véhicules électriques en leasing à destination des ménages modestes, dont 5 000 spécifiquement pour les personnes travaillant dans une commune partiellement située en ZFE. Le programme sera entièrement financé via les CEE, pour un montant total de 369 millions d’euros, représentant une aide de 7 380 euros par véhicule, complétée par 4 000 euros de bonus écologique pour les bénéficiaires remplissant les conditions de ressources.

Ainsi, le soutien total peut atteindre 11 380 euros par dossier. Ce montant est inférieur aux 13 000 euros d’aide cumulée accordée lors de la première édition du dispositif en 2024, qui avait dû être interrompue au bout de six semaines en raison d’un trop grand nombre de demandes. La nouvelle version du leasing social conserve un objectif similaire : permettre aux ménages éligibles d’accéder à un véhicule électrique pour environ 100 euros par mois, un niveau de loyer jugé conforme à « l’ambition initiale du dispositif », selon le texte de présentation du projet.

Le leasing social au service d’une stratégie de légitimation des ZFE

L’inclusion d’un quota réservé aux salariés en ZFE n’est pas un détail. Elle intervient alors que plusieurs dispositifs liés aux ZFE sont en sursis. Dans le cadre de la loi de simplification, l’Assemblée nationale examine des amendements susceptibles d’affaiblir leur déploiement. Plusieurs collectivités locales ont d’ores et déjà suspendu, modifié ou reporté leur calendrier.

La justification gouvernementale est claire : il s’agit de rendre les ZFE plus acceptables, notamment pour les catégories sociales les plus exposées à l’interdiction des véhicules anciens. Le projet d’arrêté précise ainsi que l’attribution de ces véhicules en leasing social vise à éviter que les ZFE ne soient perçues comme un facteur d’exclusion sociale.

Des ZFE confrontées à un rejet croissant

Les ZFE, initialement prévues pour interdire progressivement la circulation des véhicules les plus polluants dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, sont aujourd’hui confrontées à de vives résistances locales et nationales. Plusieurs collectivités ont suspendu ou assoupli leur calendrier de mise en œuvre. En parallèle, des amendements visant à réduire leur portée ont été discutés dans le cadre du projet de loi de simplification.

Ce contexte de révision législative s’explique par une opposition grandissante. De nombreux ménages modestes sont confrontés à l’impossibilité de financer un véhicule compatible avec les restrictions des ZFE. Pour répondre à cette impasse, l’État entend désormais utiliser le leasing social comme levier d’acceptabilité. Le texte du projet d’arrêté présenté au Conseil supérieur de l’énergie affirme que l’objectif est de « rendre les ZFE plus acceptables » et de limiter les effets d’éviction sociale.

Cependant, la mesure ne concerne qu’un dixième des véhicules disponibles. En l’absence d’un accompagnement plus large, la relance des ZFE par ce canal risque de rester limitée à un effet de signal politique, sans résoudre la fracture d’accès à la mobilité propre.

Un dispositif symptomatique des fragilités économiques

La réalité économique n’échappe pas à la lecture des chiffres. Le fait que 50 000 ménages soient éligibles au dispositif — et qu’un quota de 5 000 véhicules soit spécifiquement réservé aux actifs en ZFE — souligne l’ampleur de la précarité énergétique et automobile en France.

Le mécanisme des CEE, qui assure le financement de l’opération, est indirectement répercuté sur l’ensemble des consommateurs par l’intermédiaire de leurs factures d’énergie. Le leasing social, censé être un soutien ciblé, révèle ainsi une contradiction structurelle : pour financer une aide à l’acquisition d’un véhicule électrique, l’ensemble des foyers français, quel que soit leur niveau de revenu, est mis à contribution.

Le retour du leasing social, annoncé pour septembre 2025, ne se limite pas à une opération de relance technique. Il constitue un volet essentiel de la stratégie gouvernementale pour maintenir à flot les ZFE, tout en contenant le mécontentement social qui entoure leur déploiement. Ce faisant, l’exécutif parie sur un mécanisme connu, partiellement éprouvé, mais dont les limites économiques et sociales restent entières.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

Suivez-nous sur Google News PolitiqueMatin - Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

No comment on «Les ZFE sauvées par un leasing social en trompe-l’œil»

Leave a comment

Comments are subject to moderation. Only relevant and detailed comments will be validated. - * Required fields