Frères musulmans : le rapport qui alerte sur une stratégie d’entrisme politique

Le rapport remis au gouvernement sur les Frères musulmans ne parle pas de religion, mais de stratégie politique. Derrière l’apparente discrétion du mouvement, une entreprise d’influence structurée, patiente, et profondément subversive.

Adelaide Motte
By Adélaïde Motte Published on 21 mai 2025 13h45
frères musulmans
Conseil de défense et de sécurité nationale du 30 octobre 2020 © Présidence de la République

Commandé par le gouvernement, le rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France » a été remis et examiné le 21 mai 2025 lors d’un Conseil de défense convoqué à l’Élysée. Rédigé par deux hauts fonctionnaires, il ne traite ni de terrorisme ni de violence islamiste. Son objet : la montée silencieuse d’un projet idéologique islamiste à visée politique, structuré à l’échelle locale, porté par des réseaux ancrés dans les institutions.

L’analyse est froide, rigoureuse, et politiquement lourde de conséquences. Elle ne cible pas un groupe marginal, mais une logique d’influence organisée qui s’étend dans les structures administratives, associatives, municipales. Le cœur du rapport est là : l’infiltration.

Un projet politique structuré sur le long terme

Le rapport décrit un fonctionnement hiérarchisé en « cercles concentriques » où le centre est formé d’un « cercle restreint de militants assermentés ». Ce noyau n'agit pas seul. Il inspire et anime une mouvance plus large : des acteurs en contact avec le mouvement, qui adoptent ses pratiques, ses références, et ses objectifs – sans nécessairement l'afficher.

Le texte établit une distinction fondamentale entre l’islamisme de rupture (salafiste) et l’islamisme d’influence : ici, il s’agit de peser sur le droit, de s’adapter aux normes pour les modifier. L’objectif ? Altérer les règles du jeu – locales ou nationales – sans jamais déclarer ses intentions. C’est, selon les auteurs, « une entreprise d’influence, d’adaptation et d’intégration stratégique ».

Municipalités, associations, relais : les cibles de l’entrisme des Frères musulmans

En Europe, et en particulier en France, les Frères musulmans « capitalisent […] sur une dynamique désormais ancienne » des institutions communautaires. Le terrain privilégié est celui des mairies, des conseils municipaux, des commissions associatives, des écoles hors contrat. Ainsi, ce ne sont pas les franges radicales qui inquiètent, mais les stratégies d’occupation de l’espace administratif local.

Le rapport évoque une « présence renforcée par une nouvelle génération de prédicateurs », formés à la communication politique, au lobbying institutionnel, à la création d’alliances circonstancielles. Ces acteurs disposent de relais, de soutiens, parfois même d’élus relais. Les élus locaux sont souvent les premiers confrontés à ces stratégies de contournement.

Subversion douce et normalisation des contre-discours

Le danger est qualifié de « non violent », mais pas de mineur. Ce que les auteurs nomment « logique de subversion douce, progressive, dissimulée » constitue une alerte politique claire. Il ne s’agit pas d’un projet insurrectionnel, mais d’un basculement lent du cadre idéologique.

L’objectif du frérisme, tel qu’il est analysé, est de remodeler le périmètre normatif républicain : notamment sur la laïcité, l’égalité femmes-hommes, ou encore les formes de représentation communautaire. Paradoxalement, le succès du mouvement tient à sa capacité à épouser les règles qu’il cherche à infléchir.

Pas de rupture affichée, mais une mise en cause systémique

L'entrisme des Frères musulmans, leur stratégie pour imposer les manières de vivre islamiques dans la société française, est d'autant plus complexe à contrer que le projet politique se construit sans rupture ni violence, dans un entre-deux légalement tolérable mais politiquement corrosif.

Le texte note que la mouvance frériste « poursuit une logique d’occupation de l’espace social », sans nécessairement déclarer ses intentions. Et dans l’absence de revendications explicites réside toute sa dangerosité : elle rend difficile la réponse institutionnelle.

Un appel à une stratégie politique globale

La conclusion du rapport est un appel à la lucidité stratégique. Elle recommande aux pouvoirs publics de « mieux appréhender la menace, documenter ses structures, connaître les aspirations de la population musulmane et lui adresser des messages forts ».

Au-delà de la surveillance, il s’agit de formuler une doctrine politique claire, cohérente et proactive. « Une reprise de conscience des effets de l’islamisme en France » est jugée indispensable. Il faut enfin, ajoutent les auteurs, « un discours laïque renouvelé » : audible, ferme, mais non stigmatisant. L’enjeu est de couper court à la dynamique frériste non par la force, mais par la réaffirmation des principes fondamentaux de la République.

Le rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France » décrit un projet politique structuré, patient, incrémental. C’est l’histoire d’un mouvement qui n’affronte pas ouvertement la République, mais cherche à la recoder de l’intérieur. Un défi purement politique, qui appelle une réponse du même ordre.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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