La vérité sur la sous-exploitation du parc nucléaire français : Entretien avec Anne Lauvergeon
Des factures d'électricité en hausse malgré un potentiel de production sous-exploité
Sous-utilisation du parc nucléaire existant
Dans une interview accordée au journaliste Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio, Anne Lauvergeon, ancienne présidente d'Areva, révèle ce qu'elle appelle le "secret si bien gardé" d'EDF. Selon elle, "C’est qu’avec ce qu’on a déjà investi depuis 30 ou 40 ans, on pourrait produire plus d’électricité, et donc payer moins cher". Malgré cela, les factures de l'électricité ont connu une hausse de "120% en dix ans", un taux bien supérieur à l'inflation.
Elle appelle à une meilleure utilisation du parc nucléaire existant. "Nos 57 réacteurs ont été construits pour produire beaucoup plus que ce qu’on leur fait produire aujourd’hui", révèle Lauvergeon. Selon elle, une amélioration de l'utilisation du potentiel de la production nucléaire permettrait de "réduire les prix pour les Français", "d’exporter plus", et de mener une "transition énergétique intelligente".
Les failles de l'indicateur du facteur de charge
Anne Lauvergeon soulève également le problème du facteur de charge, un indicateur précis qui permet de mesurer l’efficacité réelle des centrales nucléaires dans le monde. "Les meilleurs taux dépassent 90%, certains atteignent même 95%", explique-t-elle. En France, ce taux s'élève seulement à "67%, ce qui nous place parmi les derniers au classement mondial". Elle dénonce le manque de transparence d'EDF sur ce chiffre.
Les explications à la non maximisation de la production nucléaire
Facteurs politiques et culturels
Quels sont alors les obstacles à une exploitation optimale du parc nucléaire français ? Anne Lauvergeon en énumère trois. D'abord, une orientation politique : "L’État a mis EDF sous la tutelle de ministres de l’Environnement qui, souvent, étaient anti-nucléaires", affirme-t-elle. Ensuite, elle pointe une résistance culturelle interne à EDF, qui aurait refusé l'adaptation de "méthodes plus efficaces, simplement parce qu’elles n’avaient pas été inventées chez eux".
Une logique financière
Enfin, une logique financière pourrait être en cause : "EDF a réalisé 12,4 milliards d’euros de bénéfice net en 2024", dit Anne Lauvergeon. Pour elle, cela signifie que dans l'optique de maximiser ses profits, "EDF fait tourner ses réacteurs moins longtemps qu'ailleurs dans le monde, au détriment du consommateur, qui paie sa facture plus cher".
La parole de Lauvergeon dans cet entretien, riche en révélations, soulève des questions cruciales sur le débat de politique énergétique en France et propose une autre vision de la gestion de notre capacité de production nucléaire.
L'entretien complet est à réécouter sur Sud Radio