A69 : l’abandon du projet, un fiasco d’Etat

Le chantier de l’A69, cette autoroute censée relier Castres à Toulouse, a été stoppé net à trois quarts de sa réalisation, une décision judiciaire qui prend de court le gouvernement et des militants écologistes en liesse.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 28 février 2025 à 14h45
A69
A69 : l’abandon du projet, un fiasco d’Etat - © PolitiqueMatin

Le 27 février 2025, le tribunal administratif de Toulouse a tranché : l’arrêté préfectoral autorisant les travaux de l’A69 est annulé. Cette décision, saluée par les militants écologistes, met un terme brutal à un projet pourtant voulu par les habitants de la région.

Une décision judiciaire sans précédent

La justice administrative a estimé que le projet ne répondait pas aux critères de « nécessité impérieuse d’intérêt public » requis pour justifier la destruction d’habitats naturels protégés. Le tribunal a souligné que les bénéfices attendus de l’A69 ne compensaient pas les atteintes à l’environnement, un argument soufflé par les associations écologistes.

Pour les opposants, c’est une victoire qui dépasse largement le cadre de ce chantier. « On travaille régulièrement avec les militants de l’A69, on a donc rapidement eu vent de la victoire. Il y a eu beaucoup d’euphorie et de joie, c’est pour nous le message d’une confiance retrouvée envers la justice », s’est réjouie Céline Scornavacca, porte-parole du collectif AutreCom. Cette décision pourrait faire jurisprudence et peser sur d’autres projets autoroutiers contestés en France.

Du côté du gouvernement, la réaction ne s’est pas fait attendre. L’État a immédiatement annoncé qu’il ferait appel, défendant un projet présenté comme « essentiel pour le désenclavement du sud du Tarn ». Jean Terlier, député du département, a dénoncé sur les réseaux sociaux une décision « idéologique », affirmant que « nous irons jusqu’au bout pour que cette autoroute, essentielle pour notre territoire, soit terminée ».

Un chantier avancé mais désormais figé

L’abandon du projet laisse derrière lui un paysage marqué par des travaux désormais inutiles. Les arbres avaient été rasés, les terres expropriées, et il ne restait quasiment plus que le revêtement de béton à poser. Aujourd’hui, la route qui devait relier Castres à Toulouse n’est qu’une large bande de terre béante, un no man’s land sans utilité, ni pour les automobilistes, ni pour l’environnement.

Ce chantier, qui devait être un symbole du développement régional, est désormais une cicatrice à ciel ouvert. « On nous parlait d’un axe stratégique pour le développement régional, et nous voilà avec une cicatrice béante dans le paysage », déplore un élu local.

Un gouffre financier pour l’État

Au-delà de l’impact visuel et écologique, l’État va devoir régler une facture qui s’annonce salée. Le contrat signé avec les concessionnaires prévoyait en effet des compensations financières en cas d’interruption du projet. Avec l’arrêt brutal du chantier, l’indemnisation des entreprises privées pourrait atteindre plusieurs centaines de millions d’euros, une somme qui s’ajoute aux 300 millions déjà investis dans les travaux.

Les contribuables français devront donc assumer un projet avorté, sans contrepartie tangible. Pour certains élus locaux et acteurs économiques, cette décision illustre une absurdité administrative et judiciaire qui met en péril d’autres projets d’infrastructure en France. « Encore un jugement qui va faire qu’une grande partie des Français vont avoir de la rancœur contre une justice incompréhensible. Chantier fini à plus de 70 %, mille personnes sans emploi… Une décision totalement illogique », s’est indigné un internaute dans les commentaires de Midi Libre.

Un affrontement idéologique qui dépasse l’A69

L’abandon de cette autoroute cristallise un clivage de plus en plus marqué entre partisans du développement économique et défenseurs de l’environnement. Les écologistes, qui voient dans cette victoire un tournant majeur, espèrent désormais faire tomber d’autres projets routiers jugés destructeurs. À Montpellier, des militants opposés au contournement Ouest de la ville se disent galvanisés par cette décision. « On sent que Vinci cherche à accélérer le processus, notamment pour convaincre les riverains qui ont jusque-là refusé l’expropriation de céder leurs terres », explique encore Céline Scornavacca, convaincue que cette jurisprudence peut freiner d’autres grands chantiers.

Mais cette bataille ne fait que commencer. L’État, en lançant une procédure d’appel, espère bien renverser la décision. Même si cela venait à être le cas, la relance du projet prendrait des années, le temps d’obtenir une nouvelle autorisation environnementale. Pour l’heure, l’A69 reste une route inachevée, un chantier à l’abandon, et un symbole du bras de fer entre justice, écologie et politique.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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