Macron et Tebboune actent un nouveau départ entre Paris et Alger

Après des mois de brouille, un simple appel téléphonique pourrait-il suffire à recoller les morceaux ? Paris et Alger affichent un rapprochement inattendu. Mais derrière les formules diplomatiques, que faut-il vraiment comprendre ?

Paris-Alger : retour à la table des discussions

Ce lundi 31 mars 2025, la France et l’Algérie ont officiellement relancé leur entente bilatérale. Les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont eu un "long échange franc et amical" sur "l’état de la relation bilatérale et sur les tensions qui se sont accumulées ces derniers mois", selon le communiqué commun relayé par plusieurs médias.
Derrière cette relance verbale, deux leviers : sécurité et migration. "Ils se sont accordés sur le fait qu’une coopération migratoire confiante, fluide et efficace […] devait être immédiatement réinitiée", poursuit le document. Même tonalité côté sécuritaire : "la reprise sans délai de la coopération" est décidée. En langage diplomatique, c’est un redémarrage. Mais sur le terrain, les blocages sont loin d’avoir disparu.

L'appel ne gomme pas une année de crispations. Juillet 2024 : Emmanuel Macron affiche son soutien au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, un affront pour Alger, soutien historique du Polisario. À l’automne, c’est l’affaire Boualem Sansal qui ravive la discorde : l’écrivain franco-algérien est arrêté à l’aéroport d’Alger et condamné (il y a quelques jours) à cinq ans de prison pour des propos jugés attentatoires à l’intégrité du territoire. Macron "a réitéré sa confiance dans la clairvoyance du président Tebboune et appelé à un geste de clémence et d’humanité" envers l’écrivain, selon le même communiqué.
En parallèle, la tension est montée autour de la rétention d’Algériens sous OQTF (obligation de quitter le territoire français). Le refus d’Alger de coopérer sur les expulsions a provoqué une passe d’armes publique entre les deux capitales. Le point de rupture ? L’attentat de Mulhouse, le 22 février 2025, commis par un ressortissant algérien visé par plusieurs demandes de réadmission refusées.

Coopération migratoire : le pari du pragmatisme

La relance de la coopération migratoire marque un tournant. L’enjeu est double : d’un côté, Paris veut fluidifier les expulsions des sans-papiers algériens. De l’autre, Alger cherche à préserver ses intérêts et éviter toute stigmatisation de sa diaspora. La phrase-clé du communiqué : "dans une logique de résultats répondant aux préoccupations des deux pays".
L’objectif affiché est clair. Mais les précédents laissent sceptiques. En 2021 déjà, le gouvernement français avait réduit drastiquement le nombre de visas pour mettre la pression sur Alger. Sans effet durable. Reste à voir si cette fois, la coopération annoncée s’inscrira dans un véritable cadre opérationnel.

Ce que les deux présidents affichent aujourd’hui, c’est une volonté de réinstaller un "dialogue d’égal à égal". "Les deux chefs d’État ont réitéré leur volonté de renouer le dialogue fructueux qu’ils avaient consacré avec la Déclaration d’Alger d’août 2022", précise le communiqué.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, se rendra le 6 avril 2025 à Alger pour poser les premières balises concrètes de ce nouveau départ. Une "rencontre prochaine" entre Macron et Tebboune est aussi évoquée, mais sans date.