La Commission européenne a ouvert une procédure formelle contre la plateforme chinoise Shein, à la suite d’une enquête coordonnée avec plusieurs autorités nationales. L’entreprise est invitée à apporter des réponses sous un mois.
Bruxelles vise Shein : la fin de l’impunité pour la mode à bas prix ?

Le 26 mai 2025, la Commission européenne, en lien avec le Réseau de coopération pour la protection des consommateurs (CPC), a notifié à la plateforme de vente en ligne Shein une série de manquements présumés à la réglementation européenne en matière de protection des consommateurs. Cette décision marque une étape importante dans la politique de régulation numérique de l’Union, face à des acteurs économiques extra-européens dont les pratiques sont perçues comme problématiques sur plusieurs volets.
Un encadrement accru des plateformes étrangères
Depuis plusieurs années, l’Union européenne renforce les instruments juridiques encadrant les activités des grandes plateformes numériques. Le cas de Shein s’inscrit dans cette stratégie de supervision accrue. La notification adressée par Bruxelles mentionne des pratiques jugées non conformes : affichage de réductions commerciales sans référence à des prix réellement pratiqués, délais d’achat artificiels, informations insuffisantes sur les produits ou le droit de rétractation, ainsi qu’un accès restreint au service client.
Par ailleurs, des éléments liés à l’étiquetage environnemental et à la présentation des avis clients sont également évoqués. La Commission européenne a souligné que ces éléments pourraient induire les consommateurs en erreur, ce qui contrevient à la directive sur les pratiques commerciales déloyales.
Un délai d’un mois et des sanctions possibles
La procédure enclenchée par la Commission européenne accorde à Shein un délai d’un mois pour présenter une réponse détaillée et proposer des engagements correctifs. À défaut, les autorités compétentes des États membres seront habilitées à adopter des mesures coercitives, notamment des amendes administratives. Le montant de ces sanctions pourrait être proportionné au chiffre d’affaires de Shein réalisé dans chaque pays concerné.
Cette démarche s’appuie sur les compétences des États membres en matière de contrôle du respect des règles de consommation, et sur un cadre de coordination européenne visant à garantir une action harmonisée.
Une réponse attendue dans un contexte déjà sensible
L’annonce de cette procédure intervient dans un contexte où Shein est déjà surveillée au niveau européen. Depuis février 2025, la plateforme, ainsi que son concurrent Temu, fait l’objet d’une autre enquête dans le cadre du règlement sur les services numériques (Digital Services Act). Cette seconde procédure porte notamment sur les interfaces de navigation et l’usage de techniques de persuasion commerciale.
La Commission a par ailleurs présenté, le 20 mai, un projet de taxe de deux euros sur les colis importés, qui viserait notamment les livraisons directes en provenance de pays tiers. Cette mesure, encore en discussion, est perçue comme une tentative de rééquilibrage en faveur des acteurs installés sur le territoire européen.
Position de Shein et implications politiques
Dans un communiqué transmis aux médias, Shein affirme sa volonté de coopérer avec les autorités. Le groupe indique travailler « de manière constructive avec les autorités nationales et la Commission européenne », et se dit engagé dans le respect de la réglementation communautaire.
Au-delà du cas spécifique de Shein, cette affaire met en lumière les enjeux liés à la régulation du commerce numérique transfrontalier. La Commission européenne, en prenant position sur ce dossier, souhaite à la fois protéger les consommateurs et garantir une concurrence équitable entre entreprises opérant sur le marché intérieur.
Ce dossier pourrait également avoir un impact diplomatique, dans la mesure où il concerne une entreprise ayant des liens étroits avec l’économie chinoise. L’équilibre entre exigences commerciales, souveraineté numérique et respect des droits des consommateurs apparaît ici comme une ligne de tension stratégique pour les institutions européennes.
Vers une doctrine plus ferme de l’Union européenne
Cette procédure pourrait constituer un précédent dans l’application concrète des instruments européens de régulation. Elle traduit un changement de ton dans les relations entre Bruxelles et les grandes plateformes internationales, notamment lorsqu’elles ne disposent pas d’un siège opérationnel au sein de l’Union européenne.
La capacité de l’UE à faire respecter son droit sur son territoire, même face à des opérateurs d’envergure mondiale, devient un enjeu politique central. Ce type d’action, s’il se généralise, pourrait redéfinir les conditions d’accès au marché européen pour de nombreux acteurs du commerce en ligne.