Côte d’Ivoire : le pays vent debout contre la culture du viol

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Par Rédacteur Publié le 5 septembre 2021 à 8h56
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« La Télé d’ici vacances est une émission de divertissement qui se veut fun, avec un traitement de sujets sur un ton léger et humoristique ». Un noble objectif, pas tout à fait atteint lundi dernier lorsqu'un animateur a reconstitué sur le plateau, en direct et en prime time, avec l'aide d'un ancien violeur récidiviste, une agression sexuelle.

Vague d'indignation en Côte d'Ivoire

C'était le dérapage de trop. Dans une émission de divertissement, diffusée sur la Nouvelle Chaîne Ivoirienne (NCI) lundi 30 août dernier, le très populaire animateur de télévision camerounais Yves de Mbella - présentateur de Miss Côte d’Ivoire depuis 1997 et qui n'en est pas à sa première polémique - demande à Traoré Kader, un violeur repenti, de simuler une agression sexuelle sur une poupée gonflable. Dans le but, selon lui, de sensibiliser les téléspectateurs à la question du viol et d'aider les femmes à s'en protéger.

Une reconstitution qui aurait pu être intéressante, si elle n'avait pas montré également en détail comment attaquer et immobiliser une femme au sol. Et surtout, si elle n'avait pas été abordée sur un registre comique : les plaisanteries proférées sur le plateau, qui ne font rire que l'animateur («ça peut l'exciter», «tu la choisis comment... mince, costaude) et les conseils prodigués aux femmes par l'ex-criminel (ne pas être saoul, ne pas se promener dans la nuit) ont achevé de scandaliser les téléspectateurs.

Un sketch choquant et confondant de mauvais goût donc, qui a entrainé de très nombreux signalements et qui a suscité une controverse sans précédent dans le pays. « J’ai été choquée et peinée en tant que survivante de viol », a déploré Désirée Deneo, secrétaire générale de la Ligue ivoirienne des droits des femmes et qui a lancé une pétition pour demander la suppression de l'émission, pétition ayant déjà récolté 50 000 signatures. « Les violences faites aux femmes sont habituellement banalisées. Mais pas autant et pas à la télévision ».

"Ce buzz démontre que les choses évoluent"

Pour Ketella Soroko, présidente de l’association Le réseau, cette polémique montre surtout que les Ivoiriens condamnent fermement et dans leur ensemble la culture et la banalisation du viol. « Ce genre de buzz (...) démontre que les choses évoluent. J’aimerais saluer la réaction de tous les Ivoiriens qui ont été indignés ». Mercredi 1er septembre, la sentence est tombée pour Yves de Mbella : une condamnation à un an de prison avec sursis et une amende de deux millions de FCFA. Ainsi que deux ans fermes et 500 000 FCFA pour Traoré Kader. Preuve en est qu'une tolérance zéro s'installe progressivement dans le pays à l'égard des violences sexuelles.

Depuis plusieurs années déjà, la société ivoirienne aborde de plus en plus ouvertement le sujet des violences faites aux femmes et met en place de nombreux dispositifs d'aide, notamment économiques. Dans une société encore traditionnelle qui peine parfois à nommer les choses (comme par exemple l’expression « chat noir » pour désigner un violeur), la Première dame du pays, Dominique Nouvian Ouattara, épouse du président Alassane Ouattara, fait figure de modèle et de militante: dès 2012, elle lance un Fonds d'appui aux femmes de Côte d'Ivoire (FAFCI) dont le capital est de 12 milliards de FCFA, destiné à renforcer leur indépendance à l'égard des hommes. Aujourd'hui, plus de 200 000 femmes ivoiriennes ont accès à ce fonds.

Évolution du droit des femmes en Côte d'Ivoire

Du côté législatif, la loi sur le mariage de 2012 offre une égalité de droits aux hommes et aux femmes au sujet du choix du lieu de résidence de la famille et de l'inclusion des enfants dans la déclaration fiscale. En 2019, la loi évolue et l'article 82 dispose que « les biens communs, autres que les gains et revenus des époux, sont administrés par l'un ou l'autre des époux ». Une évolution qui est loin d'être anodine, puisque jusque-là, seul l'époux bénéficiait de ce droit en Côte d'Ivoire.

La nouvelle constitution ivoirienne, adoptée en novembre 2016, consacre, de fait, la lutte contre les violences faites aux femmes, l'égalité homme femme, et notamment le principe de parité à travers ses articles 35, 36 et 37. Un socle réglementaire solide pour continuer à décliner dans la vie de tous les jours un programme ambitieux, et nécessaire.

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