Quand Washington éternue, c’est le commerce mondial qui grelotte. Et quand Donald Trump reprend la main, ce ne sont pas les chiffres qui tremblent, mais les fondations mêmes des échanges globaux.
Droits de douane : Donald Trump relance la guerre, l’Europe prépare la riposte

Le retour offensif de Donald Trump secoue les équilibres commerciaux
L’éclair a frappé le 2 avril 2025. Depuis les jardins parfaitement taillés de la Maison-Blanche, Donald Trump a signé un décret instaurant une vague de droits de douane d’une ampleur inédite. L’homme n’est pas connu pour ses subtilités : « Dans quelques minutes, je signerai un décret historique instituant des droits de douane réciproques sur les (importations des) pays du monde entier. Réciproque signifie : ce qu’ils nous font, nous leur faisons », a-t-il martelé
Donald Trump a ensuite proclamé : « C’est très simple, ça ne pourrait pas être plus simple ». La simplicité, toutefois, est dans l’annonce, pas dans les conséquences.
Donald Trump veut des milliards : des droits de douane multipliés par pays
Le détail donne le vertige. À compter des 5 et 9 avril, tous les produits étrangers seront visés par un plancher tarifaire de 10 %. Mais la clé est ailleurs. Les produits européens ? 20 %. Les marchandises chinoises ? 34 %, avec en prime la suppression de l’exonération pour les colis de moins de 800 dollars. Les véhicules automobiles importés ? 25 %, sans distinction de provenance. Les taxes iront jusqu’à 46 % pour le Vietnam, 32 % pour Taïwan, 31 % pour la Suisse, et 24 % pour le Japon.
Ces chiffres ne sont pas jetés au hasard. Donald Trump l’a affirmé sans ciller : « Nous allons fabriquer des puces, des médicaments ici, aux États-Unis, et l’industrie pharmaceutique va revenir ». Il promet la renaissance industrielle et annonce des bénéfices gigantesques : « 6 000 milliards de dollars grâce aux droits de douane », selon les calculs de son conseiller Peter Navarro, soit environ 600 milliards de dollars par an.
Une guerre tarifaire au nom du peuple : la stratégie de Donald Trump
Le slogan n’a pas changé : Make America Great Again. Mais voici le nouveau credo : rendre l’Amérique riche à nouveau. Pour justifier sa croisade commerciale, Donald Trump accuse : « On se fait avoir depuis 50 ans (...) Les secteurs de l’automobile et de l’acier ont beaucoup souffert ».
Il pointe en ces mots l’Europe, la Chine, le Japon et le Canada. Ces pays imposeraient selon lui des barrières injustes, comme les « 25 à 30 % de taxes sur les produits laitiers américains » ou l’interdiction européenne du fameux « poulet au chlore ». Quant aux semi-conducteurs, « la Chine produit toujours plus de puces, alors que c’était un secteur que l’on dominait complètement auparavant », déplore-t-il.
Les réactions internationales : entre sidération et riposte
L’Europe n’a pas tardé à hausser le ton. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a réagi : « Les Européens sont prêts à répondre, mais il n’est pas trop tard pour négocier ». La France, par la voix de Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, annonce déjà deux contre-attaques : une première mi-avril sur l’acier et l’aluminium, et une seconde, plus globale, avant la fin du mois.
D’autres voix politiques dénoncent un affront. François Bayrou parle d’une « catastrophe », et Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien, qualifie la décision de « mauvaise mesure ». Le Royaume-Uni se veut plus pragmatique : « Nous disposons d’un éventail d’outils et nous n’hésiterons pas à agir », déclare Jonathan Reynolds, secrétaire britannique au Commerce.
Même l’Australie, pourtant alliée historique, condamne : « Ces droits de douane ne sont pas inattendus, mais soyons clairs : ils sont totalement injustifiés », prévient le Premier ministre Anthony Albanese. Au lendemain de l’annonce, les bourses européennes ouvraient en net repli. Le dollar, de son côté, s’est affaissé de plus de 1 % face à l’euro et à la livre sterling, avant de légèrement se redresser. Et ce n’est peut-être que le début.
Les analystes divisés, mais inquiets
Certains économistes alertent sur l’impact des nouveaux droits de douane à court terme. François Lenglet, éditorialiste sur RTL, avertit : « Une telle politique entraînera forcément un impact négatif sur la croissance ». Il ajoute que deux scénarios sont probables : soit Donald Trump revient sur sa décision, soit le monde se réorganise autour de pôles commerciaux rivaux.
Une chose est sûre : les chaînes de valeur mondiales, déjà fragilisées par la pandémie, pourraient connaître une nouvelle secousse. Et derrière le paravent de la rhétorique patriotique, c’est une stratégie électorale brutale qui se déploie.
Plus qu’un décret présidentiel, c’est une offensive idéologique que Donald Trump a lancée. Protectionnisme assumé, chantage fiscal et relocalisation forcée : les dogmes du multilatéralisme vacillent. L’Europe, la Chine, l’Australie ou encore le Royaume-Uni sont prévenus : la prochaine manche ne se jouera pas à l’Organisation mondiale du commerce, mais dans les urnes américaines — et dans les bureaux de douane.