Guerre en Ukraine : 10000 soldats américains pourraient quitter l’Europe

Une réflexion est en cours au sein du ministère américain de la Défense sur un éventuel redéploiement partiel des troupes stationnées en Europe de l’Est. L’éventualité d’un retrait de 10.000 soldats américains suscite des réactions variées, dans un contexte de réorientation stratégique de la politique de défense des États-Unis.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 10 avril 2025 13h43
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Le 8 avril 2025, plusieurs médias américains ont rapporté que des responsables du Pentagone envisageaient le retrait de 10.000 militaires américains déployés en Europe de l’Est. Cette réflexion, encore à l’état de projet, s’inscrit dans un contexte de réévaluation globale de la stratégie de défense américaine, notamment depuis le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis en janvier. L'information n’a pas été officialisée, mais elle a déjà provoqué des interrogations de la part des alliés européens, en particulier dans les pays situés aux frontières de l’Ukraine.

Une présence renforcée depuis 2022

L’envoi de renforts militaires américains en Europe de l’Est remonte à février 2022, en réponse à l’invasion de l’Ukraine par les forces russes. L’administration Biden avait alors décidé de doubler la présence militaire américaine dans cette zone, portant les effectifs à environ 80.000 hommes, dont 20.000 supplémentaires spécifiquement mobilisés pour renforcer les positions dans des pays comme la Pologne, la Roumanie ou les États baltes.

Depuis, ces troupes ont été intégrées dans divers dispositifs logistiques et opérationnels, notamment autour du hub de Jasionka, en Pologne, qui sert de point de passage essentiel pour l’acheminement de l’aide militaire occidentale vers Kiev.

Un repositionnement en cours d’examen

Selon les informations disponibles, l’option envisagée ne viserait pas un retrait complet, mais un repositionnement partiel d’environ la moitié des renforts déployés en 2022. Le projet, encore en discussion, serait porté par certains responsables civils du Département de la Défense, dans le cadre d’une nouvelle feuille de route stratégique. Celle-ci reposerait sur plusieurs axes : une priorité donnée à la région indo-pacifique, une volonté de recentrage sur la sécurité intérieure des États-Unis, et une demande croissante adressée aux partenaires européens de prendre davantage en charge leur propre défense.

Ces orientations ont été rappelées publiquement ces dernières semaines par plusieurs responsables américains. À l’occasion de la Conférence sur la sécurité de Munich en février, le vice-président J.D. Vance avait estimé que les Européens devaient « assumer plus clairement leurs responsabilités ». Un message réitéré par le secrétaire à la Défense Pete Hegseth, qui a souligné que la dissuasion dans le Pacifique devenait une priorité stratégique majeure.

Une réaction prudente des pays alliés

Face à ces perspectives, plusieurs capitales européennes ont exprimé des préoccupations quant à l’évolution de l’engagement militaire américain. Pour les pays d’Europe centrale et orientale, la présence américaine est considérée comme un élément clé de la dissuasion face à la Russie.

En Pologne, où sont stationnés près de 10.000 soldats américains, les autorités ont tenté de rassurer. Le Premier ministre Donald Tusk a indiqué que les autorités polonaises avaient été informées en amont de ce projet, et que les troupes concernées ne quitteraient pas le pays, mais seraient réaffectées à d'autres sites en Pologne. De son côté, le ministre de la Défense, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, a confirmé que les opérations du centre logistique de Jasionka seraient désormais supervisées par l’OTAN, dans un souci de continuité stratégique.

Un débat ouvert à Washington

Aux États-Unis, cette initiative fait également l’objet de divergences internes. Certains responsables militaires, notamment le général Christopher Cavoli, commandant des forces américaines en Europe, plaident pour le maintien des effectifs actuels. Selon lui, la posture actuelle permet de garantir une capacité de réponse rapide en cas d'escalade régionale.

Des voix se sont aussi élevées au Congrès, particulièrement au sein de la majorité républicaine. Le président du Comité des services armés de la Chambre des représentants, Mike Rogers, a exprimé son inquiétude sur les conséquences potentielles d’un retrait partiel, notamment en termes de message envoyé à la Russie et de solidité du lien transatlantique. Le débat reste ouvert et aucune décision finale n’a été annoncée à ce jour par l’exécutif américain.

Un tournant stratégique dans les relations transatlantiques ?

L’éventualité d’un retrait partiel des forces américaines ne remet pas nécessairement en cause les engagements des États-Unis dans le cadre de l’OTAN, mais elle reflète une inflexion stratégique notable. Depuis plusieurs années, les administrations successives à Washington, républicaines comme démocrates, insistent sur la nécessité d’un partage plus équilibré des responsabilités au sein de l’Alliance.

Cette logique semble désormais s’imposer plus clairement dans les actes. Pour l’Europe, elle pose à nouveau la question de l’autonomie stratégique, notamment dans la gestion de ses propres dispositifs de défense et dans la capacité à faire face à une crise sécuritaire majeure à ses frontières.

En l’état actuel, le Pentagone affirme qu’il s’agit d’une réflexion en cours, dans le cadre d’une évaluation globale de la posture des forces américaines à l’étranger. Mais cette réflexion, en soi, traduit déjà une dynamique que les partenaires européens devront observer avec attention.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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