Cadeaux non declarés : la ministre de la Santé déjà sur la sellette ?

Agnès Firmin Le Bodo, la ministre de la Santé par intérim, quelques jours seulement après sa nomination, est déjà au cœur d’un scandale. Mediapart a révélé, jeudi 21 décembre 2023, que la ministre était visée par une enquête judiciaire portant sur des cadeaux non déclarés dont la valeur s’élèverait à 20 000 euros.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 23 décembre 2023 à 13h22
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Une enquête judiciaire pour cadeaux non déclarés

La nouvelle ministre de la Santé par intérim aura à peine eu le temps de savourer sa nomination, faisant suite à la démission d'Aurélien Rousseau, déposée après l'adoption de la loi immigration le 20 décembre 2023. L'ancienne ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, se retrouve empêtrée dans une affaire de cadeaux illicites. Selon Mediapart, elle aurait reçu plusieurs cadeaux non déclarés entre 2015 et 2020 de la part des laboratoires Urgo. Pas d'un ou deux cadeaux, plus d'une vingtaine. Ces derniers vont de produits de luxe, de montres, de plusieurs dizaines de vins et de champagne, le tout pour un montant évalué à plus de 20 000 euros. Il existe pourtant bien une loi l'interdisant : la loi « anti-cadeaux ». Cette loi, ratifiée en 2019 et entrée en vigueur en 2020, interdit à tous les professionnels de santé de concéder ou d'accepter des avantages en nature ou en espèces de manière directe ou indirecte. Le laboratoire Urgo semble pourtant plutôt habitué au fait. Celui-ci a écopé d'une amende de 1.125 000 euros, dont 625 000 euros assortis d'un sursis en janvier 2023.

La ministre de la Santé par intérim havraise a confirmé les dires de Mediapart sur l'antenne de France Bleu Normandie en déclarant que « dans le cadre de sa fonction de pharmacien, une enquête est en cours ». Le procureur de la République du Havre, Bruno Dieudonné, a précisé que l'enquête dont il est question « a été ouverte par le parquet du Havre en juin 2023 (et) concerne une quarantaine de pharmaciens », ajoutant « sur ces quarante pharmaciens, 19 ont perçu des avantages dont je ne souhaite pas à ce stade vous indiquer la nature, compris entre 1 000 et 10 000 euros, 3 entre 10 000 et 20 000 euros et 3 entre 20 000 et 32 000 euros ». L'ironie de la situation est palpable : Agnès Firmin Le Bodo est accusée d'avoir enfreint les règles qu'elle était censée défendre en tant qu'ancienne ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale des professions de santé. Il est tout de même assez surprenant qu'Agnès Firmin Le Bodo n'ait pas envisagé un instant, semble-t-il, que cette enquête puisse faire surface en acceptant sa nomination.

Une classe politique qui s'engouffre dans le discrédit

Pour Agnès Firmin Le Bodo, l'enjeu est double : elle risque non seulement des conséquences judiciaires (75.000 euros d'amende et un an de prison), mais aussi un discrédit politique majeur. Et l'on peut dire que les réactions ne se sont pas fait attendre, en particulier du côté des professionnels de santé. Il fallait s'y attendre. Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, n'a pas hésité à mettre la ministre de la Santé par intérim en porte-à-faux sur France Info : « si elle a perçu les cadeaux, il faut qu’elle plaide coupable et qu’elle en paye le prix ». Même tonalité pour la présidente de l'Ordre des pharmaciens, Carine Wolf-Thal, qui a tenu à souligner l'importance de garantir l'indépendance des professionnels de santé, affirmant que « c’est une interdiction absolue ». Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics, a quant à lui affirmé sur France Info que « l'exemplarité est absolument indispensable, non négociable ». Il a par la suite pris soin de souligner la nécessité de laisser la justice établir les faits. La critique s'est faite plus vive avec Manon Aubry. Sur X (ex-Twitter), l'eurodéputée LFI n'a pas hésité à dénoncer la tendance de l'exécutif à nommer des personnes malgré leurs « entorses à l'éthique et leurs démêlés judiciaires », allant jusqu'à supputer qu'il s'agissait d'un « critère d'entrée au gouvernement ! »


Outre les réactions qui entourent cette enquête, on peut s'interroger sur la décision du gouvernement d'avoir nommé - une fois de plus - une personne dont l'exemplarité semble quelque peu fébrile, en particulier au vu du contexte politique actuel. Où est donc passée la « République exemplaire » promise par Emmanuel Macron ? Benalla, Richard Ferrand, ancien président de l'Assemblée nationale, Marielle de Sarnez, ancienne ministre des Affaires européennes, Sylvie Goulard, ancienne ministre des Armées, Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée, Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, Alain Griset, ancien ministre délégué aux petites et moyennes entreprises... La liste ne cesse de s'allonger. Le bilan d'Emmanuel Macron depuis son premier mandat a de quoi laisser les Français perplexes : 18 condamnations, 7 mises en examen et 14 enquêtes en cours. On s'étonnera donc peu de savoir que plus de 70 % des Français éprouvent de la méfiance envers la classe politique.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin depuis septembre 2023.

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