Expulsion de Doualemn, influenceur algérien : la France baladée par l’Algérie

Doualemn, influenceur algérien expulsé par la France et refusé par son pays d’origine. Ce nouvel épisode illustre des problématiques récurrentes dans la gestion des OQTF (obligation de quitter le territoire français) et les relations complexes entre Paris et Alger.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 10 janvier 2025 à 11h30
doualemn

Le 9 janvier 2025, Doualemn, influenceur algérien, a été expulsé de France après des propos jugés violents sur TikTok. Pourtant, à son arrivée en Algérie, les autorités locales ont catégoriquement refusé son admission, renvoyant l'homme en France.

Pourquoi l’Algérie a refusé d'accueillir Doualemn

Malgré sa nationalité algérienne, Doualemn a été déclaré persona non grata à son arrivée sur le sol algérien. Cette décision, bien que rare, reflète une politique parfois complexe d’Alger face à des ressortissants impliqués dans des actes controversés à l’étranger. Ce rejet s’inscrit dans une stratégie visant à éviter des retombées politiques ou sécuritaires potentielles.

Doualemn, privé de son titre de séjour en France, avait été expulsé en raison d'une vidéo appelant à des violences. Toutefois, l'Algérie a invoqué son interdiction de territoire pour refuser son rapatriement. Il ne s'agit pas là d'un cas isolé. Xavier Driencourt, ex-ambassadeur de France à Alger, expliquait deux ans plus tôt au Point que « L’Algérie ne veut pas reprendre ses jeunes, “contaminés” par nos mœurs ». Une explication qui ne tient pas compte du ressentiment entretenu à l'égard de la France par cette population.

La France toujours insuffisante dans l'application des OQTF

Après le refus de l’Algérie, Doualemn a été renvoyé à Roissy-Charles-de-Gaulle, où il a été immédiatement placé en centre de rétention administrative. Son cas, qui sera réexaminé en février 2025, met en lumière les limites de l'exécution des OQTF. Selon le ministère de l’Intérieur, seulement 15 % des OQTF délivrées en 2023 ont été appliquées, un chiffre particulièrement bas pour les ressortissants algériens, avec un taux d’exécution avoisinant les 4 %.

Taux d’exécution des OQTF en 2023

NationalitéOQTF émisesOQTF exécutéesTaux d’exécution
Algérienne9 0003604 %
Marocaine7 80078010 %
Tunisienne5 2001 04020 %
Autres nationalités25 0005 25021 %

L’OQTF et l’Algérie : une problématique récurrente

L’Algérie, tout comme d'autres pays du Maghreb, est régulièrement accusée de freiner le retour de ses ressortissants expulsés de France. En 2021, la réduction des visas accordés aux Algériens avait été décidée comme mesure de rétorsion, mais les résultats se sont avérés limités. Selon les données compilées en 2023, moins de 4 % des OQTF visant des ressortissants algériens ont été effectivement exécutées. Ce taux reflète des obstacles structurels liés à la coopération franco-algérienne. En dépit de 2 500 laissez-passer consulaires délivrés la même année, la majorité des expulsions planifiées n’a pu être réalisée.

Un certain nombre de ressortissants algériens pose néanmoins de graves problèmes sécuritaires à la France. C'est ainsi une Algérienne en situation irrégulière et sous OQTF qui avait tué Lola, 12 ans, en 2022. Les Centres de rétention administrative (CRA) où se trouvent les personnes en attente d'expulsion sont également « toujours encombrés d’Algériens qui ne partent pas » selon le préfet d'un département français. Cette situation alourdit le coût déjà important de l'immigration.

Les moyens de pression disponibles pour la France

Face à ce blocage, plusieurs leviers peuvent être envisagés pour contraindre l'Algérie à reprendre ses ressortissants :

  1. Réduction des visas : une baisse supplémentaire des visas pourrait être envisagée, à conditions d'être effectivement menée.
  2. Gel d’accords bilatéraux : suspendre certains accords économiques ou éducatifs pourrait exercer une pression plus tangible. Les Algériens bénéficient actuellement d'un traitement de faveur, notamment concernant les visas et les titres de séjour. Obtenu après la décolonisation, ce traitement se justifie difficilement quand on voit combien l'Algérie rechigne à reprendre ses ressortissants.

Si ces mesures risquent d'exacerber des tensions déjà palpables, notamment dans un contexte où les relations bilatérales sont souvent fragiles, elles permettraient à la France de montrer sa position de force. Cette démonstration semble de plus en plus nécessaire dans les relations avec l'Algérie, qui ne cache pas sa haine de la France. Bruno Retailleau pourrait s'y pencher s'il veut mener des changements dans la politique migratoire française.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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