Fin de vie : l’Académie de médecine alerte sur une loi trop floue

La proposition de loi sur la fin de vie, attendue cette semaine à l’Assemblée nationale, relance un débat ancien aux ramifications éthiques, médicales et juridiques profondes. Face à un texte jugé trop imprécis, l’Académie nationale de médecine formule une série de recommandations visant à clarifier les termes et à garantir un encadrement rigoureux.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 6 mai 2025 18h21
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Le 6 mai 2025, l’Académie nationale de médecine a publié un communiqué à la veille de l’examen à l’Assemblée nationale de la proposition de loi n°1100 « relative à la fin de vie ». Ce texte, porté par le député Olivier Falorni (Les Démocrates), vise à inscrire dans le droit français un cadre légal autorisant, sous conditions, un recours à l’aide à mourir. Mais pour l’Académie, certaines ambiguïtés persistent, notamment sur la distinction entre suicide assisté et euthanasie. Elle plaide pour une révision plus structurée du texte, dans une logique de prudence médicale et de clarté législative.

Un flou lexical problématique selon l’Académie

L’un des principaux points de friction mis en avant concerne la terminologie même utilisée dans le texte législatif. Le projet de loi regroupe sous l'expression générique « aide à mourir » deux pratiques pourtant bien distinctes : le suicide assisté et l’euthanasie. L’Académie souligne que cette absence de distinction nette entretient une confusion préjudiciable, tant pour les soignants que pour les patients et leurs familles.

Elle rappelle que dans un avis adopté le 27 juin 2023, elle avait déjà insisté sur la nécessité de différencier explicitement ces deux procédures. Le suicide assisté implique que la personne concernée, en pleine possession de ses capacités mentales, administre elle-même une substance létale. À l’inverse, l’euthanasie suppose une intervention active d’un tiers, généralement un professionnel de santé, pour provoquer directement la mort.

L’Académie estime que cette distinction n’est pas seulement technique : elle renvoie à des implications éthiques, symboliques et juridiques profondément différentes. La non-séparation des deux procédures dans le texte interroge sur la capacité du projet à fournir un cadre sécurisant pour les praticiens comme pour les patients.

Des modalités d’accès qui nécessitent un encadrement renforcé

La proposition de loi prévoit que l’aide à mourir serait ouverte à toute personne majeure souffrant d’une affection grave et incurable, provoquant une souffrance réfractaire et insupportable, qu’elle soit physique ou psychique. Cette souffrance devrait être attestée dans un contexte de phase avancée ou terminale. Le patient devrait aussi être en capacité d’exprimer une volonté libre et éclairée.

L’Académie, tout en reconnaissant que ces critères visent à restreindre l’accès au dispositif, appelle à une définition plus rigoureuse des conditions de recevabilité des demandes. Elle insiste notamment sur la nécessité d’une évaluation collégiale, pluridisciplinaire et répétée, fondée sur une expertise médicale approfondie. Elle alerte également sur les risques d’inclusion abusive de personnes vulnérables : états dépressifs, troubles cognitifs, grand âge ou handicap lourd ne doivent en aucun cas, selon elle, constituer des motifs recevables pour une aide à mourir.

Elle suggère par ailleurs que cette évaluation préalable ne soit possible que si la personne bénéficie d’un accès effectif à des soins palliatifs. Une manière de rappeler que le recours à l’aide à mourir ne peut être envisagé qu’en dernier ressort, une fois que toutes les autres formes d’accompagnement ont été pleinement mobilisées.

Le rôle pivot des soins palliatifs, encore en attente de moyens

Ce point renvoie à une critique récurrente formulée par les professionnels du secteur : le manque de développement et de moyens accordés aux soins palliatifs en France. L’Académie de médecine insiste sur ce déséquilibre structurel. Elle considère qu’une politique ambitieuse de fin de vie ne peut faire l’impasse sur un plan national de renforcement des soins palliatifs, tant en matière de couverture géographique que de ressources humaines et de formation.

Sans un accès réel à des structures de soins palliatifs de qualité, le libre choix revendiqué par le texte devient, selon elle, théorique. Cette asymétrie remet en cause l’équité de traitement sur le territoire national, et augmente le risque que la demande d’aide à mourir repose moins sur une volonté personnelle que sur un défaut de prise en charge.

L’Académie prône un débat parlementaire approfondi

Le projet de loi n°1100 sera débattu dans un contexte sociétal chargé. Si les sondages montrent qu’une majorité de Français se dit favorable à une évolution du cadre légal sur la fin de vie, la classe politique reste divisée. Certains députés de la majorité présidentielle, bien que globalement favorables à la liberté de choix des patients, s’inquiètent également d’un texte qu’ils jugent encore trop ouvert, voire imprécis dans ses effets juridiques concrets.

Dans ce contexte, l’Académie de médecine ne prend pas position contre le principe même d’une aide à mourir, mais elle appelle à une réécriture du texte. Elle préconise que la loi soit retravaillée avec davantage de rigueur, notamment sur les protocoles d’évaluation, les garanties d’accompagnement, la clarification des termes juridiques, et la protection des professionnels de santé impliqués.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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