La publication d’une nouvelle circulaire sur la naturalisation par Bruno Retailleau ouvre une séquence administrative et politique autour des critères d’accès à la nationalité française. Derrière les ajustements techniques, un changement de doctrine s’esquisse.
Retailleau remet l’assimilation sur le tapis avec cette nouvelle circulaire

Le 5 mai 2025, le ministère de l’Intérieur a diffusé une circulaire visant à encadrer plus strictement les conditions d’accès à la nationalité française par naturalisation. Ce texte, signé par Bruno Retailleau, s’adresse à l’ensemble des préfets et entend fixer une ligne d’action claire à l’échelle nationale. Il intervient dans un contexte de hausse du nombre de naturalisations observée en 2024, année au cours de laquelle plus de 66 000 personnes ont acquis la nationalité française, en progression par rapport à 2023.
Selon le ministère, cette nouvelle orientation administrative poursuit deux objectifs : assurer une application homogène des critères de naturalisation et renforcer l’exigence d’assimilation aux principes républicains. Le texte s’inscrit dans la continuité des évolutions récentes introduites par la loi du 26 janvier 2024, dite "loi Darmanin", qui a modifié certaines dispositions du Code civil relatives aux étrangers.
Des critères renforcés autour de trois axes majeurs
La circulaire insiste sur trois grandes dimensions que les préfets sont désormais invités à apprécier avec davantage de rigueur. D’abord, le niveau de langue requis est rehaussé. Il ne s’agit plus seulement d’une maîtrise fonctionnelle de la langue française, mais d’un niveau avancé attestant d’une capacité réelle d’expression et de compréhension dans des contextes variés, y compris civiques. Cette évolution vise à favoriser une intégration linguistique plus poussée.
Ensuite, le texte introduit une lecture plus restrictive du principe d’adhésion aux valeurs de la République. Les préfets doivent désormais vérifier non seulement la connaissance des institutions françaises, mais aussi la compatibilité du comportement du demandeur avec les règles de vie collective, notamment en matière de respect de la loi et d’absence d’antécédents relevant du séjour irrégulier.
Enfin, la dimension socio-économique fait l’objet d’un encadrement renforcé. La circulaire exige que les candidats à la naturalisation démontrent une insertion professionnelle stable d’au moins cinq années consécutives. Ce critère doit être interprété strictement : les interruptions de parcours, les activités informelles ou les périodes de chômage non justifiées peuvent entraîner un refus. De plus, le ministère précise que les ressources du demandeur doivent être « suffisantes et stables », excluant expressément les prestations sociales comme justificatif principal de revenu.
Une volonté de recentrer la politique de naturalisation
Le message politique porté par le ministre de l’Intérieur est clair. La nationalité française ne saurait être, selon lui, un simple aboutissement administratif. Elle doit correspondre à un engagement fort et à une intégration démontrée. Bruno Retailleau rappelle, dans la circulaire, que la naturalisation demeure une décision discrétionnaire de l’État, qui n’a pas à être automatique même en cas de satisfaction formelle des conditions.
Cette position marque un infléchissement assumé de la doctrine administrative. Alors que les circulaires précédentes, notamment celles des années 2012 à 2017, insistaient sur une logique de facilitation pour les étrangers insérés dans la société française, le texte de 2025 renverse la perspective. Il ne s’agit plus de valoriser les efforts d’intégration, mais de poser des seuils élevés auxquels seuls certains profils peuvent prétendre.
Ce changement de paradigme s’explique aussi par des considérations politiques internes. Bruno Retailleau, qui a pris ses fonctions rue de Grenelle en janvier 2025, s’inscrit dans une stratégie de réaffirmation de la souveraineté administrative dans les politiques migratoires. Cette circulaire intervient après celle de janvier 2025 sur la régularisation des travailleurs sans papiers, qui avait elle aussi introduit des conditions plus restrictives.
Une application immédiate et un suivi préfectoral sous contrôle
La circulaire n’impose pas seulement une nouvelle grille de lecture, elle prévoit également un mécanisme de contrôle de son application. Chaque préfet devra transmettre au ministère, dans un délai de trois mois, un bilan chiffré et qualitatif de la mise en œuvre des nouvelles orientations. Ce suivi est présenté comme une garantie d’uniformité, mais il introduit aussi un levier de pression sur les territoires, notamment ceux où les taux de naturalisation sont historiquement élevés.
Par ailleurs, une annexe rappelle aux préfets le rôle de la charte des droits et devoirs du citoyen français, qui doit être remise à chaque candidat et servir de référence dans l’évaluation de son adhésion aux valeurs de la République. Des évolutions complémentaires pourraient suivre, notamment la mise en place d’un « test civique » évoqué par plusieurs sources ministérielles, dont l’entrée en vigueur serait envisagée à partir de janvier 2026.