Alors que la France attend la nomination imminente d’un nouveau Premier ministre, les tractations au sommet de l’État illustrent les défis posés au gouvernement ans un paysage politique éclaté.
Nomination du Premier ministre : une équation à haut risque pour l’Élysée
![premier ministre - emmanuel-macron-budget-rectificatif-2024](https://www.politiquematin.fr/wp-content/uploads/2024/04/shutterstock_2142921871.jpg)
Emmanuel Macron, face à une Assemblée nationale éclatée, joue une carte maîtresse pour stabiliser son mandat et assurer la continuité des réformes. Le choix d'un Premier ministre est cornélien. Le Rassemblement National et la France insoumise tiennent des places de choix à l'Assemblée nationale. Pourtant Emmanuel Macron tente de les exclure des discussions autour du fameux siège de Matignon.
Emmanuel Macron : casse-tête pour un Premier ministre
Le président de la République s’est engagé à désigner un successeur à Michel Barnier d'ici vendredi 13 décembre. Cette promesse fait suite à la motion de censure qui a frappé l'ancien Premier ministre et à sa démission, marquée par des critiques acerbes sur l’utilisation répétée du 49.3 et une incapacité à fédérer un Parlement divisé. Emmanuel Macron a multiplié les consultations avec les partis politiques, à l’exception notable de La France insoumise (LFI) et du Rassemblement national (RN).
Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut Ipsos, observe que « L’enjeu le plus important, c’est de savoir qui sera Premier ministre, mais surtout combien de temps il pourra tenir et sur quelle base de consensus ». En effet, les divergences idéologiques profondes et les "lignes rouges" imposées par les différents groupes parlementaires rendent difficile l’établissement d’un accord durable.
Du côté du Parti socialiste (PS), Olivier Faure conditionne un soutien potentiel à un renoncement du gouvernement à l’usage du 49.3, outil largement perçu comme un passage en force. Pour les Républicains (LR), le choix d’un Premier ministre de consensus, comme François Bayrou, pourrait être envisagé, bien que certaines figures du parti redoutent une continuité perçue comme trop "macroniste".
Le Rassemblement Nationale rejette une exclusion systématique
Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national (RN), a dénoncé avec vigueur l'exclusion de son parti des consultations à l’Élysée autour du choix du futur Premier ministre. Selon elle, cette attitude ne fait que renforcer la polarisation politique et miner la confiance des électeurs envers les institutions. « Nous représentons des millions de Français, mais ce gouvernement persiste à faire comme si nous n'existions pas. Cette exclusion est une négation de la démocratie », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse.
Le RN pointe également l’hypocrisie d’un "consensus républicain" qui, tout en prônant l’unité nationale, marginalise un tiers de l’électorat. Les élus RN insistent sur le fait qu’une véritable stabilité politique passe par l’inclusion de toutes les forces démocratiquement élues. Marine Le Pen a ainsi martelé : « Le barrage républicain n’est qu’un prétexte pour maintenir les Français dans une forme de statu quo élitiste ».
Paradoxalement, l’attitude du gouvernement dans le choix du Premier ministre pourrait renforcer la légitimité du RN en tant qu’alternative sérieuse aux partis traditionnels. Marine Le Pen, habituée des critiques sur son exclusion des cercles de décision, a dénoncé « une démocratie à deux vitesses où l’on décide qui mérite ou non de participer ».
LFI dénonce un simulacre de dialogue
Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise (LFI), a qualifié ces consultations de « mascarade visant à maquiller un autoritarisme sous un vernis de démocratie ». Pour lui, la stratégie de l’Élysée traduit une incapacité à reconnaître la diversité des courants politiques exprimés par les urnes. Les députés du parti, par la voix de Mathilde Panot, dénoncent un mépris à l’égard des millions de Français ayant choisi leur mouvement. « Cette exclusion montre que l’Élysée craint les débats véritables. En réalité, ils ne veulent pas d’une démocratie participative, mais d’une chambre d’enregistrement à leur service », a-t-elle affirmé.
LFI appelle également ses partenaires du Nouveau Front populaire (NFP), incluant le Parti socialiste (PS) et Europe Écologie Les Verts (EELV), à ne pas céder aux sirènes d’un consensus qu’ils jugent tronqué. Cette prise de position illustre les tensions internes au sein de la gauche, tiraillée entre une opposition frontale et une participation conditionnelle. En adoptant un ton résolument combatif, LFI espère mobiliser ses électeurs tout en accentuant la pression sur le gouvernement. Toutefois, cette posture pourrait isoler encore davantage le mouvement, au risque de marginaliser ses propositions dans le débat public.
Le "barrage républicain" : un concept à repenser ?
Depuis 2002, lors du second tour qui a opposé Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen, le terme de barrage républicain incite les électeurs français à ne pas voter pour le Front National, puis le Rassemblement National. Avec le début de la guerre entre Israël et le Hamas et les prises de position de LFI en faveur de la Palestine, et surtout du groupe terroriste du Hamas, le barrage républicain s'est étendu à LFI.
Cependant, le Rassemblement National à lui seul réunit aujourd'hui près d'un tiers des Français. Dès lors, on peut questionner la légitimité du barrage républicain. Cette stratégie, bien qu’efficace à court terme, pourrait se retourner contre ses instigateurs en renforçant la polarisation politique et en alimentant les frustrations.