Prisonniers en visite à Versailles : les Français ne digèrent pas

Une nouvelle polémique tourne les regards des Français vers les prisons : le 27 juin, certains prisonniers de Toul, en Meurthe-et-Moselle, pourraient bénéficier d’une sortie au château de Versailles. Une proposition culturelle qui agace les Français et inquiète les forces de l’ordre.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 22 mai 2024 à 17h00
Prisonniers

Un long trajet qui rappelle l'évasion de Mohamed Amra

Toul est à 350 km de Versailles, et les prisonniers doivent être acheminés en bus. L'activité devrait concerner entre dix et quinze détenus, accompagnés de trois agents pénitentiaires, soit un gardien pour trois à cinq détenus. Un encadrement qui paraît insuffisant, même s'il est prévu que les participants soient « triés sur le volet », selon les termes d'Éric Dupont-Moretti, ministre de la Justice. À titre de comparaison, en colonie de vacances, la loi impose un animateur pour huit enfants de moins de 6 ans, ou un pour douze enfants de 6 ans et plus. Cependant, alors que les enfants sont en général satisfaits de leur sort, les détenus peuvent chercher à s'évader, avec des stratégies d'autant plus efficaces qu'ils ne sont justement pas des enfants.

Ainsi, les forces de l'ordre s'insurgent. « On organise le déplacement de détenus condamnés à de longues peines pour des crimes ? Qui ne rêvent que de liberté ? Et avec trois accompagnateurs ? On marche sur la tête », s'exclame un agent. Les craintes des policiers sont exacerbées par l'évasion récente de Mohamed Amra, qui a montré que la sécurité des détenus, particulièrement pendant les transports à l'extérieur, ne bénéficie pas toujours des moyens nécessaires. Or, même si les détenus concernés par la sortie sont moins dangereux que Mohamed Amra, la prison de Toul rassemble majoritairement des peines de plus d'un an de prison, sanctionnant des viols ou des meurtres.

La réinsertion des prisonniers, un serpent de mer

La sortie au château de Versailles des prisonniers de Toul et la polémique qu'elle engendre s'inscrit dans un vieux serpent de mer : la réinsertion. Elle fait partie des cinq fonctions de la peine carcérale, qui sont, dans l'ordre :

  1. La neutralisation du délinquant, supposé ne pas pouvoir commettre de nouveaux crimes et délits s'il est en prison. Une conception qui peut notamment être remise en question par la facilité d'accès à un téléphone portable, ce qui peut permettre la continuité d'un trafic de drogue par exemple.
  2. La dissuasion, la prison doit ôter l'envie au délinquant et à son entourage de récidiver. Cela implique que la prison soit un environnement difficile.
  3. La rétribution, ou la réparation symbolique du crime ou du délit commis. Là encore, cela implique que les Français voient la prison comme un environnement peu enviable.
  4. La réparation aux victimes, puisque le prisonnier, par son travail, doit pouvoir indemniser les victimes.
  5. La réinsertion : ce point ne vient donc qu'en dernier. Il concerne les prisonniers qui respecteront la loi à leur sortie, et doivent être aidés à retrouver un travail.

Dans cette optique, on peut se demander pourquoi la réinsertion passe par des sorties culturelles ou la venue d'association culturelles et sportives dans les prisons. Si le travail et la formation font également partie des activités de réinsertion, certains estiment que ces domaines devraient prendre plus de place, voire toute la place.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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1 commentaire on «Prisonniers en visite à Versailles : les Français ne digèrent pas»

  • 1) En fait, tous les prisonniers devraient avoir leur portable supprimer et à la place, aller dans les parloirs où il y aurait des téléphones fixes sur écoute de sorte que le personnel sache ce qu’il se dit au téléphone!
    2) L’environnement du prisonnier serait limité à sa chambre, douche, toilettes et TV avec accès en salle à manger avec les autres détenus puis marche à pied dans l’enceinte avant de retourner dans sa cellule…
    3) Prison veut dire emprisonnement où les loisirs devraient être limités à la TV, à la lecture, aux études, aux discussions avec le personnel ou les détenus, à la marche à pied et à de la gym dans leur cellule… en restant dans la prison!
    4) La réparation aux victimes correspond à la durée d’emprisonnement plus ou moins longue en général à moins qu’elle soit additionnée d’un TIG (travail d’intérêt général)…
    La conclusion d’Adélaïde est parfaite de sorte qu’ils se consacrent tous à se réinsérer dans la société par le biais d’études, de lectures utiles et de travaux spécifiques mais aussi, étudier où l’on ira vivre, avec qui ou seul afin d’y travailler la plupart du temps… et ainsi, le temps passé en prison aura été utilement utilisé et c’est au fond ce qui plait aux personnels pénitentiaires de savoir le succès de la prise de conscience de vie des détenus afin de transformer leur vie passée en bien meilleure!

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