Privilèges des anciens présidents : le Sénat serre la vis

Les privilèges accordés aux anciens présidents et Premiers ministres font l’objet d’un débat intense au Sénat.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 23 janvier 2025 à 8h33
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Le 22 janvier 2025, le Sénat a voté un amendement visant à supprimer les avantages accordés aux anciens présidents de la République et Premiers ministres. Cette décision, adoptée contre l’avis du gouvernement, s’inscrit dans un contexte de déficit budgétaire alarmant, où chaque dépense publique est scrutée.

Une décision du Sénat à contre-courant du gouvernement

L’amendement déposé par la sénatrice Nathalie Goulet, du groupe centriste, propose la suppression de divers privilèges historiques attribués aux anciens présidents : voitures avec chauffeurs, secrétaires, collaborateurs, et autres avantages matériels. Le Sénat espère ainsi économiser 2,8 millions d’euros par an, un montant qui, bien que modeste à l’échelle nationale, est symbolique pour une gestion publique plus sobre.

Cette mesure, votée contre l’avis du gouvernement, doit encore être adoptée par l’Assemblée nationale pour devenir effective. Selon Nathalie Goulet, «la République ne doit pas maintenir des avantages coûteux à des citoyens qui ne la servent plus ». Michel Canevet, sénateur centriste, a renchéri : « Quand on demande des efforts aux Français, l’État doit commencer par donner l’exemple. »

Les privilèges des anciens présidents, un coût élevé pour les contribuables

Actuellement, les anciens présidents de la République bénéficient d’un large éventail de privilèges. Ces avantages incluent un cabinet pouvant atteindre sept collaborateurs (réduit après cinq ans à trois membres), des locaux meublés et équipés, ainsi qu’un véhicule avec chauffeur. Ces dispositions sont entièrement financées par l’État.

Du côté des anciens Premiers ministres, les avantages sont également substantiels, mais plus restreints que pour les anciens présidents. Ils comprennent principalement une voiture avec chauffeur et un secrétariat, sauf si ces anciens responsables occupent une autre fonction publique. Entre 2022 et 2023, les crédits alloués aux anciens Premiers ministres ont bondi de 11 %, passant à plus de 2,5 millions d’euros par an, selon un rapport parlementaire. Cette augmentation est due à une instabilité politique ayant multiplié les changements de gouvernements.

Des justifications de moins en moins acceptées

Historiquement, ces privilèges avaient pour but d’assurer la dignité et la sécurité des anciens chefs de l’État et Premiers ministres. Face à l’amendement voté par le Sénat, le gouvernement s’est montré réservé, rappelant les justifications sécuritaires et pratiques de ces avantages. Patrick Mignola, ministre chargé des Relations avec le Parlement, a souligné que « dans un monde de plus en plus dangereux, avec des risques croissants liés à l’espionnage et aux agressions, il est impératif de garantir des conditions de sécurité optimales pour les anciens chefs d’État et Premiers ministres. »

Cependant, plusieurs sénateurs de l’opposition et du centre ont contesté cette approche. Ils estiment que les mesures actuelles, qui incluent des chauffeurs, des secrétaires et des locaux, sont disproportionnées et déconnectées des besoins réels des anciens dirigeants. Michel Canevet a rappelé que ces responsables disposent souvent de revenus élevés grâce à leurs retraites multiples ou à des activités professionnelles lucratives.

Le gouvernement a néanmoins concédé qu’une réduction partielle pourrait être envisagée, à condition de préserver les dispositifs de sécurité essentiels. En attendant, la décision finale reste suspendue à l’issue de la navette parlementaire, où des ajustements pourraient être intégrés.

Cependant, les critiques se multiplient. De nombreux parlementaires, comme le communiste Fabien Gay, considèrent ces avantages comme un reliquat injustifié. « Il faut fixer des limites : un président ou un Premier ministre n’a pas vocation à bénéficier de ces privilèges pendant des décennies », a-t-il déclaré.

Une réforme dans un contexte de crise économique

La France traverse une période marquée par un déficit abyssal et une dette publique dépassant les 3 200 milliards d’euros. Alors que des sacrifices sont demandés aux citoyens, maintenir ces avantages paraît déconnecté des réalités sociales. Selon Nathalie Goulet, « personne parmi ces anciens responsables ne dépend des Restos du Cœur ». Cette remarque illustre le décalage perçu entre les élites politiques et le reste de la population.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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