Les sept heures de travail gratuit annuelles pour financer les retraites font grand bruit. Cette proposition a été votée au Sénat dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Elle entend financer le secteur de l’autonomie, notamment le vieillissement de la population et la transformation des Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Bien qu’encore loin d’être adoptée définitivement, la mesure divise profondément l’opinion publique et les responsables politiques.
Retraites : prêts à travailler 7h gratis ?
Quelles étapes avant que vous travailliez gratis ?
Le 20 novembre 2024, le Sénat a approuvé cette mesure qualifiée de « contribution de solidarité » en faveur des retraites par 216 voix contre 119. Elle prévoit d’imposer aux actifs sept heures de travail gratuit par an, venant s’ajouter à la journée de solidarité déjà en place. Selon ses promoteurs, cette disposition devrait rapporter 2,5 milliards d'euros par an, permettant de couvrir une partie du déficit chronique de la Sécurité sociale.
Le gouvernement, bien qu'ayant accueilli favorablement l'idée, a souligné la nécessité d’une concertation avec les partenaires sociaux avant toute mise en œuvre. Cette précaution reflète l'incertitude entourant son avenir législatif, car le texte doit encore passer en commission mixte paritaire où députés et sénateurs tenteront de trouver un compromis. Si aucune entente n'est trouvée, l'Assemblée nationale pourrait intervenir via l’article 49.3 de la Constitution, renforçant les tensions autour de cette mesure.
Une loi nécessaire pour les défenseurs des retraites
Pour les partisans de cette contribution, les actifs doivent impérativement être solidaires des retraités, donc accepter de travailler gratuitement. La sénatrice centriste Élisabeth Doineau, l'une des figures de proue du projet, a défendu cette initiative en affirmant : « Nous ne faisons pas cette proposition de gaieté de cœur, mais il nous faut trouver des moyens pour financer le mur du grand âge. »
D'autres voient dans cette mesure un moyen de responsabiliser l’ensemble de la société face au vieillissement croissant de la population. Gérard Larcher, président du Sénat, a qualifié l'idée de « réaliste et nécessaire », soulignant qu’elle pourrait éviter des coupes plus drastiques dans d’autres secteurs publics. Cette loi ne touchera cependant pas les sénateurs, qui se sont par ailleurs augmentés de 700 euros par mois.
La gauche ne veut pas charger davantage les actifs
Pour ses opposants, cette contribution est une injustice flagrante, venant alourdir les charges des actifs tout en épargnant d’autres catégories. Le parti communiste, par la voix de la sénatrice Cathy Apourceau-Poly, a proposé une « journée de solidarité des dividendes » pour que les actionnaires participent eux aussi à l’effort collectif.
D'autres responsables politiques, comme Sandrine Rousseau (Europe Écologie Les Verts), dénoncent une forme de « double peine » pour les actifs. Selon elle, « la vraie solidarité consiste à réduire les inégalités, pas à imposer des sacrifices supplémentaires à ceux qui travaillent déjà. »
Actif ou retraité : qui est le plus à plaindre ?
L’un des arguments majeurs contre cette mesure repose sur les inégalités entre actifs et retraités. Certains chiffres sont souvent mis en avant pour illustrer ces écarts : les retraités présentent un taux de pauvreté inférieur à 11 %, contre des chiffres avoisinant les 20 % pour les enfants et les jeunes actifs. Ce faible taux s’explique par la stabilité des pensions, souvent ajustées à l’inflation, et par la baisse des dépenses courantes après le départ à la retraite, à l'exception de la santé, dont certains frais sont remboursés par la Sécurité sociale.
Les retraités en France bénéficient, en moyenne, d’un niveau de vie supérieur à celui des actifs. Un rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) souligne que, lorsqu’on prend en compte les loyers imputés (valeur théorique des logements dont les retraités sont propriétaires), leur niveau de vie dépasse celui des actifs de 5 %. En effet, environ 62 % des retraités ont remboursé leur prêt immobilier, contre seulement 17 % des actifs de moins de 50 ans. Leur patrimoine moyen est également nettement plus élevé : les ménages dont la personne de référence a plus de 60 ans possèdent, en moyenne, un patrimoine supérieur à 300 000 euros, soit bien plus que les ménages actifs plus jeunes.
Les retraités ont donc un taux d’épargne supérieur et bénéficient de pensions qui représentent, en moyenne, le double des montants cotisés durant leur carrière. Les actifs, quant à eux, subissent déjà de plein fouet les effets de réformes successives allongeant la durée de travail et augmentant les prélèvements. Pour nombre de syndicats, cette contribution de sept heures ne ferait qu’aggraver le sentiment d’injustice.
La polarisation du débat autour de cette mesure reflète les tensions politiques actuelles. Alors que la majorité sénatoriale (composée de la droite et du centre) soutient l'idée, le gouvernement reste divisé. Michel Barnier, Premier ministre, s’est montré « très réservé », tout comme plusieurs députés centristes et écologistes. L’Assemblée nationale, à majorité opposée à cette mesure, pourrait jouer un rôle décisif dans son rejet ou sa révision.