Alors que la réglementation sur les eaux minérales impose des normes strictes pour garantir leur pureté, des révélations récentes mettent en lumière un soutien implicite des plus hautes autorités de l’État à Nestlé pour maintenir l’utilisation de techniques de filtration jugées non conformes.
Scandale des eaux en bouteille : comment Nestlé a contourné les règles grâce l’État

Le 4 février 2025, une enquête menée par Radio France et Le Monde a révélé que Nestlé a obtenu du gouvernement des dérogations lui permettant de continuer à utiliser des procédés de filtration jugés illégaux selon la réglementation européenne et française. Ces révélations, basées sur des documents internes et des échanges entre l’entreprise et l’administration, pointent une complaisance évidente de l’État envers les intérêts du géant agroalimentaire.
Alors que la loi impose aux eaux minérales naturelles de ne subir aucun traitement chimique ou physique altérant leur qualité originelle, Nestlé aurait réussi à faire pression sur plusieurs ministères et sur l’Élysée pour éviter toute interdiction immédiate. Face à ces révélations, Foodwatch réclame des sanctions exemplaires et une enquête approfondie sur les responsabilités politiques dans cette affaire.
Une réglementation stricte contournée avec l’aide de l’État
En France, les eaux minérales naturelles sont censées répondre à des critères stricts garantissant leur pureté originelle. Contrairement aux eaux de source ou à l’eau du robinet, elles ne doivent subir aucun traitement de désinfection et doivent être mises en bouteille dans leur état naturel.
Pourtant, selon les documents obtenus par les journalistes, Nestlé a réussi à prolonger l’utilisation de filtres ne respectant pas ces exigences réglementaires. Les échanges entre les ministères de la Santé et de l’Environnement montrent que certains responsables ont tenté d’interdire ces pratiques, mais ont été désavoués par des décisions venues d’en haut. En juillet 2022, un rapport interne du ministère de la Santé mettait en garde contre ces traitements et préconisait leur interdiction immédiate. Face aux pressions exercées par Nestlé, le gouvernement a préféré céder.
Loin de s’appuyer sur un argumentaire scientifique, c’est une justification purement économique qui a primé dans les échanges entre Nestlé et les autorités. L’entreprise a mis en avant le coût d’une mise en conformité immédiate et les risques pour l’emploi et la compétitivité du secteur, un discours souvent entendu lorsque des intérêts industriels sont en jeu.
Un lobbying structuré au cœur des décisions politiques
Ce dossier illustre la puissance des lobbys dans les décisions gouvernementales et l’absence de véritable contre-pouvoir face à des multinationales comme Nestlé. Loin d’être un cas isolé, il s’inscrit dans une dynamique où les intérêts privés influencent directement la politique publique, parfois au détriment des consommateurs.
L’un des éléments les plus frappants de cette affaire concerne l’implication de l’Élysée dans l’arbitrage en faveur de Nestlé. Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence, aurait directement été sollicité par le groupe agroalimentaire pour intervenir sur ce dossier. Les documents révélés par l’enquête indiquent que Matignon et l’Élysée ont été informés des pratiques litigieuses de Nestlé mais ont préféré privilégier un accord favorable à l’entreprise plutôt que de faire respecter la réglementation en vigueur.
Les réactions : entre indignation et opacité gouvernementale
Suite aux révélations, les premières réactions politiques ont été marquées par une prudence excessive. Si quelques parlementaires ont appelé à une audition des responsables impliqués dans ces décisions, aucune déclaration officielle du gouvernement n’a pour l’instant clarifié les raisons de cet arbitrage favorable à Nestlé.
Foodwatch a dénoncé une atteinte grave aux principes de régulation sanitaire et une compromission de l’État dans des décisions qui auraient dû être guidées par des critères de santé publique, et non par des considérations économiques. L’organisation réclame un procès et des sanctions exemplaires contre Nestlé, ainsi qu’une enquête approfondie pour établir les responsabilités politiques dans cette affaire.
Les conséquences économiques et politiques d’une telle affaire
Cette affaire pose la question de la confiance des consommateurs dans les produits qu’ils achètent. L’eau en bouteille est souvent perçue comme un produit sûr et contrôlé, or cette affaire démontre que des compromis peuvent être faits, même sur des critères réglementaires censés être intransigeants.
La question du poids des lobbys industriels dans la prise de décision publique est relancée. La gestion de ce dossier par l’État soulève des questions sur l’influence des multinationales sur la réglementation et la capacité des gouvernements à faire respecter les règles sans subir de pressions économiques.
Alors que Foodwatch demande des sanctions contre Nestlé et que certains parlementaires réclament des explications officielles, reste à savoir si cette affaire entraînera des conséquences réelles ou si elle rejoindra la longue liste des dossiers où les intérêts privés ont fini par dicter la loi.